Retour sur le « Vive le Québec libre! »

2017/05/31 | Par Richard Lahaie

Ce que l’on retient le plus du voyage du général de Gaulle, en juillet 1967, est le célèbre « Vive le Québec libre », lancé du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal. Le 26 mai dernier, la Société du patrimoine politique du Québec a organisé un colloque commémoratif de cette visite de Charles de Gaulle au Québec.

Ce colloque a présenté, entre autres, les effets de cette visite sur l’évolution du nationalisme québécois et les réactions de la classe politique lors de la visite.

Les panélistes ont nié que l’exclamation était une réaction émotive, rappelant tour à tour que les discours du président français étaient toujours le résultat d’une réflexion. Il faut plutôt replacer l’événement dans le contexte des années 1960 où le Québec était en pleine mutation de la « Révolution tranquille ».

De 1960 à 1966, la politique du gouvernement du Québec était orientée vers un rattrapage économique et une ouverture sur le monde. Il s’agissait de former des élites et de permettre l’accession des Québécois aux postes de décision. C’était donc l’émergence d’un nouveau nationalisme qui remettait en cause la domination britannique et qui cherchait à s’affirmer sur le plan international.

 

Les effets sur l’évolution du nationalisme québécois

L’essayiste Mathieu Bock-Côté explique que « Le vive le Québec libre propulse la question nationale du Québec au cœur du Monde et apprend au Monde que ce peuple n’est pas folklorique, mais qu’il est dans une démarche d’indépendance nationale. Sans l’appui du général de Gaulle, la question du Québec n’aurait jamais eu un tel écho ».

« Un des effets sur l’évolution du nationalisme québécois est la prise de conscience de la nécessité d’une politique internationale pour les souverainistes. Nous avons pu voir, lors du référendum de 1995, qu’au cœur de la stratégie des souverainistes, il y avait une stratégie française », d’ajouter Mathieu Bock-Côté.

Nous devons donc redouter que le Canada redevienne un acteur de référence, dans la politique française, et que le Québec soit dissout dans une restauration d’une relation privilégiée entre Paris et Ottawa (Macron et Trudeau).

« On voit dans le discours du général de Gaulle un nationalisme que l’on pourrait qualifier d’historique. Il a une pensée politique sous le signe de l’Histoire. Il récapitule la longue Histoire du Québec, qui selon lui, conduit le Québec à vouloir faire son indépendance. Mais la leçon du Général n’a pas été retenue par les souverainistes d’aujourd’hui, qui se contentent d’un souverainisme gestionnaire et provincial qui a de la difficulté à s’inscrire dans un nationalisme historique », de poursuivre l’essayiste.

De Gaulle avait le sentiment d’une dette à payer. Comme on peut le lire dans le livre de Christophe Tardieu, La dette de Louis XV, « Vous venez de réparer la dette de Louis XV » lui glisse un de ses conseillers, évoquant l’abandon de la Nouvelle-France à l’Angleterre en 1763.

 

Les réactions de la classe politique

En 1967, c’est le quatrième voyage du général de Gaulle au Canada après ceux de 1944, 1945 et 1960. Ce voyage s’inscrit dans un climat de tensions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Tous les deux revendiquant l’initiative de l’invitation personnelle adressée au président français.

« Pour Ottawa il s’agissait d’une visite officielle au même titre que d’autres visites de chefs d’État étrangers invités à participer à l’Exposition universelle qui marquait le centenaire de la fédération canadienne. Pour Québec, l’Exposition avait lieu à Montréal et le gouvernement voulait user de son influence et de ses prérogatives pour en faire une manifestation québécoise », de rappeler Éric Bédard, professeur à la TELUQ.

Les premières difficultés apparaissent sur le programme du voyage. Au lieu de commencer la visite du Canada par Ottawa, le général de Gaulle répondant à l’invitation personnelle du gouvernement québécois décide de venir en bateau à bord du Colbert. La visite commencerait par le Québec. Débarqué à l’Anse au Foulon, le 23 juillet, le général de Gaulle reste une journée à Québec, puis emprunte le lendemain l’ancienne route appelée le Chemin du Roi, pour se rendre à Montréal.

« Le cri du général de Gaulle accéléra le repositionnement politique du Québec. L’idée de l’indépendance nationale, alors marginale, devient capitale », d’analyser Claude Cardinal, avocat et écrivain.

« Lester B. Pearson, premier ministre canadien, regarde à la télévision la déclaration du président français. La célèbre tirade a suscité une réaction hostile du premier ministre canadien qui déclara inacceptable cette déclaration », de préciser Éric Bédard. La réaction du gouvernement canadien n’est que verbale et n’est suivie d’aucune action ou représailles à court terme. Malgré tout, le général de Gaulle renonce à sa visite à Ottawa qui était prévue le jour même.