Pour un accès universel et gratuit aux services diagnostiques

2018/11/22 | Par Carolle Dubé

L’auteure est présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

Nous avons assisté la semaine dernière à un nouvel épisode de dispute entre le gouvernement du Canada et celui du Québec sur leurs juridictions respectives en matière de santé. On a en effet appris que la ministre fédérale Ginette Petitpas Taylor a transmis un ultimatum à Québec l’enjoignant de rembourser aux patient·e·s les frais encourus pour des examens diagnostiques effectués dans des cliniques privées, sans quoi elle réduirait d’autant ses transferts en santé. Les reproches adressés à la province par le fédéral sont les mêmes que dans le cas récent des frais accessoires : Québec enfreint la Loi canadienne sur la santé en ne garantissant pas à ses citoyen·ne·s un accès universel et gratuit aux soins médicaux nécessaires. La capacité personnelle de payer ne devrait rien changer à l’affaire.

Le premier ministre Legault a rétorqué que la santé étant une compétence provinciale exclusive, Ottawa ne pouvait pas empêcher Québec de permettre aux patient·e·s québécois·es de recourir au privé pour obtenir plus rapidement des examens d’imagerie médicale. Or, même l’indocile Gaétan Barrette avait cédé devant la condamnation fédérale des frais accessoires en interdisant aux cliniques de les facturer aux patient·e·s, par crainte de voir fondre les transferts d’Ottawa, si réduits soient-ils par rapport à ce qu’ils étaient quand la Loi canadienne sur la santé est entrée en vigueur dans les années 60. On se réjouirait davantage que le gouvernement fédéral fasse obstacle à la propension de la droite québécoise à privatiser le système de santé si, parallèlement, il contribuait de façon plus conséquente à compenser l’explosion des coûts.

Mais pendant que Québec et Ottawa se renvoient la balle, le problème demeure : comment assurer un accès rapide et équitable aux examens diagnostiques de pointe? Les Québécois·es attendent de longs mois pour bénéficier notamment des progrès liés à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Plusieurs raisons expliquent pourquoi le système public québécois ne fournit pas à la demande.

D’une part, parce que les appareils d’IRM et de tomodensitométrie (scan) achetés à grands frais par les hôpitaux sont sous-utilisés. Un rapport de recherche du Pôle santé HEC Montréal révélait plus tôt cette année que la cible ministérielle d’utilisation de 16 heures par jour, 7 jours sur 7, était loin d’être respectée dans les hôpitaux des grands centres urbains du Québec. Les temps d'attente pour ces examens dépassent pourtant le délai prescrit.

Les établissements ne s’en cachent pas : ils ne disposent pas des effectifs suffisants pour utiliser de façon optimale leur équipement, notamment parce qu’ils pâtissent de la concurrence exercée par les cliniques privées, qui drainent de précieuses ressources du public.

Devant la pénurie de technologues dans les établissements publics, on comprend mal pourquoi ces derniers hésitent encore à leur offrir de meilleures conditions de travail et à miser sur une pratique respectueuse de leur autonomie professionnelle. La relève sera au rendez-vous en autant que le système public lui offre des perspectives de carrière stimulantes.

D’autre part, il y a lieu de se questionner sur la demande elle-même. Ces examens sont-ils tous vraiment médicalement requis? Les technologues que représente notre syndicat rapportent, trop souvent pour qu’on néglige cet avis, que nombre d’investigations ne sont pas justifiées, parce que le médecin se protège, temporise ou cède à des inquiétudes irraisonnées des patient·e·s. Sans s’immiscer dans ce qui relève du jugement clinique, Québec pourrait à tout le moins soutenir la réflexion des groupes de médecins qui remettent en question, chiffres à l’appui, la pertinence de certains actes.

Même si l’extension de la couverture au privé satisferait la ministre fédérale, cette solution temporaire n’aidera pas à résoudre les problèmes de pénurie de personnel dans le réseau public. Quand Québec a instauré le remboursement par l’État des échographies réalisées dans les cliniques privées, la demande pour ces dernières a explosé. Le gouvernement québécois, soucieux d’équilibrer son budget, ne veut certainement pas voir le même phénomène se produire avec les examens d’IRM.

En réaction à la semonce fédérale, la nouvelle ministre de la Santé du Québec, Danielle McCann, a promis de protéger l’accès aux soins de la population en renforçant le système public. Elle peut être assurée de la collaboration de l’APTS pour ce faire. C’est assurément LA solution, car permettre le développement d’un système à deux vitesses nous mène droit dans un mur.