L'appui au PQ reste essentiel

2018/09/20 | Par Guy Roy

Cher monsieur Dubuc.

L'aut'journal ne devrait pas se réfugier dans sa propre « liberté de presse » pour finalement rester assis entre deux chaises; pourtant, et de ce que je vois avec cet article, c'est ce qu'il fait.

J'ai repris les thèmes de vos commentaires pour faire ressortir ce qui devrait pourtant faire plus pencher votre journal vers un appui au Parti québécois (PQ), versus ne rien faire, et pourquoi cela serait également préférable à simplement appuyer Québec solidaire (QS).

Les revendications, mises de l'avant par le PQ, feraient le saut vers l'indépendance de façon quasi magique, selon vous. Un rapport de force avec Ottawa impliquerait que la population soit prête à battre les fédéralistes au Québec. D'abord lors des élections du 1er octobre, mais aussi, et ensuite, lors des élections fédérales. Ultimement, nous verrons également ça avec la popularité restaurée du Bloc.

Mais en attendant, un ancien député du Bloc me disait qu'Ottawa ne cédera pas, par rapport aux Chantiers Davie à moins que les Libéraux fédéraux aient peur de perdre des comtés au Québec à cause, entre autres choses, de toute l'ignominie entourant ce dossier. Alors, oui, il y a la possibilité à très court terme de recommencer à développer un rapport de force face au Fédéral, et oui, nous pourrons également, par la suite, continuer à bâtir sur cela.  Encore devrions-nous cependant nous entendre sur l'état actuel des lieux. Force est de reconnaître que la stratégie de Lisée, elle, se vaut bien plus que ce que vous semblez être prêt à reconnaître.

 

À vous lire,

On croirait presque que cela vous indiffère de savoir qui l'emportera finalement le 1er octobre.  Mais est-ce vraiment responsable d'agir ainsi ?

Je crois tout autant que vous devriez plus ignorer QS et plus commencer à vous orienter vers un parti de pouvoir qui sera capable de réaliser ce qu'il promet. Vous trouverez peut-être surprenant que moi, communiste, ose dire pareille chose et pourtant, et quant au fond, c'est aussi une question de gros bon sens.

Entre sociaux-démocrates, je crois que le choix devrait aller vers une option qui peut effectivement réaliser son programme, au lieu de voir vaincre des libéraux fédéralistes (au sens de néolibéraux), qu'ils soient CAQistes ou Libéraux.  Parce qu'au fond, toujours, un vote pour QS servira d'abord leur cause.

À mesure que la CAQ descend, la question du vote stratégique risque de se poser avec encore plus d'accuité. Et vous, que proposerez-vous ?  De continuer à rester sur le côté, et à faire les gérants d'estrade ?  Est-ce vraiment ce que vous voulez faire ?

Une édition de l'aut'journal, qui prendrait plus faits et partie, pourrait certainement aider à faire la différence, entre élire une gauche de pouvoir et élire une gauche encore multiculturelle et parlant de l'indépendance abstraitement sans être capable dans l'immédiat de ruptures concrètes avec le fédéralisme.

Voilà les principaux arguments en faveur d'un appui au PQ :

 

Sur l'économie

L'augmentation du salaire minimum à 15.00 $ de l'heure n'est pas seulement un clin d'oeil à la gauche militante et aux syndicats; c'est aussi une mesure pour s'assurer du maintien d'une demande raisonnable dans l'économie; cela correspond à la nature social-démocrate du PQ. D'autres mesures, également incluses dans le programme et la plate-forme du PQ, vont dans le même sens. Cela devrait en même temps assurer un meilleur niveau de vie pour les couches populaires, soit une chose avec laquelle je suis sûr que vous serez d'accord.

Le PQ s'engage également à « mettre fin aux conventions qui légalisent l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux ». Ce qui voudra dire se distancier du fédéral qui ne fait rien, malgré les interventions du Bloc. Cela assurera de nouveaux revenus à l'État. Il n'y a pas que le salaire des médecins. C'est une plaie de toutes les économies occidentales. Le Québec deviendrait en même temps un précurseur en la matière.  Là encore, vous devriez être d'accord.

Vous dites que le PQ continuerait à mettre de côté toute velléité face à la nécessité de relancer le combat pour l'indépendance.  Là, on parle très concrètement de poser un geste de rupture important face à Ottawa, et vous faites la fine bouche.

Le PQ promet de « protéger les droits des travailleurs domestiques et autonomes et moderniser le code du travail ». Les représentations syndicales pourraient faire la différence pour l'accès à la syndicalisation et la loi anti-scabs.  Ne trouvez-vous pas, là-encore, que ce serait important ?

 

Sur la santé

Vous voudriez, à cet égard, qu'on soit encore plus clair, face à Ottawa, pour exiger un " plus juste " retour des sommes dues en santé. C'est pourtant ce que Lisée s'est engagé à faire, non seulement en santé, mais dans tous les domaines où il n'y aurait justement pas retour de «notre juste part» des taxes que nous payons à Ottawa.

