Blues électoral

2018/10/04 | Par Pierre Jasmin

La CAQ après les Libéraux, un changement??

En publiant cette caricature il y a près de trois semaines, Pascal Élie (Le DEVOIR) dressait le portrait du gagnant des élections 2018, avec en premier lieu son ignorance crasse de l’enjeu de l’environnement. Complétons le portrait avec trois modifications : 1- en éliminant de la liste des préoccupations, même enfouie et en dernière place, la culture, totalement absente du discours de François Legault : on s’ennuiera de Luc Fortin, d’Hélène David et de Marie Montpetit et des largesses libérales depuis Jean-Paul L’Allier dès 1970;

2- rayer la langue, qu’il malmène allègrement, contrairement à Couillard, impeccable;

3- dessiner le bec de l’autruche en train de mordre dans immigration, un domaine qui lui a valu les félicitations de Marine Le Pen et où on regrettera Kathleen Weill, Dominique Anglade et franchement, tous ses prédécesseurs.

Les Libéraux, avec moins de 25% du vote, ont connu la pire défaite de leur histoire de 150 ans. Quel infime pourcentage des votes francophones ont-ils reçu? Comment ont-ils réussi à perdre l’Estrie et l’Outaouais avec leurs fortes minorités anglophones?

Ne noircissons pas trop Legault qui n’est ni Doug Ford, ni même Jean Charest. Préparons-nous à observer la marijuana surveillée près des écoles par les photogéniques Geneviève Guilbault et Simon Jolin-Barrette, l’éducation aux mains de Jean-François Roberge qui n’aura pas de difficulté à faire mieux que Proulx, les aînés chers à Marguerite Blais qui échapperaient aux patates en poudre de Barrette et cie, l’international André Bachand avec son expérience à l’UNESCO égalant peut-être St-Pierre, la compassion du docteur Lionel Carmant qui pourrait renverser la politique absurde de son chef de mettre tous les enfants de quatre ans à la maternelle, et enfin Sonia Lebel, l’ancienne procureure aux dents aiguisées de la Commission Charbonneau, qui pourra puiser d’utiles informations sur les paradis fiscaux, auprès de la jeune et dynamique élue libérale Marwa Rizqy…
 

Défaite historique du PQ

Avec 17% des votes et neuf députés, le Parti Québécois a essuyé une défaite illustrant aussi combien les électeurs votent aujourd’hui d’abord avec leurs émotions et non avec leur intelligence ou compréhension des dossiers : comment sinon interpréter le rejet des chefs Couillard et Lisée, pourtant pas des deux de pique, mais dont les arguments sont toujours restés très rationnels? L’absence des artistes dans la campagne a renforcé cette tendance. D’autre part, comment expliquer que l’Est du Québec et la Côte-Nord soit resté inébranlablement péquiste avec Pascal Bérubé, Harold Lebel, Joël Arseneau, Martin Ouellet, Sylvain Roy et Lorraine Richard? Si les malheureuses incursions pétrolières du PQ de 2013 à Anticosti n’en sont pas la cause, se pourrait-il que le Mouton noir mensuel idéaliste de Rimouski soit en partie responsable du maintien du quotient intellectuel et culturel des lecteurs-électeurs de cette région d’origine de mon épouse?

Ayant quitté toute activité politique en 1973[1], je viens de voter non pas QS, ni PQ, mais vert (dans un comté où Caquistes et Libéraux étaient assurés des 3/4 des votes). Si Manon Massé a la responsabilité de faire les premiers pas pour susciter une candidature unie PartiQuébécoisSolidaire dans l’élection partielle de Roberval, les péquistes Véronique Hivon, Catherine Fournier et Sylvain Gaudreault (qui avait aidé le Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire) pourraient, avec l’encouragement du Bloc Québécois à nouveau reformé, mener une fusion réussie avec Québec Solidaire. Des nostalgiques regretteront évidemment le nom de leur vieux parti, mais proche de René Lévesque et de son Option Québec en 1968, j’appuyais du haut de mes 18 ans sa résistance à l’appellation Parti Québécois, que nous jugions tous deux, par son implication nominale, anti-démocratique et …dangereusement nationaliste.
 

