Un projet de loi pour être Maîtres chez nous

2018/09/07 | Par Monique Pauzé

Au mois de juin dernier, je débattais pour la première fois de mon projet de loi à la Chambre des Communes. Ce projet de loi modifie huit lois fédérales dans le but de forcer le gouvernement canadien à respecter les lois des provinces et les règlements municipaux, touchant l’environnement, la protection et l’aménagement du territoire. Il vise aussi à instaurer une certitude juridique dans des domaines marqués par de nombreuses contestations judiciaires liées au partage des compétences. Actuellement, la prépondérance d’Ottawa est source de conflits, lorsque le Québec et ses citoyens n’arrivent plus à faire respecter leurs choix et leurs droits. 

Parlez-en aux agriculteurs de Neuville ou de Saint-Cuthbert, qui ont vu un aéroport construit dans un champ de maïs, parce que l’aéronautique est de compétence fédérale.

Parlez-en aux gens du quartier Limoilou à Québec, qui doivent supporter la présence de poussières contenant du zinc, du cuivre, du fer et du nickel, poussières nocives pour la santé et corrosives pour les habitations, parce que notre loi sur la protection de l’environnement ne s’applique pas au port de Québec, qui est sous juridiction fédérale.

Parlez-en aux gens de Terrebonne, Gatineau ou Châteauguay, qui voient des tours de télécommunications bâties sans respecter les règlements municipaux d’aménagement du territoire, parce que la radiocommunication est de compétence fédérale.

Afin de recueillir le plus grand nombre d’appuis possibles à mon projet de loi, je rencontre des élus des municipalités, des représentants des groupes environnementaux et de syndicats, de même que des représentants de l’UPA.

À la mi-août, j’ai effectué une tournée dans le Bas-Saint-Laurent, en Beauce et à Québec où j’ai pu discuter avec plusieurs membres de différents organismes et les informer de ce projet de loi. Au cours des prochains jours, ceux-ci rencontreront les instances élargies de leurs organismes respectifs pour examiner la possibilité d’appuyer ce projet de loi. Je dois dire que l’accueil a partout été très encourageant.


À l’écoute des enjeux locaux

J’ai beaucoup appris au cours de ces rencontres. Les discussions se sont rapidement élargies aux préoccupations des différents groupes. Une telle tournée est une excellente occasion pour prendre le pouls de la population, directement sur le terrain des inquiétudes et des enjeux auxquels doivent faire face les gens.

Dans le Bas-Saint-Laurent, les agriculteurs sont aux prises avec une sécheresse importante pour une deuxième année consécutive. Des appels à la solidarité entre producteurs de foin ont été lancés afin que ceux qui possèdent des surplus en vendent d’abord à leurs voisins des municipalités environnantes. À cet effet, un bureau de coordination a été mis en place.

La sécheresse est moins criante en Beauce, où il a surtout été question du projet d’oléoduc Énergie Est, un sujet abordé dans chacune de mes rencontres et qui demeure une vive préoccupation devant l’engagement répété du chef conservateur Andrew Scheer de ramener le projet au feuilleton, si son parti prend le pouvoir l’an prochain.

Au cours de ces différents échanges, j’ai beaucoup appris. Des entreprises, m’a-t-on confié, s’installent dans les zones portuaires pour se placer à l’abri de nos lois de protection de l’environnement. Encore une fois, mon projet de loi, s’il était adopté, mettrait fin à ces pratiques abusives.

Je continue de multiplier les rencontres avec les groupes de défense de l’environnement. J’avais déjà échangé, au mois de juin, avec des gens de la Fondation David Suzuki et de Greenpeace. Lors de ma tournée du mois d’août, j’ai pu m’entretenir avec des représentants de six autres organisations oeuvrant en environnement.
 

L’accès à l’information : un combat à mener

De ces entretiens, je retiens, entre autres, une grande préoccupation pour l’accès à l’information. L’humanité, m’a-t-on répété à plusieurs reprises, a encore beaucoup à apprendre sur les enjeux environnementaux et les défis qu’ils représentent. Mais l’information est de plus en plus difficile à obtenir de la part de nos gouvernements et la récente réforme de l’accès à l’information de Justin Trudeau fait malheureusement reculer les droits des citoyennes et des citoyens.

Rappelons-nous que l’ex-commissaire à l’Information du Canada, Suzanne Legault, avait jugé très durement la réforme Trudeau, la décrivant comme plus restrictive que ce qui prévaut actuellement. 

« Il ajoute, a-t-elle déclaré, de nouveaux motifs permettant aux institutions de refuser de traiter des demandes, réintroduit la possibilité d’imposer des frais  variés  et, pour certains renseignements demandés, remplace le droit d’accès et le modèle de surveillance indépendante par la divulgation proactive. Il autorise le gouvernement à déterminer quels renseignements la population peut obtenir, plutôt que de laisser le droit à la population de décider pour elle-même. »

Ce sont donc des embûches supplémentaires pour obtenir les informations utiles afin de mieux comprendre les défis environnementaux qui s’additionnent, année après année.

On doit se réapproprier nos lois, nos terres, notre environnement. On doit se réapproprier le droit de décider par nous-mêmes. Nous élisons des personnes au niveau municipal et à l’Assemblée nationale et nous attendons d’elles qu’elles fassent respecter les lois.

Mais, quais et ports de plaisance, aéroports, infrastructures de télécommunications, propriétés fédérales, pipelines interprovinciaux, ports de Québec et de Montréal, toutes ces infrastructures relèvent du gouvernement fédéral et sont régulièrement source de conflits, car nous n’arrivons pas à faire respecter nos lois.

La solution tient en un seul mot, ai-je besoin de l’écrire : l’indépendance.

La deuxième heure de débat sur mon projet de loi à la Chambre des Communes aura lieu à la mi-octobre.  À suivre.

L’auteure est députée fédérale de Repentigny