Les relations actuelles entre Cuba et les États-Unis

2019/06/17 | Par Geraldo Vivanco S.

Afin de souligner ses 25 années d'amitié et de solidarité avec la plus grande île des Antilles, la Caravane d'amitié Québec-Cuba a organisé une conférence publique au centre Le Patro le Prévost à Montréal sous le thème des relations actuelles entre les États-Unis et Cuba. Le conférencier était le révérend Luis Barrios, Portoricain, professeur universitaire et président du Conseil d'administration de IFCO Pasteurs pour la paix, groupe œcuménique fondé en 1988 en réponse aux agressions des États-Unis contre l'Amérique latine et plus particulièrement envers l'Amérique centrale. Depuis les débuts des années 90, après avoir appuyé le mouvement de libération du Nicaragua, les caravanes solidaires des Pasteurs avec leurs alliés, dont ceux du Québec, ont parcouru les États-Unis une trentaine de fois en sollicitant la solidarité de la population et traversé les frontières en défiant le blocus commercial, économique et financier en vigueur contre Cuba. Après sa conférence, le révérend Luis Barrios nous a accordé une entrevue.

 

G. V. : Quelles sont les relations actuelles entre les États-Unis et Cuba ?

L. B. : Il faut reconnaître que l'administration Trump a entrepris la plus intense campagne contre la révolution cubaine depuis son avènement en 1959. Ni Eisenhower, ni les présidents de J. F. Kennedy à Nixon, ni Reagan et les Bush n’ont été si agressifs. Aujourd'hui, cette campagne a un effet de dominos, qui implique le Venezuela et le Nicaragua principalement.

 

G. V. : Est-ce que cela représente une menace d'une nouvelle intervention de la part des États-Unis en Amérique latine ?

L. B. : Du point de vue historique, depuis le début du 19e siècle le processus de colonisation par les États-Unis se traduit par la doctrine Monroe : l'Amérique aux États-Uniens. Présentement, Trump utilise les mêmes personnages qui s'activaient à l'époque de Reagan pour recoloniser l'Amérique latine, en se servant de la pression économique et politique, mais nous n'avons pas encore vu d'actions militaires, seulement des menaces. L'administration Trump doit se rendre compte que le peuple vénézuélien va résister et ne se rendra pas si facilement.

 

G. V. : Quelle est votre opinion sur les gouvernements de droite du continent qui participent aux desseins des États-Unis ?

L. B. : L'histoire nous démontre qu'il existe une résistance des peuples même si l'oppresseur pense qu'il a les coudées franches, comme Mauricio Macri en Argentine. Cependant, il est bon de mentionner que les médias ne font pas état ni du peu d'appui politique à Macri ni de la situation économique dont souffre le peuple argentin.  Dans le cas de Jair Bolsonaro au Brésil, les médias états-uniens lui donnent leur appui. Les gouvernements du Chili et de la Colombie sont impopulaires. Haïti est sur le point de basculer, mais Trump et ses alliés se bornent à maintenir leurs protégés au pouvoir.  C’est le résultat de la colonisation. Mais à l'intérieur de chaque pays, les peuples se mobilisent et recherchent le changement. Nous l’avons vu récemment avec Hugo Chavez au Venezuela, Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie ainsi qu'au Honduras. Mais il se fomente des tentatives de coup d'État législatif, qui réussissent parfois comme c'est le cas au Venezuela, où on arrive même à choisir un président sans élections démocratiques avec l'appui de l'administration états-unienne et quelques alliés.

 

G. V. : Quel effet sur nous peuvent avoir les mesures de Trump contre Cuba ?

L. B. : L'administration Trump comprend de nombreux personnages de l'ère Reagan. Ils établissent des politiques – que même Trump ignore – qui se distinguent par un colonialisme extrême. À Miami, Trump a prononcé un discours sur le blocus contre Cuba et a annoncé l'application de l'article 3 de la loi Helms-Burton, qui permet aux ressortissants des États-Unis de récupérer les propriétés qui avaient été nationalisées par la révolution cubaine. Adoptée il y a 22 ans, cette loi n'a jamais été appliquée. On le fait aujourd'hui pour effrayer les investisseurs étrangers.

 

G. V. : Comment évaluez-vous le présent et le futur dans notre monde en convulsion ?                                                                          

L. B. : Je crois que le positif l’emporte sur le négatif. Avec notre technologie et notre grande facilité de communiquer, nous pourrions tous bien vivre. Mais la majorité des nouvelles sont négatives, ce qui donne l'impression que le monde approche de sa fin. Cela a toujours été ainsi. Les choses positives ne font pas les nouvelles. Par exemple, on pourrait rapporter que peu d'immigrants sont des délinquants et que la majorité s'intègre bien et collabore avec la société d'accueil. On ne dit rien des succès de la révolution cubaine dans les domaines de la santé et de l’éducation et de leur transmission à d'autres pays. Rien non plus sur les bourses qui sont offertes, dont certaines à des étudiants et étudiantes en provenance des États-Unis.

 

G. V. : De quelle manière pouvons-nous véhiculer ce positivisme et les bonnes nouvelles ?

L. B. : Il faut être combatif, socialiser tout le processus d'espoir et les bonnes nouvelles, car il y en a ! En ce qui me concerne, la Caravane des Pasteurs pour la paix représente une résistance à l'intérieur même du territoire des États-Unis. Nous sommes tenaces, nous sommes résolus. Il y a de l’espoir. Trois personnes de tendance socialiste ont été élues au Congrès américain. Parmi elles, une jeune musulmane qui défend la cause des Palestiniens et provoque les réactionnaires israéliens à exiger son retrait du Congrès. L'espoir réside dans ces femmes et ces jeunes. Nous devons créer les circonstances pour que surgissent la relève et un nouveau projet de vie égalitaire pour toutes et tous.

L’auteur et le traducteur de l’entrevue Sean O'Donoghue sont membres de la Caravane d'amitié Québec-Cuba.