PLQ, CAQ et développement des CPE: du pareil au pire

2018/03/28 | Par Camil Bouchard

Cherchez l'erreur ! Dès après son élection, Philippe Couillard abandonne le ministère de la Famille aux mains de Francine Charbonneau qui n'a que trois mots à la bouche : pas de béton. C'est ainsi qu'elle résume ce qu'elle croit être une pensée en matière de services de garde éducatifs. Elle allait mettre un frein au développement des Centres de la petite enfance qui, selon elle, demandaient des mises de fonds trop importantes dans la construction d'installations et privilégier les garderies commerciales.

Pour y arriver, elle change les règles du jeu. Désormais, les promoteurs-parents-bénévoles d'un nouveau CPE n'auraient plus droit à une subvention couvrant 100 % des investissements requis pour la construction de nouvelles installations, mais à 50 %. Aux parents des CA de se débrouiller pour trouver les 50 % manquants. Résultat: on a assisté à une très nette accélération des places créées en garderies commerciales et à un ralentissement marqué de nouvelles places en CPE. Les places en CPE se mirent cruellement à manquer dans les communautés, quartiers, villages en phase de dévitalisation ou en mode de défavorisation exactement là où les services de garde de qualité peuvent faire toute la différence dans la vie des jeunes enfants.

Des milliers de personnes ont tenté faire entendre raison à la ministre-anti-béton, rien n'y fit. Francine Charbonneau alla même jusqu'à prétendre, franchissant la ligne qui sépare l'honnêteté de la duperie, que garderies commerciales et CPE étaient du pareil au même, niant du même souffle toutes les données disponibles dans son propre ministère. Ces données indiquent toujours : 1) que la très grande majorité des services de garde médiocres se retrouvent dans les garderies commerciales; 2) que la très grande majorité des services de qualité supérieure se retrouvent dans les CPE et 3) que, parmi tous les services de garde, seuls les CPE font une différence dans la vie des enfants de milieux plus vulnérables.

Et puis, ô miracle, élections en vue, le nouveau ministre Luc Fortin annonce, mis en scène parmi un groupe d'enfants d'un CPE, que désormais on exigerait des promoteurs 25 % des fonds requis pour les infrastructures plutôt que 50 %; on reviendrait même à un financement complet dans les milieux défavorisés, en régions ressources et dans les milieux autochtones. Le ministre concède du bout des lèvres que la politique imposée par son gouvernement a empêché l'offre de places requises en CPE et qu'il faut retrouver un équilibre perdu. Il souhaite accélérer le développement des 3 800 places en CPE mises sur la glace par son gouvernement depuis trois  ans et s'engage à en financer 1 600 autres.

Mais si le ministre Fortin avait vraiment parlé franc voici ce qu'il aurait ajouté: « Je m'excuse auprès de ces milliers d'enfants qui auraient tellement pu profiter d'un service de garde essentiel à leur développement, mais que nous avons freiné; je fais partie d'un gouvernement qui a sciemment et crassement ignoré leurs besoins durant toutes ces années ».

Cette volte-face du PLQ serait un brin rassurante, si ce n'était que nous sommes en année électorale et que ce parti nous a habitués depuis 2003 à des déclarations trompeuses dans ses engagements touchant les services de garde. Souvenez-vous du gel des tarifs annoncés par Jean Charest durant la campagne électorale de 2003 et de la hausse de 40 % qui a suivi. Et souvenez-vous d'un engagement du même genre de Philippe Couillard qui a finalement été transformé en contribution supplémentaire des parents de l'ordre de 130 M$. Cyniques que nous sommes devant de telles manoeuvres ou sainement méfiants ?

Et, il ne faut pas espérer mieux de la CAQ avec sa recrue de l'économie néo-libérale Youri Chassin qui a toujours eu les CPE en horreur.  Quant à la nouvelle députée caquiste de Louis-Hébert, dans un candide copié-collé digne de Francine Charbonneau, elle affirme qu’il fallait d’abord investir « dans les services aux enfants et non dans le béton et les infrastructures »; et dans un élan de caquisme nouvellement appris, elle fait un acte de foi pour ce « modèle d'affaires intéressant » que sont les garderies commerciales. Et son chef d'ajouter, avant la toute nouvelle et récente prise de conscience du PLQ:  « ...on est satisfait du réseau comme il est là (sic) actuellement ».

Manifestement, la CAQ ne représente pas un changement, mais plutôt un remplacement par du pareil au pire.

L’auteur a été député du Parti Québécois et est connu pour le rapport Un Québec fou de ses enfants.