Est-ce que cela ne serait pas, en plus, l'équivalent d'un procès quasi-permanent du fédéralisme, d'ici à ce qu'on puisse effectivement réaliser l'indépendance ? Le PQ s'engage également à « donner davantage d’autonomie aux 200 000 professionnels de la santé, autres que les médecins » et « de garantir un accès de proximité à une infirmière spécialisée dans chaque CLSC jusqu’à 21 heures, 7 jours sur 7 ».  Ne s'agit-il pas, là encore, de revendications provenant aussi du mouvement ouvrier ?  Là encore, vous devriez applaudir, au lieu de rechigner.

 

Sur l'immigration

Le PQ « formera un comité de suivi permanent sur l’intégration des personnes immigrantes et sur la lutte contre la discrimination et le racisme » et « s’assurera (également) que les candidats disposent, avant d’arriver, d’une connaissance suffisante du français pour s’intégrer immédiatement dans leur emploi et leur société d’accueil ». Ce qui gagnera à la longue les immigrants à plus soutenir un projet pour le Québec et diminuera aussi l'anglicisation à Montréal.  Peut-on vraiment être contre cela ? 

 

En environnement

Le PQ mettra de l'avant une autre rupture avec Ottawa. Il « adoptera une loi affirmant la primauté de la compétence du Québec en matière d’environnement qui inclue l’affirmation de notre pouvoir exclusif pour évaluer tout projet réalisé en territoire québécois et statuer à son sujet ».

 

Sur la langue

Le PQ s'engage également, dans cet autre dossier important, et parmi différentes mesures, à « mettre en oeuvre l’article 1 de la loi 104 de 2002 faisant du français la langue unique de l’Administration dans ses communications avec les entreprises établies au Québec ». 

Sans doute qu'on aurait pu espérer plus.  Dans le cadre des débats précédant la tenue du dernier congrès national, en septembre 2017, qui statua sur un tout nouveau programme pour ce parti, il y eut un important combat pour faire en sorte que ce programme aille beaucoup plus loin.  Entre les ailes plus combatives et celles qui voulaient garder une approche plus modérée, il n'y avait clairement pas de consensus, au début, sauf que c'est finalement la vision plus combative qui l'emporta et c'est aussi cela qu'il faudrait tout autant garder en tête.  Le point final, dans ce dossier, est encore loin d'être dit, de toutes évidences.

En attendant cet engagement mentionné plus haut n'est quand même pas rien. Tous ceux qui sont au fait du dossier de la langue devraient facilement en convenir. Le PQ, en même temps, demeure la seule formation politique d'importance à avoir jusqu'ici pris un tel engagement.

 

En matière de laicité

Le PQ « fera figurer le principe de la laïcite de l’État dans la Charte des droits et libertés de la personne ». ce qui empêchera les éventuelles contestations judiciaires et facilitera également les progrès futurs en la matière.

 

Au niveau de l'éducation

S'il ne « nationalisera » pas tout de suite l'enseignement privé (1), il se préoccupera néanmoins plus du réseau public afin le rendre plus attirant aux yeux des jeunes et de leurs familles. Un gouvernement du Parti Québécois « instaurera un seuil garanti de services professionnels directs aux élèves, accentuera l’enseignement de l’histoire à tous les niveaux, tout comme il mettra l’accent sur la maîtrise de notre langue commune, le français ». 

Pour ce qui est de l'université, il s'engage également à « exiger que les universités à charte se plient aux mêmes règles que le reste du secteur public, notamment pour les salaires des cadres, et les soumettre aux pouvoirs du Vérificateur général. »

 

En conclusion

Tous ces aspects du programme du PQ pourraient assez facilement être réalités dès un premier mandat. Bien franchement, je ne crois qu'il soit le plus responsable de juste discarter le tout, simplement, et une fois encore par cela n'inclurait pas en même temps un engagement ferme à réaliser l'indépendance, autrement que lors d'un 2e mandat.  L'heure est encore à l'unité de tous et toutes, bien plus que dans le fait de continuer à faire le difficile, en cherchant absolument la chicane, où en continuant à dire que le verre serait toujours à moitié vide.

La réalité, elle, c'est aussi le fait que ce verre est au moins à moitié plein, à ce point-ci, ce qui est déjà un bon départ, par rapport à toutes ces précédentes années de vaches maigres, et qu'on pourra toujours continuer à bonifier le tout, une fois qu'on se sera surtout plus débarrassés des fédéralistes à Québec.  Encore faudrait-il que tous et toutes nous finissions aussi par travailler plus ensemble, dans la même direction.

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(1): Note : le programme du PQ inclut néanmoins le fait que les subventions aux écoles privées devront graduellement être éliminées; cela ne fait pas partie en tant que telle de la plate-forme électorale pour ces élections; on peut conséquemment penser que cela se passer plus lors d'un autre mandat; reste que cela fait quand même partie du programme du PQ.  C'est important de le rappeler.

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Autre hyperlien à consulter et portant également sur ce récent texte de Pierre Dubuc :

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Réponse de Pierre Dubuc : L’aut’journal fera connaître sa position le 28 septembre prochain.