La révision de la loi sur le lobbyisme et les groupes communautaires

2017/06/13 | Par RQ-ACA

En réaction au rapport déposé par le commissaire au Lobbyisme à l’Assemblée nationale hier midi, la présidente du Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA), Claudelle Cyr, tient à mettre en garde la ministre de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Rita De Santis, quant aux conséquences de l’assujettissement des regroupements d’organismes communautaires au rang de lobbyistes sur les droits des citoyennes et des citoyens.

Bien sûr, nous saluons le fait que le commissaire maintienne sa recommandation de ne pas assujettir les organismes communautaires offrants des services directement à la population. C’est une bonne nouvelle. « Toutefois, il est réellement déplorable et incompréhensible qu’il recommande l’assujettissement des regroupements d’organismes », soutient madame Cyr.  « Le fait de viser les regroupements n’atténue en rien les atteintes à la démocratie et à la participation citoyenne », ajoute-t-elle.

Vivre dans une société démocratique implique que l’État doit mettre en place certaines conditions favorables pour que toutes personnes, peu importe son niveau d’instruction ou sa situation socioéconomique, puissent participer aux débats publics et exercer une influence sur les élu-e-s.  Les organismes d’action communautaire autonome représentent l’un des moyens collectifs que les citoyennes et citoyens du Québec se sont donnés pour favoriser l’exercice de cette démocratie, particulièrement chez les personnes marginalisées et défavorisées.  Ainsi, les citoyens et les citoyennes, par le biais des organismes communautaires, peuvent faire valoir collectivement leur point de vue auprès des élu-e-s locaux. 

Mais qu’en est-il de leur accès aux ministres et aux partis politiques sur le plan régional ou national ?  « C’est exactement ça le rôle d’un regroupement régional ou national, explique madame Cyr. Nous sommes des instruments servant à porter la voix des citoyennes et des citoyens jusqu’aux instances des niveaux supérieurs ». Il est incroyable que les regroupements d’organismes communautaires, qui ont une légitimité démocratique, soient mis sur le même pied d’égalité que des entreprises privées dont la seule légitimité est celle de défendre leurs intérêts privés. 

« Si le gouvernement décide d’assujettir les regroupements d’organismes, cela revient à dire qu’il gouverne du haut de sa tour d’ivoire, ajoute madame Cyr, puisque les citoyennes et citoyens, dont la voix est portée par les regroupements, seront perçues comme des lobbyistes ».  N’oublions pas que le gouvernement est le mandataire de la population et que celle-ci doit pouvoir interagir avec lui autrement que de façon individuelle.  D’autant plus que les regroupements d’organismes permettent au gouvernement d’avoir un accès terrain à l’opinion et au vécu d’une partie de la population marginalisée et discriminée qui est généralement exclue des débats publics.

Le RQ-ACA est également très préoccupé du fait que les appels adressés à la population puissent être considérés comme des activités de lobbyisme, d’autant plus que cet élément ne faisait pas partie du projet de loi 56. « Encore une fois, c’est la voix citoyenne qui est brimée », relance Claudelle Cyr.

L’appel à communiquer avec un titulaire de charge publique pour améliorer une situation au bénéfice de la population fait partie des moyens pour les citoyennes et citoyens de faire entendre leurs voix. Les organismes communautaires utilisent ce moyen avec parcimonie, et ce, selon la volonté des citoyennes et citoyens qui s’impliquent au sein de leur organisme. En faire une action de lobbyisme lance un message négatif quant aux bienfaits d’une plus grande participation citoyenne.

Soucieux d’une adoption rapide du projet de loi, le commissaire au lobbyisme propose des amendements qui visent à ménager la chèvre et le chou, mais qui, au final, briment tout autant la parole citoyenne. Les regroupements d’organismes représentent des citoyennes et des citoyens qui se réunissent pour prendre collectivement position sur des enjeux de sociaux et politiques ce qui est un droit protégé dans les Chartes et la Constitution. « Toute entrave à cet exercice est une atteinte à ce droit », conclut madame Cyr.