L'Afrique récupérera-t-elle la tête de l'OIF?

2018/05/14 | Par Michel Gourd

Le mandat de la présente secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) arrive à terme lors de son prochain sommet. Il est prévu pour se tenir à Erevan, la capitale de l'Arménie, du 11 au 12 octobre. Si on en croit plusieurs médias africains, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, songe sérieusement à être candidate à la tête de l'OIF. Après plusieurs mois de négociations, elle serait le choix porté par tous les pays africains. Même la France verrait favorablement sa candidature selon ces médias africains. Emmanuel Macron aurait d’ailleurs récemment fait la remarque que le centre de gravité de la Francophonie se situait en Afrique du côté du bassin du Congo. Rappelons que selon l’OIF, en 2050, parmi les 700 millions de locuteurs du français qu’il devrait y avoir, plus de 85 % de ceux-ci vivraient en Afrique. Originaire de Kigali, Louise Mushikiwabo qui elle est revenue dans son pays natal en 2008 après vingt-deux années passées aux États-Unis, s’occupe depuis neuf ans des relations extérieures du Rwanda. Elle est actuellement considérée comme la cinquième personne la plus influente d’Afrique. Son élection à la tête de l’OIF aurait l’avantage de rappeler au président du Rwanda, Paul Kagamé, l'esprit francophone et les bénéfices de la francophonie. Ce chef d’État aurait des tendances à délaisser l’héritage culturel du pays pour se tourner vers l'anglais.

En ce qui concerne sa perception de la France, Louise Mushikiwabo aurait applaudi la nouvelle direction que prend Emmanuel Macron, y voyant une amélioration tangible dans la restauration des relations entre les deux pays. Son élection à la tête de l’OIF pourrait aider le président à prouver sa volonté de rétablir ces relations. Elle est de plus déjà très sensibilisée aux dossiers prioritaires en Afrique. Le 19 avril, la ministre rwandaise dénonçait le fait que la lutte contre le paludisme était actuellement retardée en Afrique, ce qui mettait en danger l'objectif de l'Union africaine de se débarrasser du paludisme avant 2030. Elle travaille de plus activement dans ses présentes fonctions à créer une Afrique intégrée qui pourrait rehausser les conditions de vie des plus pauvres et des générations futures. Selon elle, la signature du Marché Commun africain permettrait des échanges accrus et l’accès à beaucoup de capitaux. Vu ses compétences acquises dans ses fonctions précédentes, l’apport de Louise Mushikiwabo pourrait être important dans des pays francophones d'Afrique comme la Centrafrique, la République démocratique du Congo (RDC) et au Mali où ont lieu des opérations de maintien de la paix.

Même si Michaëlle Jean voudrait bien conserver son poste, il faut avouer que ses actions ont amené des commentaires peu élogieux dans ce premier mandat. Il n’y a qu’à penser au demi-million de dollars investi dans les rénovations de son appartement de fonction, ou à la croisière de jeunes issus de pays francophones sur un bateau d'époque. Le Mouvement Martin Luther King du Pasteur togolais Edoh Komi voudrait d’ailleurs ne plus la voir à ce poste. Il dénonce que l’OIF publie beaucoup de communiqués qui ne sont pas suivis d’actes concrets. Il considère de plus qu’elle n'a pas pu s'imposer dans toutes les situations auxquelles étaient confrontés les pays membres de l’OIF. L’arrivée en avril de l’ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, comme conseiller à la Francophonie ne fait que montrer avec plus d’acuité la faiblesse fondamentale qu’il existe à la direction de l’OIF. La lectrice de nouvelle choisie comme gouverneure générale par le gouvernement canadien n’est possiblement pas totalement responsable de cette situation. Rappelons qu’au sommet de la Francophonie à Dakar en 2014, c’était face à la désunion de l’Afrique sur ses candidatures, que François Hollande, Sassou-Nguesso et Stephen Harper ont finalement décidé à l'issue d'un huis clos de placer Michaëlle Jean à la tête de cet organisme. Dans ses fonctions de ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo avait d’ailleurs en 2014 jugé anormal que ce soit le président français, François Hollande, qui décide ce qui va se passer dans les pays africains. Mise à la tête de l’OIF par des manœuvres de ses grands bailleurs de fonds en dépit de son manque de connaissance des enjeux politiques de l’Afrique, Michaëlle Jean pourrait bien n’avoir fait que garder le siège de secrétaire générale au chaud pour son prochain occupant africain. Louise Mushikiwabo aurait actuellement de fortes chances d’être la personne qui retournera la direction de l’OIF à l’Afrique.