Un test des valeurs, disponible en bilingue

2019/11/06 | Par Frédéric Lacroix

Le ministre Jolin-Barrette a donc présenté le 30 octobre dernier le fameux « test des valeurs » élaboré par son gouvernement.

Notons d’abord que la montagne accouche d’une souris : le « test » s’applique exclusivement aux candidats à l’immigration économique, ce qui veut dire qu’environ le tiers seulement des immigrants au Québec auront à le subir.

Ensuite, comme en réalité, c’est Ottawa qui dispose réellement des pouvoirs finaux en immigration et que Québec n’a pas le pouvoir d’expulser un candidat à qui Ottawa a attribué la résidence permanente (en se basant sur des critères exclusivement décidés à Ottawa, rappelons-le), le test sera donc appliqué à l’obtention du Certificat de sélection du Québec, en amont donc, de la résidence permanente.

Ce n’est pas ce qui était promis pendant les élections…  Mais ceci découle directement du carcan fédéral dans lequel nous sommes englués, carcan que la CAQ a toujours feint d’ignorer lors de l’élaboration de ses propositions électorales. Sans cependant, avouons-le, que les électeurs lui en tiennent rigueur…

Deuxièmement, nous apprenions aussi, avec stupeur et tremblement, qu’il semble que le test soit disponible en bilingue! Oui, les candidats pourront passer le « test des valeurs » en anglais! Les candidats qui choisissent le test en anglais devront donc, par exemple, répondre à la question suivante : « What is the official language of Quebec »? a) French, b) English, c) French and English, d) Spanish, French and English.

« Le médium est le message » disait Marshall McLuhan. Adaptons cela : « La langue est le message ». Permettre à un candidat à l’immigration que l’on réponde « French » à la question sur la langue officielle du Québec, c’est se tirer dans le pied. Comme niveau de dissonance cognitive, on aura rarement vu mieux.

Le seul bénéfice d’un test bidon, comme le « test de valeurs », est de passer un message. Mais comme ce message sera en bilingue/bilingual, il réduit à néant le concept du « français langue commune », concept qu’il était supposé défendre. Ce « test des valeurs » n’aura donc aucun effet structurant sur la vitalité du français au Québec.

Cela illustre cependant un fait cruel que la plupart des Québécois ne veulent pas voir (mais que les immigrants perçoivent très bien) : derrière le vernis de « français langue officielle » qui émane de la Charte de la langue française, se cache un État québécois intégralement bilingue. Il n’est pas exagéré de dire que le Québec, dans les faits, concrètement, se conforme rigoureusement, docilement, servilement à l’esprit de la Loi sur les langues officielles de Trudeau père.

Il semble donc que la CAQ n’ait pas une réelle volonté de rompre avec le carcan du bilinguisme inspiré de la Loi sur les langues officielles.

D’ailleurs, notons que la CAQ a décidé de ré-augmenter les seuils d’immigration dès 2020.

On se retrouvera donc bientôt replongés presque exactement dans la situation qui avait cours sous le Parti Libéral, où le volume excessif d’immigration était utilisé pour minoriser le Québec francophone, sauf que contrairement au PLQ qui le faisait sciemment pour augmenter son nombre de comtés sûrs dans la région métropolitaine de Montréal, la CAQ le fera à son insu, sans réaliser qu’elle met les ressources du gouvernement du Québec au service du projet de minorisation des Québécois francophones.

Il est urgent et vital que le gouvernement du Québec travaille à rehausser le statut et la vitalité du français dans la région montréalaise. Ce « test de valeurs » n’en fera rien.