COP 25 : la dernière victoire des dinosaures

2020/01/09 | Par Gérard Montpetit

L’auteur est membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain

De la conférence de Rio de Janeiro en 1992 à la COP25 de Madrid, en passant par Kyoto , il y a eu régulièrement de ces «grandes messes» censées faire le point sur le climat. Lors de la COP21 (la 21e Conférence des parties) tenue à Paris en 2015, nous avions espoir que les gouvernements de ce monde allaient mettre au point des réductions de nos émissions de GES (gaz à effet de serre) pour empêcher le réchauffement climatique de dépasser la barre de 2 degrés C. C'était une lueur d'espoir; cependant, les marchands de la mort climatique viennent de répliquer. En 2019, comme le dit Raphaël Pirro dans La Presse, la conférence «  était axée sur des aspects techniques du plan de mise en œuvre de l’accord de Paris. Depuis hier, elle est jugée comme une "occasion ratée" d’adopter des cibles et des mesures plus ambitieuses...»[i]

Pour plusieurs raisons, cet échec de la COP25 était prévisible. Tout d'abord, la conférence devait avoir lieu au Chili; des manifestations monstres dans ce pays ont obligé son transfert en Espagne à la dernière minute. Profitant de cette improvisation, les géants de l'industrie pétrolière, tels Endesa, Iberdrola, Suez, BO, Shell ou Total, sans oublier les États du Golfe, ont noyauté la conférence.[ii] «...Endesa est le principal émetteur de gaz à effet de serre en Espagne, ayant produit un peu plus de 60 millions de tonnes équivalent CO2 en 2018, selon l'ONG Corporate Accountability Watchdog. Iberdrola en a produit 24,6 millions. Chaque entreprise aurait déboursé 2 millions d'euros pour sponsoriser la COP25...».[iii] Même si le montant de la commandite par ces grands pollueurs reste à confirmer, le conflit d'intérêt est impardonnable! [iv]

En plus du syndrome du «loup comme patron de la bergerie», il y a tout l'«effet Trump». Comme l'Accord de Paris est basé sur des promesses non contraignantes de réduction des GES, pourquoi est-ce que les autres pays devraient faire des efforts supplémentaires face aux États-Unis qui se retirent de l'Accord? En pleine «guerre commerciale», est-ce que la Chine, qui émet 29% des émissions mondiales, peut se permettre de donner un avantage économique  à son rival américain en réduisant unilatéralement ses émissions?[v] Enfin, des mouvements populistes dans plusieurs pays, dont le Brésil, le «pays Trump» et le royaume du Brexit misent sur la fin de la coopération avec les autres pays; c'est la loi de la jungle qui reprend ses droits!

Nous constatons une fracture entre la conclusion de la COP25 et le consensus des scientifiques tel qu'exprimé dans les rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).[vi] Mais, malgré ce coup bas des pétrolières, il ne faut pas désespérer pour autant. En 2019, l'anxiété climatique est entrée dans la culture populaire.[vii] Cette prise de conscience a été amplifiée par le fait que 15 catastrophes naturelles ont coûté au moins un milliard de dollars chacune.[viii] Et nous observons plusieurs éléments qui indiquent que la politique climatique entre dans la psyché collective, n'en déplaise à l'élite des dinosaures. Le «Green New Deal» a fait irruption sur la scène aux États-Unis; cela veut dire que tous les candidats, même des Républicains, doivent avoir un plan environnemental. Nous voyons également que des millions d'électeurs sont au même diapason que les scientifiques. Enfin, la jeunesse prend le leadership en la matière avec comme égérie la jeune Greta Thunberg, déclarée personnalité de l'année par le magazine Time.[ix] Les millions de citoyens qui ont défilé dans les rues de Montréal et ailleurs en septembre ont ébranlé les colonnes du temple. Tout comme Sophia Mathur, des jeunes de plusieurs pays ont décidé de poursuivre les gouvernements réfractaires.[x]

Comme le dit Caroline Brouillette, d'Équiterre : «On approche un point de bascule. Plus la mobilisation climatique gagne du terrain, plus ceux·celles qui bénéficient du système actuel d’exploitation d’énergies fossiles résistent. C’est un signe qu’on est en train de gagner. Il·elle·s ont réussi à ralentir le progrès ici à la COP, mais la transition énergétique est inévitable. Il faut continuer la pression chez nous...»[xi]

La débandade de la COP25 est due au fait que quelques pays «grandes gueules» ont kidnappé le processus de négociation pour tenir le reste de la planète en otage.[xii] Malgré cette dernière victoire des lobbys, la «rue», l'ensemble de la société civile, prend note de l'urgence climatique. Les dinosaures sont voués à disparaître.[xiii]