L’échec de la COP 25 à Madrid : Un dur coup pour le climat

2020/03/23 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois

En décembre dernier, je représentais le Bloc Québécois à Madrid pour la COP 25. J’écoutais tous ces politiciens parler des efforts consentis dans leur pays pour contrer les changements climatiques. Mais, dans les faits, les négociations étaient ardues, les belles résolutions étaient chose du passé. Il est clairement apparu que les pays étaient loin d’être en voie de réaliser les engagements pris à Paris quatre ans plus tôt et qu’ils n’entendaient pas hausser leurs cibles. Cette COP fut un échec. Elle en a amené plusieurs à se demander à quoi servent ces conférences internationales sur le climat.

Il faut rappeler que c’est pour préparer ces conférences que le GIEC – le Groupe intergouvernemental sur le climat – dépose son rapport annuel. De plus, la COP est l’occasion de mettre en lumière, dans les médias du monde entier, les enjeux climatiques, les échecs et les réussites des États membres. Alors, je pense que c’est tout de même un moment important pour faire pression sur les politiciens et les gouvernements.

 

Les ateliers

En marge des négociations, il y a des centaines d’ateliers sur des sujets très variés.  On y apprend davantage sur ce qui se passe à travers la planète. C’est dans ces ateliers qu’on établit un réseau de contacts, qui nous serviront au cours de l’année.

J’y ai entendu le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, déclarer que  nous perdons actuellement la guerre contre le climat. Des mots difficiles à entendre. Mais il affirme aussi qu’on peut encore effectuer un virage pour changer le cours de l’histoire et que, si nous voulons gagner, nous ne pouvons laisser personne derrière. Il pensait particulièrement aux travailleurs de l’industrie du pétrole.

Depuis 2015, certains pays s’efforcent de créer des emplois qui s’inscrivent dans une économie verte et tournée vers l’avenir afin d’aider ces travailleurs du pétrole, qui n’ont pas à être les seuls à payer le prix de la transition énergétique. Toutefois, nous avons besoin que des pays comme les États-Unis, l’Australie et le Brésil emboîtent le pas. C’est réconfortant car, il y a quelques années à peine, une telle discussion ne pouvait avoir lieu. On avance mais, à mon avis, étant donnée l’urgence climatique, on avance trop lentement.

Il y a des moments où ce que j’apprends me laisse sans voix ou me met carrément en colère. J’ai assisté à un atelier qui se voulait un compte-rendu des engagements financiers pris par les pays, il y a dix ans à la COP de Copenhague. Les États s’étaient engagés, entre autres, à créer un Fonds vert pour le climat, qui devait atteindre 100 milliards $US en 2020. Mais, en l’absence d’énoncés clairs, les États développés ont fait ce qu’ils voulaient. Ils continuent de jouer avec les chiffres et, bien que l’engagement de Copenhague ait été renouvelé lors de chaque conférence qui a suivi, nous ne pouvons pas évaluer les contributions des différents pays, puisque ces derniers interprètent à leur façon les engagements qu’ils ont pris. 

Les panélistes ont dénoncé vigoureusement le fait qu’en l’absence de règles et du manque criant de transparence et de rigueur dans les textes des accords sur cet enjeu, les résultats étaient peu probants. Lors de la  COP 21, certains se sont penchés sur ce problème. De nouveaux engagements et des balises claires ont finalement été votés à la COP24. Malheureusement, les nouvelles directives laissent encore trop de discrétion aux pays qui ont simplement changé la méthodologie de calcul. Il devient donc impossible de comparer leur véritable contribution. Cette façon qu’ont les pays riches de contourner leurs engagements me révolte. Il n’y a pas de justice climatique dans le secteur de la finance où l’on aurait  besoin d’une Greta Thunberg.

 

Des objectifs inaccessibles ?

Quand je pense que des pays insulaires sont en voie de disparition, que certaines îles ont déjà dû évacuer et déménager leurs habitants et cela sans aucune aide financière des pays riches, qui sont les principaux responsables de la crise climatique et de la montée des océans, il y a de quoi être en colère.

Alors que plusieurs experts affirment que 2020 marquera un point de non-retour si l’on veut atteindre les cibles fixées à Paris, bon nombre de pays ne sont pas en voie de tenir leurs engagements.

Rappelons que, selon les scientifiques, tout retard au-delà de 2020 rendrait rapidement l’objectif de 1,5 °C hors de portée. Et même pour espérer limiter le réchauffement à 2°C, il faudrait réduire les émissions de 2,7 % par an de 2020 à 2030.

Lorsque je participe aux différentes COP, il est facile de prendre pleinement conscience de l’ampleur de la crise climatique et de la situation critique de plusieurs pays, des informations qui ne sont pas toujours à la une de nos médias.

Par exemple, si sept millions de personnes ont été déplacées au cours des six premiers mois de 2019 à cause d’événements météorologiques, ce nombre s’élevait à 22 millions à la fin de l’année, selon l’Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC). La cause ? Des inondations aux États-Unis, en France et en Italie, mais aussi en Espagne, au Mozambique, en Iran, en Russie et au Japon. La sécheresse au Chili, en Chine, en Inde, en Australie, au Zimbabwe, en Afrique du Sud où 45 millions de personnes risquent de souffrir de la faim et j’en passe…

La perte de la biodiversité tant marine que terrestre s’accélère. Cette détérioration va encore plus vite que les prévisions des scientifiques. La crise climatique est réelle, les différents représentants de gouvernements présents à Madrid ont beaucoup parlé de recyclage. Malheureusement, personne ne parle de réduire notre consommation, de consommer mieux et de miser sur la croissance des technologies vertes.

Nous avons pourtant tous les leviers en main pour agir, mais on dirait que personne ne veut le faire. Il y avait un fossé énorme entre les immenses manifestations qu’on voit un peu partout dans le monde et cette COP.

Les éléphants dans la pièce sont toujours les mêmes: exploitation des énergies fossiles et  subventions à ces mêmes énergies. Cela concerne directement le Canada qui, comme d’autres pays, n’est pas prêt à rehausser ses ambitions.

Nous, les représentants des partis politiques de l’opposition, ainsi que les participants issus du monde syndical, des ONG, nous voulons des engagements clairs et plus ambitieux. Les pays les prendront-ils pour la COP26 à l’automne 2020 ? Cette COP sera celle de la dernière chance.