Comment se traduiront les réformes du RPC et du RRQ pour les aînés canadiens?

2018/08/17 | Par Bonnie-Jeanne MacDonald

Il y a deux ans, le gouvernement fédéral annonçait des bonifications du Régime de pensions du Canada (RPC), marquant ainsi le changement le plus important du système de revenu de retraite à trois piliers du Canada depuis un demi-siècle.

Ces bonifications incluent un remplacement plus important des revenus moyens du travail − passant d’un quart à un tiers − jusqu’à un plafond, qui augmentera graduellement de 14 % pour atteindre 79 400 $ d’ici 2025. Cela signifie qu’un Canadien dont les gains annuels ouvrant droit à pension se chiffrent à 50 000 $ sur 40 ans de manière constante recevrait 4 000 $ de plus en prestations du RPC par année.

Mais dans le cadre du système complexe de fiscalité et de prestations sociales du Canada, comment vont se traduire les changements au RPC pour les aînés canadiens?

Un nouveau rapport que j’ai rédigé, publié ce mois-ci par la Society of Actuaries et l’Institut canadien des actuaires, vise à répondre à cette question. Avec les changements annoncés plus récemment au RRQ, qui reflètent ceux du RPC, les constatations de l’étude peuvent être étendues pour informer tous les Canadiens.

 

Équité entre les aînés canadiens

Une constatation importante : pour chaque dollar de nouvelles prestations du RPC qu’un travailleur gagne, environ 62 cents lui seront directement versés. Donc, de cette prestation supplémentaire de 4 000 $ du RPC, une personne âgée recevra environ 2 500 $ après impôts et récupérations des prestations gouvernementales.

Le système de revenu de retraite canadien est complexe. Les impôts, les modèles d’emploi, les niveaux de rémunération, la sécurité de la vieillesse (SV), le supplément de revenu garanti (SRG), le revenu des conjoints et de nombreux autres facteurs influent sur la part des prestations du RPC versées aux Canadiens.

Jusqu’à présent, les prestations bonifiées du RPC ont été critiquées, car elles ne contribueront guère à aider les Canadiens à faible revenu à la retraite, en raison des mesures de récupération qui réduisent les prestations du SRG fondées sur le revenu. Cependant, ces 62 cents sur chaque dollar sont relativement uniformes chez les Canadiens dans diverses situations de revenu au cours de leur vie, bien que la dynamique varie considérablement. 

Même si l’étude révèle que les aînés à faible revenu perdront environ 42 % des nouvelles prestations du RPC en raison d’impôts plus élevés et de prestations perdues du SRG, leur laissant 58 cents par dollar, elle révèle aussi que les aînés ayant un revenu élevé perdront presque la même proportion en raison de l’augmentation des impôts et de la perte de prestations de la SV. 

Les Canadiens à revenu faible-moyen gagnent le plus en obtenant 66 cents par dollar, et les Canadiens à revenu moyen-élevé, 61 cents.

Pourquoi n’avons-nous pas entendu parler de cette équité relative chez les aînés canadiens auparavant?

Simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un simple calcul. Nous avons besoin d’un système de modélisation hautement sophistiqué pour projeter l’ensemble de la population canadienne dans l’avenir, avec des dizaines de milliers de variables en jeu, afin de calculer comment les améliorations du RPC nous toucheront tous de façon réaliste.

Bien que les compressions budgétaires de 2014 aient mis fin à son financement après 25 ans de développement, LifePaths est toujours accessible au public, ce qui rend cette analyse possible.

 

Trop ou pas assez préparé à la retraite?

Selon d’autres critiques, les bonifications du RPC sont trop modestes. Cependant, lorsqu’elles auront atteint leur pleine maturité, soit d’ici 2070, l’étude révèle que les prestations augmenteront en moyenne de 44 % chez les Canadiens, ce qui est loin d’être modeste. Elles devraient permettre aux jeunes Canadiens de maintenir leur niveau de vie à la retraite, en particulier les personnes à revenu moyen ou élevé qui ne bénéficient pas d’importants avantages du régime de retraite parrainé par l’employeur, soit environ 40 % de la population canadienne.

