ALÉNA : les 10 demandes du Bloc Québécois

2017/09/14 | Par Martine Ouellet

La chef du Bloc Québécois et députée à l’Assemblée nationale, Martine Ouellet, accompagnée de Gabriel Ste-Marie, député de Joliette et porte-parole en matière de commerce international, a tenu un point de presse au sujet de la renégociation de l’ALÉNA dont la troisième ronde se déroulera du 23 au 27 septembre 2017, à Ottawa.

« Malheureusement, comme le Québec n’a pas encore le statut d’un pays mais seulement d’une simple province, nous ne sommes pas représentés à la table de négociation. C’est le Canada qui négocie à notre place. Au terme des deux premières rondes de négociation, force est de constater que Justin Trudeau ne fait pas le poids face à Donald Trump, un vieux routier du monde des affaires, qui a fait grimper les enchères à coup de tweets. Ses déclarations incendiaires ne sont pas le fruit du hasard ou de l’improvisation. Tout en rassurant sa base, il se positionne face au Canada et au Mexique. À la veille de la troisième ronde, Justin Trudeau, s’il ne veut pas être KO, doit sortir de sa nonchalance, se ressaisir et exiger des protections pour les agriculteurs, les travailleurs, l’environnement, la culture, nos PME et leur commerce en ligne, nos services publics et finalement notre souveraineté en retirant la clause des investisseurs », a déclaré d’entrée de jeu Martine Ouellet.

 

En bref

  • Le Canada négocie derrière des portes closes et le Québec sera mis devant le fait accompli
  • La gestion de l’offre, déjà menacée, risque fort de servir de monnaie d’échange pour Ottawa
  • La clause investisseur, une atteinte à la souveraineté des États, doit disparaître

Martine Ouellet déplore que Justin Trudeau ait accepté que les négociations se déroulent derrière des portes closes. « Ce n’est pas anodin. L’absence de transparence est souhaitée par les lobbys des multinationales, qui ont ainsi le champ libre pour faire pression en faveur de leurs clients. C’est ce que Jacques Parizeau avait baptisé “une grande charte des droits des multinationales”, après avoir réalisé l’étendue des effets de ce type d’entente », a-t-elle poursuivi.

 

Maintenir intégralement la gestion de l’offre

Ce n’est pas d’hier que la gestion de l’offre se trouve au cœur des négociations du Canada avec d’autres pays. Pour le Bloc Québécois, il est clair qu’Ottawa se sert de cette mesure comme monnaie d’échange sur le dos des agriculteurs québécois. Des ouvertures ont déjà été concédées par le Canada dans le cadre des négociations de l’accord Canada-Union européenne et, dans une mesure encore plus importante, dans le cadre de celles du Partenariat Trans-Pacifique (finalement rejeté par la nouvelle administration Trump).

« La gestion de l’offre doit-être maintenue intégralement, affirme Martine Ouellet. Est-ce que Justin Trudeau se tiendra debout devant l’administration Trump? Ou cédera-t-il encore, une fois de plus, en monnayant les intérêts québécois au profit de ceux du Canada? La ministre Freeland a utilisé le terme “préserver”, qui est très inquiétant car il ouvre la porte à la possibilité d’élargir encore plus la brèche de l’AECG et même du PTP dans la gestion de l’offre », s’est inquiétée la chef du Bloc Québécois.

 

Le chapitre 11 : La clause investisseur doit disparaître

Le fameux chapitre 11, clause qui n’était pas dans l’ALÉ et qui est apparue dans l’ALÉNA, est une disposition qui donne le pouvoir aux firmes étrangères de poursuivre les gouvernements. De nombreux économistes, dont le prix Nobel Joseph Stiglitz, ont vivement dénoncé ce type de clauses. Pour sa part, Jacques Parizeau a eu ce que lui-même a qualifié de « réveil brutal », lorsque la multinationale américaine Ethyl Corporation a poursuivi le gouvernement canadien, suite à l’interdiction d’un produit cancérigène. La compagnie a obligé Ottawa à retirer sa loi et, pour comble d’insulte, elle a empoché 13 millions de dollars en dédommagement pour perte de profitabilité.

« Justin Trudeau et sa ministre doivent exiger que cette clause, qui constitue une atteinte directe à la souveraineté des États au profit des multinationales, soit retirée du nouvel accord, martèle Martine Ouellet. Il ne s’agit pas de s’opposer à tout traité de libre-échange. D’ailleurs, s’il n’y avait plus d’ALÉNA, l’ALÉ (Accord de libre-échange), ratifié par le Canada et les États-Unis en 1988, demeurerait en vigueur. Cet accord, appuyé à l’époque par Jacques Parizeau et Bernard Landry, favorise aussi la circulation de biens et des services, mais n’offre pas, contrairement à l’ALÉNA, un statut “en or” aux multinationales. Le libre-échange doit servir d’abord les citoyens et les travailleurs plutôt que de profiter presque exclusivement aux multinationales. »

 

Garantir l’accès au marché pour l’industrie aéronautique

Gabriel Ste-Marie a tenu à offrir son soutien à l’industrie aérospatiale québécoise, qui est la plus exposée dans le cadre des négociations actuelles selon le Conference Board. « Le Bloc Québécois veille au grain pour s’assurer que nos entreprises préservent leur accès au marché américain. Les rondes de négociations à venir seront cruciales pour notre économie de pointe et en particulier l’aérospatiale, une industrie essentiellement québécoise. Il nous faut poursuivre la mobilisation pour nous assurer que le gouvernement canadien ne sacrifiera pas un pan majeur de notre économie pour mettre à l’abri des industries ontariennes.

Selon le Bloc Québécois, voici les 10 demandes nécessaires pour qu’un nouvel ALÉNA soit au service des travailleurs et des citoyens du Québec :

  1. Maintenir intégralement la gestion de l’offre dans le secteur agricole;
  2. Appliquer l’ALÉNA au bois d’œuvre, sans ententes protectionnistes parallèles susceptibles de nuire au secteur forestier québécois;
  3. Retirer la « clause investisseur » (chapitre 11), qui permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements, parce qu’elle constitue une atteinte à la démocratie et à la souveraineté des États, en plus d’avoir des impacts directs ici, au Québec;
  4. Maintenir l’exception culturelle;
  5. S’assurer que les commerçants et distributeurs québécois ne sont pas désavantagés par rapport aux fournisseurs américains dans le commerce en ligne;
  6. Maintenir l’exclusion des services publics pour les citoyens;
  7. Protéger les travailleurs en tenant compte des accords de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui assurent que le profit des entreprises ne se fait pas au prix d’une dégradation des conditions d’emploi;
  8. Se donner les moyens de protéger l’environnement en détenant tous les leviers nécessaires;
  9. Permettre l’instauration d’un équivalent québécois du Buy American Act;

S’assurer que le commerce de l’eau est exclu de l’accord.