Transmountain : Le pouvoir fédéral invoque toujours sa « supériorité »

2018/10/09 | Par Monique Pauzé

L’auteur est députée du Bloc Québécois.

Une des premières décisions de Donald Trump a été d’autoriser l’oléoduc Keystone XL.  Dix-huit mois plus tard, le projet est toujours en attente d’un appui réglementaire.

Donald Trump n’est pas un écologiste et personne n’osera affirmer qu’il n’est pas autoritaire. Cependant, il a été incapable d’imposer le projet.  Pourquoi ? Parce que les États-Unis sont une fédération et, bien que le gouvernement fédéral ait la responsabilité du commerce international et interétatiques, les lois des États continuent de s’appliquer. En d’autres mots, les pouvoirs fédéraux relatifs au commerce interétatique n’outrepassent pas les pouvoirs des États dans le domaine de l’environnement. Aussi impatient soit-il, Donald Trump ne peut rien y faire.

Au regard des processus réglementaires états-uniens, le débat autour du pipeline Trans Mountain est surréel. Ses promoteurs exigent du gouvernement fédéral de se montrer encore plus favorable au développement des énergies fossiles qu’un pays qui a rejeté les consensus de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Ils demandent aussi à Justin Trudeau d’être plus autoritaire que Donald Trump.

Alors que le territoire d’une province appartient à cette province, les pro-pétrole veulent qu’Ottawa agisse comme si le territoire de la Colombie-Britannique lui appartenait. L’Alberta, qui a longtemps été championne de l’autonomie provinciale parmi les provinces anglophones, troque aujourd’hui ses principes pour de l’argent.  De leur côté, les conservateurs, supposément opposés à la centralisation des pouvoirs à Ottawa, oublient leurs beaux discours lorsqu’il est question des sables bitumineux. L’environnement passe en second lieu pour Justin Trudeau, alors que celui-ci a promis exactement le contraire au cours de la campagne électorale.

Mais cela n’a pas à être ainsi. Les pouvoirs fédéraux sur le commerce interprovincial et le transport n’ont pas nécessairement prééminence sur les lois provinciales sur la protection de l’environnement ou le développement harmonieux du territoire. Nous sommes au 21e siècle et les intérêts financiers des compagnies ne devraient pas être au-dessus des protections environnementales ou de la santé et de la sécurité des citoyens. L’attitude de ces entreprises n’a cependant pas évolué et elles sont encore engluées dans un modèle de développement du 20e siècle, loin, très loin des objectifs de lutte aux changements climatiques.

La seule façon d’équilibrer le développement économique et les protections environnementales est de s’assurer que les lois fédérales et provinciales s’appliquent simultanément pour la protection de l’environnement et du territoire. C’est le but du projet de loi que j’ai déposé et  qui devrait être débattu cet automne, et pour lequel j’ai effectué une tournée dans le Bas-Saint-Laurent et la région de Québec, ainsi que des rencontres dans certaines municipalités et auprès de groupes environnementaux à Montréal et dans sa région.

Si le projet de loi était adopté, Ottawa devra s’assurer que ses projets sont compatibles avec les lois provinciales et les règlements municipaux. Ottawa devra s’asseoir avec les élus de la Colombie-Britannique et trouver une entente pour l’oléoduc de Trans Mountain au lieu d’imposer sa loi. En plus des oléoducs, le projet de loi s’applique aussi aux immeubles fédéraux, aux ports et aux quais, aux infrastructures de communication et aux petits aéroports.

C’est la pratique courante aux États-Unis et personne ne s’insurge. En fait, partout dans le monde, il y a des oléoducs traversant plusieurs États souverains, qui appliquent leurs propres lois. Les tracés ont été négociés plutôt qu’imposés, de telle sorte que les besoins des populations ont été considérés. Mais bien sûr, on parle ici d’États souverains.

Le respect n’est pas incompatible avec le développement. Les libéraux et les conservateurs ont oublié la notion de respect. Au cours de la première heure de débat sur mon projet de loi, les deux partis ont utilisé les termes « gouvernement supérieur » lorsqu’ils faisaient référence au gouvernement fédéral. Avec cette idée de « supériorité », les deux partis veulent donc qu’Ottawa impose ses volontés aux provinces. Quand on sait que le chef conservateur Andrew Scheer s’emploie activement à ressusciter le projet Énergie Est, l’avenir n’est pas rose pour le Québec.

Respect et précaution, voilà l’essence même de mon projet de loi.