L’élection d'Andrew Scheer relancera-t-elle le Bloc au Québec?

2017/05/30 | Par Michel Gourd

Avec cette élection du nouveau chef conservateur, les chefs des grands partis fédéraux, sauf le NPD, sont connus et une partie de leur orientation politique aussi. Un peu comme dans un casse-tête qui révèle peu à peu le portrait de la prochaine élection fédérale, la pièce que rajoute la venue d’Andrew Scheer montre un peu plus ce à quoi elle ressemblera.

Le nouveau chef saskatchewannais du Parti conservateur fédéral est issu d’un système électoral complexe qui permet fondamentalement d’élire le meilleur deuxième choix à la tête d’un parti. Ce système pourrait rendre difficile au nouveau chef de conquérir les 78 comtés du Québec.

Au niveau des Québécois, on peut supposer que Maxime Bernier qui a remporté la majorité des circonscriptions du Québec et était le meilleur premier choix selon les sondages aurait été plus attirant comme chef conservateur. Les prochaines élections diront si ce système n’a finalement pas trouvé le meilleur deuxième choix au niveau national et donc le meilleur chef de l’opposition officielle.  

Actuellement, plus les élections fédérales approchent, plus le positionnement du Bloc québécois semble pertinent et son choix par les électeurs possible. Les candidats actuellement en lice pour la chefferie du NPD militent en ce sens. Bien que des chroniqueurs aient récemment averti de ne pas les sous-estimer, il est tout de même peu probable qu’ils soient à la tête d’une vague orange comme celle qui a balayé le Bloc avec 58 députés sur les 75 au Québec ne lui en laissant que quatre. Le nouveau chef du NPD pourrait bien avoir comme réservoir naturel les minorités citadines du Québec plutôt que sa population rurale. Il viendrait donc puiser dans un des grands groupes d’électeurs des libéraux fédéraux et nuirait au parti qui a empêché la remontée du Bloc aux élections de l'automne 2015 le limitant à 10 députés à la Chambre des communes.

Au niveau du parti au pouvoir, Justin Trudeau pourrait aussi trouver les prochaines élections fédérales plus pénibles que les dernières. Ses promesses tombent comme des feuilles mortes en automne et le parti perd ses électeurs de gauche. Les médias et plusieurs citoyens ont été très critiques de son gouvernement après qu’il ait renié sa promesse de changer le mode de scrutin. Son recul au sujet de la protection de l’environnement est aussi un point qui pourrait lui être reproché. Finalement, la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) avec les États-Unis risque de lui couter des votes. La plupart des points en discussion, incluant la gestion de l’offre en agriculture et le bois d’œuvre, ont des impacts importants au Québec. Il est peu probable qu’il ne devra pas reculer compte tenu des forces en présence. L’exception culturelle pourrait bien en souffrir. Ce recul pourrait aussi lui être défavorable dans les urnes.  

La situation politique au Québec pourrait aussi militer pour une plus grande appréciation du Bloc par les électeurs. S’ils se déchirent actuellement sur la place publique, autant les souverainistes pressés que les plus modérés, ceux de droite ou de gauches n’ont qu’un parti pour voter au fédéral et c’est le Bloc. Les Québécois aiment voter pour un parti opposé au fédéral de celui qui est au provincial. Cette politique dite de la « police d’assurance » est bien connue. Compte tenu du coup de poignard dans le dos que vient de donner Québec solidaire au Parti Québécois, il est actuellement peu probable qu’il formera le prochain gouvernement du Québec. Les électeurs pourraient donc porter leur choix sur le Bloc pour rétablir l’équilibre.

La députée de Vachon, Martine Ouellet, couronnée chef du Bloc Québécois le 18 mars a aussi plusieurs points à présenter pour dénoncer les affres du fédéralisme. En plus du projet d’oléoduc d’Énergie Est, le projet de dépotoir de déchets nucléaires au milieu d'un marécage à Chalk River, à moins d'un kilomètre de la rivière des Outaouais en est un important. La construction de ce site dans ce bassin versant risquerait de causer une contamination radioactive de l'eau potable de toutes les municipalités québécoises qui sont en aval. Même le ministre libéral de l'Environnement du Québec, David Heurtel, s'inquiète des conséquences possibles. Advenant une contamination, ce sera de la responsabilité du Québec d’assurer les mesures d'urgence nécessaires et d’en défrayer les coûts. Martine Ouellet pourrait donc profiter de ce jeu de circonstances et de tous ces enjeux pour améliorer le positionnement de son parti aux prochaines élections et lui donner les quelques votes qui lui manquent pour le faire reconnaître comme parti officiel.