La Fiducie OBNL, futur propriétaire de La Presse, un paravent pour le privé

2018/05/16 | Par Françoise Breault

Concernant la transfert du journal la Presse à une fiducie OBNL qui en sera le  propriétaire,  à première vue, cela me paraîssait bien positif. Toutefois, j’ai réalisé qu’on est encore en train de se faire duper.

A RDI, l’entrevue de Gérald Fillion à ce sujet fut très utile pour me réveiller. J’apprends que la fiducie sera une OBNL, mais «  la Presse va demeurer une société commerciale à but lucratif pour avoir droit à des crédits d’impôt et générer des revenus de publicité ».

Lors de cette entrevue Joanne Turbide explique que c’est la même structure que pour les Festivals. « Ainsi le Festival Juste pour rire et SPECTRE  sont des  OBNL mais qui sont gérés par le secteur privé. Ils sont apparentés à l’OBNL et  eux vont avoir les revenus des spectacles dans les salles et donc [ par exemple] SPECTRA peut charger des frais de gestion à l’OBNL pour certaines activités qui seront gérés par l’OBNL. Donc c’est un transfert d’activités entre les deux organismes, mais pas un transfert de subventions et les sociétés à BL peuvent recevoir des crédits d’impôts pour la production. »

M. Fillion lui demande si ce n’est pas une façon de recevoir le beurre et l’argent du beurre. Mme Turbide nie cela.  Pourtant il mettait le doigt sur le bobo. J’aurais bien aimé que M. Fillion lui demande alors d’où venaient les millions de M. Rozon.

Tout le monde sait que  M. Gilbert Rozon s’est énormément enrichi avec le  Festival Juste pour rire et qu’il aurait pu le vendre des millions n’eut été  le scandale rattaché à M. Rozon. Et même en dépit de cela, il s’est bien vendu.  

Tout le monde savait que La Presse faisait des déficits et que si elle maintenait ce journal c’était surtout dans le but d’influencer ses lecteurs dans le débat public. Personne n’aurait voulu acheter La Presse. Or maintenant, avec cette nouvelle structure Graeme Roustan se propose, sachant qu’il va pouvoir lui aussi s’enrichir comme l’a fait M. Rozon.   

Ce jumelage d’une OBNL à une société à but lucratif est une entourloupette qui  à l’instar des PPP est une façon de transférer les richesses du public au privé : le secteur public assume en fait les véritables coûts alors que le privé empoche les profits.

Utile de rappeler que l’Institut économique de Montréal, think tank néolibéral  qui se présente faussement comme un Institut de recherche indépendant bénéficie également des millions de ses donateurs. Ceux-ci sont très heureux d’encourager  la propagation de leur idéologie, tout en  recevant  des crédits d’impôts. Le Jackpot quoi!  L’Institut économique de Montréal vit donc très bien et peut se payer quantité de « chercheurs ».

Cette fiducie OBNL, reposant sur des subventions et les dons de riches philanthropes,  quel type de journal va-t-il favoriser? Celui axé sur l’intérêt public, capable de critiquer l’agriculture productiviste, les délocalisations, les milliards donnés aux pétrolières, Monsanto et ses OGM, etc.  ou celui axé sur le LIBRE-MARCHÉ, les grandes compagnies et la globalisation? N’oublions pas que ces très riches donateurs pourront inclure ceux de Power Corporation, vont désormais pouvoir déduire cela de leur rapport d’impôt. Donc, au bout du compte, on se rend compte, que  cela viendra tout de même des poches des citoyens. Comme d’habitude.

Les citoyens pourront aussi faire des  dons à l’OBNL, me direz-vous. Bien sûr,  mais devinez qui seront les dominants et qui pourront peser dans  la rédaction du journal?  

Encore une fois, on se fait passer un sapin. Les sociétés à but lucratif réussissent de nouveau à nous berner en se servant d’une forme d’organisation utile aux organismes communautaires à but vraiment non lucratif, - les OBNL- comme un paravent pour s’enrichir.

En fait, il serait bien plus équitable de donner des crédits d’impôt – équivalents à ceux accordés pour les dons aux partis politiques - à ceux qui paient leur abonnement à un journal où à plusieurs. Cela encouragerait la participation des citoyens. De cette manière, ce sont les citoyens qui auraient davantage le contrôle sur le type de journaux qu’ils veulent.