Avec ces changements, la proportion du groupe qui n’est pas préparé pour la retraite passe de 46 % à 34 %, une évolution positive, car il s’agit probablement d’un important facteur de motivation à l’origine des améliorations.

À l’autre extrémité, les améliorations au RPC pousseront 9 % des Canadiens à trop se préparer à la retraite en réduisant inutilement leur niveau de vie pendant leur vie active, particulièrement les travailleurs à revenu moyen ayant une participation importante aux régimes de retraite. Cependant, si ces Canadiens déjà préparés réduisent leurs économies personnelles volontaires ailleurs, les améliorations au RPC peuvent avoir un effet plus ciblé.

À l’instar de pays comme la Suède, la Hollande et la Grande-Bretagne, le gouvernement canadien peut mettre en place des initiatives pour créer des registres centraux qui permettront aux Canadiens d’être mieux informés du revenu auquel ils peuvent s’attendre afin de prendre des décisions plus éclairées.

 

Pas une panacée

Même avec les récentes améliorations du RPC, des défis restent à relever. Les projections montrent que près d’un quart des Canadiens ne seront pas en mesure de maintenir leur niveau de vie à la retraite, et ce ratio augmente à plus d’un tiers pour les Canadiens qui n’ont pas de participation significative aux régimes de retraite offerts par les employeurs. 

Bien que l’objectif du RPC soit d’améliorer la sécurité de la retraite pour tous les Canadiens, il est important de protéger le bien-être financier de la population en âge de travailler, particulièrement les personnes à faible revenu. La contribution additionnelle obligatoire au RPC (2 % de la rémunération) peut s’ajouter à une situation financière déjà éprouvante pour ces personnes, particulièrement les travailleurs autonomes qui ont un faible revenu et qui doivent payer à la fois la cotisation patronale et la cotisation salariale bonifiée. De plus, la déductibilité fiscale de la cotisation majorée a moins de valeur pour un salarié à faible revenu que pour un salarié à revenu élevé.

Enfin, les Canadiens à faible revenu recevront probablement des prestations de retraite sur une plus courte période en raison d’une espérance de vie réduite. Toutes ces observations soulignent le besoin crucial de crédits d’impôt remboursables bien pensés qui ciblent les travailleurs à très faible revenu, comme l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Il sera également important de réévaluer le programme du SRG qui dissuade fortement les Canadiens à faible revenu de travailler après l’âge de 65 ans et d’épargner pour la retraite au moyen d’instruments enregistrés.

Même si nous attendons que les prestations bonifiées du RPC atteignent leur pleine maturité en 2070, une préoccupation plus immédiate concerne les perspectives financières à la retraite des Canadiens âgés d’aujourd’hui, pour qui les améliorations au RPC feront peu de différence.

Les coûts potentiels ou les implications liés aux risques d’une population vieillissante pour une main-d’œuvre réduite au Canada posent également des défis importants. Il est urgent de trouver des solutions novatrices, soutenues par des analyses sophistiquées utilisant des modèles de projection tels que LifePaths pour résoudre ces problèmes.

Alors que le débat se poursuit aux États-Unis sur la façon de réduire les prestations de sécurité sociale, l’amélioration des prestations du RPC est une solution unique au Canada. Les changements ont été longs à venir, mais ils valaient la peine d’attendre.

Il ne fait aucun doute qu’il reste encore du travail à faire pour que les Canadiens puissent avoir une retraite financière assurée. Toutefois, des données fiables, impartiales et de grande qualité indiquent que les améliorations apportées au RPC constituent un pas dans la bonne voie. 

 

Bonnie-Jeanne MacDonald, Ph.D., FSA, est agrégée supérieure de recherche à l’Institute national sur le vieillissement de l’Université Ryerson, membre de la Society of Actuaries, chercheuse en résidence auprès d’Eckler Ltd. et collaboratrice d’EvidenceNetwork.ca, attaché à l’Université de Winnipeg.