Niveler par le bas la formation des préposés en résidence pour aînés c’est dévaluer la profession et affecter la qualité des services

2018/05/24 | Par Lise Lapointe

L’auteure est présidente de l’Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ)

Afin de répondre aux besoins croissants des services aux aînés en résidences privées ainsi qu’à la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement du Québec a annoncé son remède : revoir à la baisse le nombre d’heures de formation pour être préposé dans les résidences privées pour aînés. En effet, les ministres de l’Éducation et de la Santé se sont réjouis, le 17 mai dernier, de leur nouvelle formation écourtée de 180 heures.

Cette nouvelle attestation d'études professionnelles vient ainsi contourner le diplôme d'études professionnelles (DEP) de préposés aux bénéficiaires, qui est quatre fois plus long. Ainsi, selon nos deux ministres, 870 heures de formation c’était beaucoup trop pour assister adéquatement les personnes aînées. Quatre fois moins de temps suffirait pour apprendre le métier et être prêt à relever le défi.
 

Une solution déconnectée de la réalité

Le problème avec cette solution du gouvernement, c’est qu’elle est déconnectée de la réalité. Aujourd’hui, nous vivons plus vieux et restons actifs plus longtemps. C’est une bonne nouvelle! Or, à un certain âge, le vieillissement s’accompagne souvent d’une perte d’autonomie. Malheureusement, nous ne pouvons pas toujours prévoir quand et comment cela arrivera. Il n’est donc pas rare qu’une personne aînée choisisse de vivre dans une résidence pour aînée, signe son bail en bonne santé et active, pour que quelque temps après un problème de santé survienne.

Résultat ? Les cas de problèmes de santé s’accroissent, et les personnes aînées font l’aller-retour entre l’hôpital et leur résidence. Dans ce contexte, la tâche des préposés s’alourdit au même rythme. En ce moment, il existe déjà un roulement de personnel accablant chez les préposés, car la tâche est ardue, leur travail est souvent dépeint négativement dans les médias quand il arrive un drame et les conditions de travail ne sont tout simplement pas au rendez-vous.
 

Valoriser le métier plutôt que de créer un raccourci

Lorsqu’on est sensible à la réalité que vivent les préposés en résidences pour aînés ainsi qu’à celle des personnes qui reçoivent quotidiennement leurs services, on ne peut s’imaginer qu’une formation écourtée est une solution viable. D’autant plus que le gouvernement ouvre la porte à l’abaissement des conditions de travail de ces prestataires de services. Pour une entreprise comme une résidence privée, pourquoi payer plus cher pour une personne ayant une formation de 870 heures, quand on peut économiser en embauchant une personne avec une formation écourtée ?

De plus, nous courrons un grand risque en nous privant de l’expertise des préposés ayant une formation plus rigoureuse. En effet, comme la tâche s’alourdit en fonction du défi du vieillissement de la population, les gestionnaires devront bientôt jongler avec un plus grand roulement de personnel. Des travailleurs et des travailleuses moins bien préparés pour ce défi, avec des conditions revues à la baisse, voilà un pari risqué pour la rétention de main-d’œuvre. L’ennui, c’est que le gouvernement fait ce pari sur le dos de personnes aînées susceptibles de se retrouver en situation de vulnérabilité.  
 

Améliorer les conditions de travail

La solution paraît pourtant si claire. Il est impératif d’améliorer les conditions de travail des préposés en résidence pour y attirer la main-d’œuvre et les retenir dans leurs milieux de travail. Oui, des salaires plus adéquats, mais surtout une valorisation du métier dans la sphère publique. Ces personnes ont à cœur d’accompagner les aînés dans le respect et la dignité, alors donnons-leur les moyens et la reconnaissance qu’elles méritent en fonction du rôle important qu’elles jouent dans notre société.

 

Photo : youtube/santemontreal