Québec Solidaire – le fer de lance du multiculturalisme canadien

2017/08/22 | Par Bruce Mabley - Phd.

Avant que la rentrée politique se mette en branle au Québec cet automne, il nous serait opportun de faire le point sur la situation du Parti Québec Solidaire. En effet, cette formation politique semble avoir le vent dans les voiles. De récents sondages montrent une augmentation importante de ses appuis surtout en milieu urbain. De plus, la récente victoire du porte-étendard des jeunes gauchistes de Québec Solidaire et vétéran des guerres de rues lors du Printemps érable en 2012, Gabriel Nadeau- Dubois, dans le comté de Gouin, laisse présager un avenir radieux pour ce jeune ainsi que sa formation politique. Enfin, n’oublions pas le congrès de QS en mai dernier quand il fut question d’une entente de coopération éventuelle avec le Parti québécois. Le QS a solidement écrasé cette initiative appelée ‘la convergence’ visant à unir des forces souverainistes au Québec. Sondages, victoire électorale et signe d’indépendance politique, tout concourt vers la possibilité de grandes surprises aux prochaines élections provinciales en 2018. Et, on le sait, si la tendance se poursuit, ça serait le Parti Québécois le dindon de la farce pour ainsi dire.

Au-delà de ces événements, et les espoirs non sans fondements, qu’ils font naître chez les militants de QS, il s’agit pour nous de savoir ce que ces événements préestivaux signifient pour l’avenir des débats politiques et philosophiques aptes à nous animer dans les jours à venir? On sent que quelque chose a changé, mais quoi au juste?

Certes, la division des appuis souverainistes ne signale rien de bon pour le mouvement voulant faire du Québec un pays indépendant. Un QS renforci veut dire que le PQ est en perte de vitesse dans les centres urbains. Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), c’est presque la garantie d’un autre gouvernement probablement majoritaire en 2018 avec environ 30% des voix. Rien d’étonnant car l’échec des forces souverainistes au Québec nous avait été prévu depuis plusieurs mois par les sondages. C’est alors la poussée de QS ne doit pas être dû à quelque regain de popularité du projet souverainiste au Québec. Comment expliquer ce gain en popularité de QS?

Phénomène #1 - Tout porte à croire que la poussée de QS va de pair avec une nouvelle entente forgée au sein de sa formation politique laquelle vise à endosser la vision fédéraliste du multiculturalisme canadien à défaut de pouvoir faire progresser la souveraineté. Comment expliquer autrement le vote écrasant des militants contre le projet d’entente de convergence avec le PQ? Tel est d’ores et déjà le nouveau choix du QS – se complaire dans une vision toute canadienne du multiculturalisme au détriment du Québec français. Sans grand bruit, la vision canadienne des communautés culturelles où le droit individuel prime toujours sur tout droit collectif a été accueillie à QS. La gauche de QS est main dans la main avec le néo-libéralisme du gouvernement d’Ottawa et le droit anglo-canadien. Comment est-ce que cela a pu se produire? Aux dires des militants de QS, la raison de l’échec de la convergence revient au PQ lui-même et sa politique ‘opportuniste’.

Phénomène #2 – Cependant on retrouve à QS maintenant les fondements même de la politique de multiculturalisme à partir de laquelle s’inspire la suprématie du droit individuel sur tout droit collectif et l’opposition sans relâche contre la notion d’un Québec souverain. Il est tout à fait contradictoire d’accuser le PQ de ne pas vouloir la convergence au nom des valeurs d’un Québec français alors que QS ne possède plus la capacité de résister aux allures électorales de la vision canadienne. La vision des militants de QS n’est plus celle d’un Québec français. L’inclusivité, dont personne ne s’oppose, est achetée au prix d’une vision équilibrée des droits individuel et collectif.

Sans l’ensemble des forces souverainistes, le résultat des élections en 2018 se soldera par une autre victoire du Parti libéral du Québec même si la plupart des francophones auront de nouveau voté contre un tel gouvernement élitiste dominé par les minorités anglophone et allophone. En puisant de forces vives de la pensée et de la coalition libérales, QS met en valeur la nature restrictive de cette vision afin de nourrir quelques minces espoirs électoraux. Tout le monde y trouve son compte sauf le Québec français.

En quoi consiste cette vision du multiculturalisme canadien que l’on attribue aux militants de QS? D’abord, on retrouve la prééminence des droits individuels aux dépens de toute vision collective de droits. Tel est le fondement du droit anglo-saxon contrairement au droit français et il ne fait pas de doute que le focus autour des droits absolus tel la liberté de la religion laisse entrevoir la vraie nature de la nouvelle entente entre les militants de QS et certains représentants des communautés culturelles du Québec. En damant le pion de la souveraineté, Québec Solidaire a glissé vers un conformisme canadien où on se contente de déconstruire le droit des collectivités au profit d’une sorte de monisme juridique. La souveraineté du Québec est une des premières victimes de cette opération idéologique.

Le droit individuel est ici conçu à partir d’une vision abstraite et incongrue des parties intégrantes. On fait donc abstraction au contexte vivant dans lequel ces droits sont exercés et on ignore l’existence des droits sociaux et culturels propres à la survie de la nation française en Amérique. À ce compte, même les droits collectifs des Premières nations sont ainsi mis au rancart avec ceux de la nation française au profit de la fascination anglo-saxonne avec le droit individuel, et sa promotion absolue.

La contradiction est de taille. Ainsi, notre superstar du Printemps érable, Gabriel Nadeau-Dubois se permet de clamer le droit des musulmanes de porter le hijab et la burqa alors que de telles pratiques sont à la fois fort contestées en droit islamique en plus d’être inacceptables aux yeux de la société civile basée sur l’égalité entre l’homme et la femme. Autrement dit, l’égalité absolue que prônent les militants de QS nous mène tout droit aux aberrations sociales et aux injustices flagrantes. Tiré de son tissu vital, le droit devient abstrait, absolu et dangereux pour tous et toutes. C’est ainsi que QS finit par renier un de ces principes sine qua non de sa vision et plateforme politique. S’agit-il de l’inconscience des militants ayant bu le nectar d’un égalitarisme absolu sans devoirs ou d’une stratégie électorale, qui risque de nous conduire vers un automne éternel au Québec?

La convergence telle qu’entendue par QS peut avoir quelque mérite sur le plan écologique, mais elle échoue lamentablement lorsqu’il s’agit de créer une société québécoise plus émancipée et plus démocratique.  En rasant toute valeur culturelle et en parlant des droits des minorités d’une manière si stridente et si abstraite, QS au pouvoir ou même proche du pouvoir serait un désastre pour le Québec français et un gain inespéré pour le multi culturalisme fédéral de Justin Trudeau.

Caveat emptor. Droit inaliénable ne veut pas dire droit absolu.