Référendum catalan : « Nous n'allons pas renoncer »

2017/09/25 | Par Sandrine Morel

Cet article est paru dans l’édition du 23 septembre du journal Le Monde

Le président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, est bien décidé à appliquer le résultat du référendum sur l'indépendance convoqué le 1er  octobre, malgré les poursuites judiciaires et policières contre les organisateurs mercredi 20  septembre, et le manque de garanties légales.
 

Après les dernières perquisitions, arrestations et saisies, pourrez-vous organiser le référendum prévu le 1er  octobre ?

Évidemment. Le décret est toujours en vigueur. Et ce qui est encore plus important : il y a de plus en plus de gens qui veulent voter. Nous envisagions une réaction dure de l'État espagnol. Ce que nous n'avions pas prévu, c'est qu'il appliquerait un état d'exception et la suspension de l'autonomie.


N'est-ce pas le résultat attendu d'une procédure judiciaire contre un référendum illégal suspendu par la Cour constitutionnelle ?

Ce qui s'est passé - mercredi 20  septembre - n'est pas seulement une opération judiciaire, mais policière. La suspension de notre financement, cela n'a pas été approuvé par un juge ni débattu au Parlement, mais par le gouvernement. Il a pulvérisé toutes les garanties constitutionnelles, attaqué la liberté d'expression, interrogé des maires qui n'ont commis aucun délit, violé le courrier. En démocratie, c'est inacceptable. C'est le propre d'un État totalitaire.


Envisagez-vous toujours une déclaration unilatérale d'indépendance si le oui l'emporte, peu importe le taux de participation ?

Nous n'avons pas fixé de seuil de participation, car la législation espagnole n'en prévoit pas. Si nous étions parvenus à un accord avec le gouvernement espagnol pour organiser un référendum, ce qui était notre souhait premier, nous aurions pu en discuter.


Que ferez-vous si les forces de l'ordre bloquent les bureaux de vote ?

J'en appelle à la responsabilité du gouvernement espagnol pour qu'il écoute les voix qui viennent aussi de l'Europe et demandent le dialogue, pour qu'une fois pour toutes il résolve un problème politique. Notre détermination est claire. Celle du peuple de Catalogne aussi. Nous voulons voter, nous allons voter et nous allons appliquer le résultat.


Les indépendantistes n'ont obtenu que 48  % des voix à ces élections. Ce n'est pas la majorité absolue...

C'est faux : l'indépendantisme a gagné les élections contre les partisans de l'union avec l'Espagne, presque 2  millions de personnes face à 1,6  million... Car il y a un mouvement - " Catalogne oui c'est possible ", proche de Podemos - qui a demandé avant le vote de n'être comptabilisé ni dans le oui ni dans le non. Notre programme prévoyait une proclamation de l'indépendance et la convocation d'élections constituantes. Notre voie est donc légitime.


Pourquoi ne pas avoir travaillé à une refonte des relations avec l'Etat, ce qui est une volonté plus majoritaire en Catalogne ?

Il faut dédramatiser ces divergences. Dans les démocraties -consolidées, elles se résolvent en votant. Par ailleurs, nous avons déjà fait un grand pacte : l'Estatut - le statut d'autonomie approuvé en  2006 - . Il a été voté par une ample majorité au Parlement catalan, espagnol et par référendum. Cela a-t-il servi à quelque chose ? En  2010, la Cour constitutionnelle l'a liquidé. Depuis, nous avons exprimé notre malaise. Des millions de personnes sont sorties dans la rue. Nous sommes passés de quatorze députés indépendantistes, en  2010, à soixante-douze actuellement. Qu'a fait la politique espagnole pour y répondre ? Rien.


Le gouvernement s'est dit ouvert au dialogue si vous renoncez à l'indépendance...

Quand nous avons proposé l'Estatut, puis un pacte fiscal en  2012, puis une consultation non contraignante en  2014, nous ne proposions pas ce référendum. C'est une excuse de l'État. Mais qu'a-t-il à offrir ? Nous sommes prêts à l'écouter.


Ne pourriez-vous pas obtenir le soutien de Podemos et du Parti socialiste, qui a proposé une commission de modernisation du modèle territorial...

En ce moment, le PSOE ne se distingue en rien du Parti populaire - PP, droite - en ce qui concerne la Catalogne. Il fait partie de la coalition contre le référendum. D'autre part, pour mener à bien une réforme de la Constitution, il faut une majorité si ample que c'est impossible sans le concours du PP. Nous avons dû suivre le seul chemin possible.


Un chemin hors de la loi ?

Non. Nous le faisons selon une loi approuvée par la majorité au Parlement.


Les services juridiques du Parlement catalan eux-mêmes ont considéré que cette loi n'était pas légale...

Pas dans le cadre de la Constitution. Mais nous sommes sortis de ce cadre pour approuver la loi du référendum. Et nous nous appuyons sur les traités internationaux qu'a ratifiés le royaume d'Espagne. Il est évident que nous sommes couverts par le droit international. Nous n'allons pas renoncer.


L'Union européenne ne vous soutient pas...

Il n'existe aucune position officielle de la Commission européenne sur la question catalane. Il est normal qu'avant un référendum ou une proclamation certains pays disent qu'ils ne vont pas le reconnaître.


Il y a eu des déclarations claires disant qu'une Catalogne indépendante devrait faire la queue et postuler pour entrer dans l'Union européenne (UE) ...

Il y en a eu aussi pour dire qu'une Écosse indépendante n'aurait aucun problème pour continuer à être membre de l'UE. Il y a des opinions divergentes sur la question.


Et si l'Espagne ne reconnaît pas votre indépendance ?

Nous serons dans un pays habité par 7,5  millions de citoyens européens. La normalité européenne va exister dans tous les scénarios.


Si vous envisagez la possibilité que l'Espagne ne reconnaisse pas votre indépendance, quel sens a une déclaration unilatérale ?

Les précédents montrent que l'UE va s'adapter à la réalité, même si cela ne lui plaît pas. C'est dans son intérêt. Une immense majorité de Catalans souhaitent rester dans l'UE. Nous sommes contributeurs nets, et ce que la Catalogne représente en termes économiques, sociaux, culturels est important. Je comprends la campagne de la peur mais, honnêtement, cela ne se tient pas la route.


Craignez-vous d'être arrêté ?

C'est une possibilité que le gouvernement espagnol a sans doute sur la table. Cela confirmerait la  folie de la stratégie du gouvernement espagnol. Nous y sommes tous prêts.