Alexandre Sirois à la défense de la politique étrangère de Trudeau

2019/02/13 | Par Jean-François Thibaud

À propos de la politique étrangère du Canada sous le gouvernement de Justin Trudeau, Alexandre Sirois surpasse toutes les attentes en fait de désinformation dans un éditorial intitulé, Dieu, le Canada et l’art de la nuance.

Opposant des opinions contradictoires, il cite d’abord Nicholas Kristoff, un interventionniste humanitaire libéral américain et « prestigieux journaliste du New York Times » qui trouve de nombreuses vertus à cette politique.

D’après lui, le Canada « se tient debout face à l’Arabie saoudite ». Il est vrai que Justin Trudeau a protesté modérément contre les récentes exactions sanguinaires de ce régime allié, mais dans les faits, le gouvernement canadien n’a pas levé le petit doigt pour stopper les juteux contrats de ventes d’armes qui lui sont destinés. Certes, le Canada accueille des dizaines des milliers de réfugiés syriens. Mais pas un mot sur les causes de ces flux migratoires provoqués par cette guerre par proxys interposés, made in USA, financée par ces mêmes saoudiens et encouragée par une campagne de démonisation tout azimut du gouvernement légitime de Bachar Al Assad à laquelle le Canada continue de contribuer activement. Il serait aussi assez intéressant de chercher à savoir, parmi ces réfugiés qui ont fuit la Syrie nouvellement reconquise par l’armée nationale, combien sont d’ex miliciens d’Al Quaida. Comme d’habitude, pas un mot sur cette cuisante défaite militaire.

Kristoff prétend que le Canada est l’un de seuls pays à protester contre la répression chinoise envers sa minorité ouigours. Que de sornettes ! Cette histoire fait régulièrement les manchettes en occident depuis au moins les Olympiques de Pékin et rares sont les officiels occidentaux qui ratent l’occasion de faire du « chinese bashing » diplomatique à ce propos à chaque occasion qui se présente. Enfin, concernant le changement de régime présentement en cours au Venezuela par la CIA, en complète contravention du droit international, le Canada ferait preuve de « doigté » pour assurer le « retour de la démocratie » grâce à sa participation au groupe de Lima, pour procurer un verni de légitimité pseudo-démocratique à cette opération proprement scandaleuse.

Tout ça serait bien risible si ça n’était pas si sérieux.

Ne reculant devant aucun effort pour diversifier ses sources, Alexandre Sirois choisit un article de sa consoeur Lysiane Gagnon pour présenter une opinion divergente.

À sa décharge, elle dresse un portrait assez juste et peu flatteur de Justin Trudeau, entouré de sa garde rapprochée pro-Ukrainienne, incarnée par la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, qui défend une position anti russe forcenée, en complète rupture avec la politique étrangère traditionnelle libérale canadienne.

Alexandre Sirois, se demande : « qui dit vrai, ceux qui estiment que le Canada est inspirant, ou ceux qui soutiennent qu'il est désespérant... »

Magnanime, il tranche : « la vérité se situe quelque part entre les deux. »

À l’entendre, le Canada est en voix de renouer avec le multilatéralisme, et serait « en train retrouver sa réputation de médiateur impartial et désintéressé (honest broker) » malgré que « Vladimir Poutine prend plaisir à tourmenter les démocraties occidentales. »

Ça n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.

Parmi ce que les médias dépeignent comme « la communauté internationale » et qui ne représente, comme toujours, que la position des pays occidentaux, il n’y a que le régime d’extrême-droite en Italie qui s’est opposé au changement de régime au Vénézuela, évitant l’endossement moral de cette violation du droit international par le parlement européen. Ailleurs dans le monde, évidemment, personne n’est dupe de cet humanitarisme larmoyant de pacotille. Il va sans dire que ça ne passe pas la rampe au conseil de sécurité de l’ONU.

En tant que citoyen, j’aurais au moins appris une chose dans cet article. On y apprend en effet que le « plus récent essai » de « l’historien » Robert Kagan  est « l'un des préférés de la ministre Chrystia Freeland, selon le magazine The Economist ».

Robert Kagan est le fondateur de Project for a new American Century, un think-thank néo-conservateur hyper belliciste dont la doctrine est la pierre angulaire idéologique de toutes les interventions américaines depuis Georges Bush père. Il n’est pas plus historien qu’Alexandre Sirois n’est astronaute, mais au moins, grâce à cet indice apparemment anodin, un lecteur averti peut mesurer le degré d’extrême dangerosité que représentent les politiques de notre ministre des affaires étrangères actuelles. Ses positions ne sont pas moins dommageables pour le Canada que celles qui avaient cours sous le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper.

J’avoue bien candidement que j’aurais espéré mieux de la part du fils de Pierre Elliot Trudeau que ces positions belliqueuses désespérées qui montrent à quel point, les satellites de l’empire américain sombrent de jour en jour, les uns après les autres, dans des degrés d’infamie de plus en plus dévastateurs.

Contrairement à ce que veut bien faire croire Alexandre Sirois, peut-être pour mieux dormir la nuit, il n y’a pas de demi-vérités qui tiennent en ces matières.