Un discours de première ministre

Manon Massé, que j’ai embrassée lorsqu’elle est venue signer la Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique (DUC) le 13 septembre devant Radio-Canada[2], a fait un discours admirable, que j’ai pris en note rapidement de ma chambre d’hôtel à Ottawa où je participais à des réunions internationales contre les armes nucléaires :

« Vous avez donné au peuple québécois le goût de se remettre en marche! QS n’est plus le parti du seul Plateau Mont-Royal, il est le parti de ceux qui veulent changer le pays pour vrai; tous ceux et celles d’entre nous qui sont arrivéEs deuxièmes  nous donnent le signal pour la prochaine fois. Merci à Amir et à Françoise qui nous ont montré la voie. Les dix députés QS seront des gens de conviction, des gens de cœur, des politiciens pas comme les autres, ILS VONT SE TENIR DEBOUT. Merci à M.Couillard qui a fait une campagne respectueuse. Merci à M. Lisée avec qui nous avons un projet commun, la souveraineté synonyme d’ouverture et de solidarité. Nous avons un projet de société différent qui négociera de nation à nation avec les autochtones et inspirera les jeunes qui grandissent actuellement sous Ottawa, le   pétrole de l’Alberta et les automobiles d’Ontario. M. Legault, si vous cédez, comme tous les autres premiers ministres avant vous, au pouvoir de l’argent, vous nous      trouverez sur votre chemin, car nous voulons un pays JUSTE, VERT ET LIBRE!»

 

L’inspirante jeunesse

Retenons de la soirée du 1e octobre l’enthousiasme délirant et inspirant des jeunes, tel Gabriel Nadeau-Dubois, ayant agi avec les carrés rouges en 2012 et s’étant opposé au projet Énergie-Est à Cacouna (on était près de trois mille à marcher pour protéger les bélugas et pour dénoncer le sinistre ministre de l’environnement libéral Heurtel). La jeunesse fêtait Christine Labrie à Sherbrooke et Émilise Lessard-Therrien à Rouyn-Noranda-Témiscamingue; à Québec l’habituellement brillante Catherine Dorion - dont la tuque faisait suffoquer le cravaté Patrice Roy de Radio-Canada – était euphorique devant « sa gang » à Taschereau, rejointe par Sol Zanetti, vainqueur à Jean-Lesage : ils ont prouvé qu’une fusion, celle d’Option Nationale avec QS, pouvait donner des résultats probants.

La prochaine fois, l’espoir généré par une fusion avec le PQ ferait grimper la participation des votantEs (moins de deux tiers des votes exprimés lundi), grâce à un solide programme commun et souverain appuyant, au bénéfice d’une véritable démocratie :

- la fin des subventions à l’école privée (le PQ tergiversait sur ce point) ;

- les mouvements communautaires attentifs aux besoins des mal-aimés de la vie ;

- de meilleurs transports en commun et le retrait progressif des voitures à essence ;

- des mouvements coopératifs plus forts avec représentativité plus grande des travailleurs : les fermiers des laiteries viennent d’être floués par l’entente de Trudeau qui favorise en plus la position de Trump en vue de ses élections de mi-mandat ;

- le pourcentage des femmes élues à l’Assemblée Nationale, comme les élues actuelles de Québec Solidaire à 50%;

- un engagement de gauche, altermondialiste et pacifiste, écrit dans le programme de QS.

Quant aux partisans de poursuivre deux routes divergentes, amenons-les à réfléchir tout de suite aux quatre prochaines années d’un gouvernement conservateur de droite, sans véritable opposition officielle, vu les opinions caquistes et libérales interchangeables (à part le hidjab). Devant les désastres en vue, rien de meilleur qu’un rassemblement sociétal!

 

[2] Greenpeace, le cinéaste Michel Jetté du groupe mobilisation pour la DUC, l’AQLPA avec son fondateur André Bélisle. Lire http://lautjournal.info/20180914/notre-avenir-tous