Pourquoi Donald Trump déchire-t-il l’accord international sur les armes nucléaires en Iran?

2018/05/10 | Par André Jacob

L’auteur est artiste pour la paix

On l’a sans doute remarqué, depuis son arrivée au pouvoir, le président Trump cible deux pays qu’il cherche à faire percevoir comme des ennemis, l’Iran et la Russie. La propagande américaine fait son œuvre et mène une campagne de dénigrement continu contre ces deux pays. D’ailleurs, dans son discours du 8 mai, contre l’avis de tous les experts crédibles au sujet du démantèlement des infrastructures de développement d’armes nucléaires, le président américain hurle sur tous les tons que l’Iran ment et n’a pas réduit ses efforts nucléaires. Mais qui donc ment vraiment?

Pour tenter d’y voir clair, émettons quelques hypothèses :

  1. La Russie est le plus grand producteur de pétrole au monde. L’Iran fait aussi partie du club des 10 plus grands producteurs de pétrole. L’accès au pétrole pourrait-il être un motif valable pour déstabiliser le régime iranien comme les Américains l’ont fait en Irak et en Libye?  Ce faisant, les Américains pourraient, avec l’Arabie Saoudite comme allié, conquérir le contrôle total de l’exploitation du pétrole dans cette région. D’une pierre deux coups, mettre des hommes de paille en poste en Iran permettrait aux investissements américains dans le pétrole de coloniser ce pays un fois abattu. Actuellement, ce sont surtout les investissements russes et européens dans le pétrole (particulièrement, la multinationale Total associé au groupe chinois CNPC et des entreprises britanniques comme BP et Shell) en Iran qui agacent les Américains. En outre, le gouvernement iranien qui contrôle bien le robinet par ses propres investissements (l’Iran a nationalisé les industries pétrolières en 1951), mais le gouvernement d’alors fut renversé par un coup d’état fomenté par les services secrets américains et britanniques dès 1953. Depuis la révolution islamique, le gouvernement a repris une partie du contrôle sur l’exploitation pétrolière. L’exploitation pétrolière comme enjeu ne date pas d’hier : en 1995, la multinationale américaine Conoco avait obtenu le feu vert du gouvernement iranien pour entrer dans l’exploitation pétrolière, mais sous la pression du Congrès américain, Bill Clinton émit un décret d’interdiction assorti de sanctions économiques touchant tous les changes commerciaux avec l’Iran. Depuis, les gouvernements américains successifs ne cessent de traiter l’Iran en paria afin de d’appauvrir et de prendre la population en otage des intérêts américains. Cette stratégie américaine machiavélique a toujours eu comme objectif de reprendre pied en Iran.
     
  2. En 1978-1979, lors de la révolution islamique en Iran, le gouvernement iranien a fermé tous les centres d’écoute et les bases militaires américaines en Iran. Cette gifle, les Américains l’ont toujours sur le cœur. C’est une des raisons pour laquelle, les États-Unis considèrent ce pays comme un ennemi. L’Iran a réussi à fragiliser l’emprise du géant américain sur la région. Le président Trump aimerait sans doute rebâtir des bases militaires en Iran afin d’encercler encore plus la Russie. Sa stratégie d’élimination du traité sur les armes nucléaires sous de faux prétexte ne pourrait-elle pas constituer une stratégie pour justifier une attaque éventuelle contre l’Iran afin de reconquérir des avantages perdus?
     
  3. « En violation des lois internationales, les États-Unis interdisent aux entreprises européennes qui ont des intérêts outre-Atlantique d’investir en Iran ou de commercer avec lui. Ils empêchent ainsi un véritable décollage des relations commerciales avec l’Occident et attisent l’impatience de la population. Les sanctions américaines étant principalement motivées par le soutien de l’Iran au Hezbollah et par son hostilité à Israël. » (Bernard Hourcade, L’Iran se réinvente en puissance régionale in Le Monde Diplomatique, février 2018, p. 6 -7). Ceci dit, si le président Trump réussit à affaiblir l’Iran sur le plan économique, on peut supposer que la population iranienne qui souffre à cause de ces sanctions va en faire porter le blâme à son gouvernement. Ne serait-ce pas une autre manière de faciliter l’entrée en action des services secrets américains afin de soutenir une opposition favorable aux investissements américains?
     

Ces diverses pièces de ce gigantesque casse-tête peuvent êtres prises en compte pour justifier l’entêtement du président Trump. Par tous les moyens, il cherche à briser cet accord imparfait sur le nucléaire. Ce traité a pourtant un avantage : depuis quelques années, il a permis de maintenir un climat de négociation au lieu du climat de guerre que le président américain veut imposer par une série de mensonges, d’accusations et de restrictions mentales sur les vrais motifs qui sous-tendent la position qu’il vient de prendre. La paix n’est certes pas durable, mais au moins ce traité a, jusqu’aujourd’hui, réussi à réduire les tensions et à maintenir un climat de paix. La décision mal avisée du président Trump, avec sa supériorité nucléaire, risque de faire revivre les risques d’un nouveau conflit.

L’avenir nous dira quelle hypothèse a le plus influencé la décision de ce président aussi incompétent que mal avisé quant à ses décisions. Quoiqu’il en soit, dans ce type d’enjeu sur la scène mondiale, l’exploitation pétrolière reste un secteur très sensible. Le Devoir du 9 mai en fait état : « Le retrait des États-Unis du l’accord nucléaire iranien et le rétablissement des sanctions provoquent des remous sur le marché pétrolier et parmi les multinationales… » (Gérard Bérubé, Le retrait des États-Unis de l’accord iranien secoue pétrole et multinationales, p. B-3). N’oublions pas que l’Iran exporte 2,1 millions de pétrole par jour, il y a la matière à alimenter les foyers de tension si jamais le président Trump réussit à affaiblir l’Iran, ce qui semble expliquer sa détermination illogique.