L’art de la diversion

2020/04/06 | Par Germain Dallaire

Jeudi le 2 avril, on annonçait que 566 des quelque 2 600 milieux de vie pour aînés au Québec sont maintenant frappés par la COVID-19. Pendant ce temps à Québec, Legault bombait le torse et incitait les policiers à donner plus de contraventions. C'est ce qui a fait la une de plusieurs médias le lendemain. Selon moi, la nouvelle inquiétante du jour est l'éclosion de cas dans les ressources pour personnes âgées et, plus globalement, la prestation difficile des soins dans ces milieux comme en fait état un article du Devoir du vendredi 3 avril.

Mais voilà, François Legault et son équipe sont spécialistes dans l'art de la diversion. Parler de la situation dans les ressources, c'est plus difficile, ça les oblige à rendre des comptes comme ultimes responsables des services publics.

Depuis le début de cette crise, Legault et son équipe se spécialisent dans le fait de mettre de la pression sur la population. Ils se font moralisateurs. On se croirait revenu à l’époque de Duplessis. Ils trouvent même le moyen de sermonner le réseau de la santé. Il y a quelques jours, c'était sur l'utilisation des masques. Jeudi, c’était sur l'importance pour le réseau s’occupant des personnes âgées de garder leurs cas problématiques chez eux. Cherchez l'erreur!

Les médias quant à eux se font pigeons voyageurs. Ils relaient le message. Les journalistes sont toujours bien loquaces quand il est le temps de défendre leur liberté d'expression et de critique, mais quand c'est le temps de le faire concrètement, ils jouent plutôt aux abonnés absents, particulièrement ce temps-ci.

Cette crise fait cruellement ressortir la faiblesse de notre réseau d'hébergement et de soins pour les personnes âgées. Un réseau relevant en grande partie du privé. Elle montre crûment l'incongruité de confier une telle mission à des gens qui, en bout de ligne, sont là pour faire de l'argent.

Il ne faut pas se tromper, c’est l’ensemble des réseaux publics qui souffre de désinvestissement. Il faut le dire et le répéter : depuis quarante ans, nous vivons dans l’ère du néolibéralisme. Une doctrine dont un des principes est le désengagement de l’État visant à favoriser le secteur privé. En pleine crise sanitaire, Legault a parlé de baisses d’impôt pour favoriser la reprise économique une fois cette dernière passée. Il faut le faire !

Aujourd’hui, ce désengagement de l’État a si bien « réussi » que le serpent se mord la queue. En début de semaine, le gouvernement a annoncé l'ajout de quelques 130 millions $ dans ces entreprises et, hier, il annonçait une majoration de 4$ l'heure pour les préposés aux bénéficiaires y travaillant. Cela montre bien qu'en dernier ressort, la santé relève de la responsabilité publique. À mon avis, la conclusion s'impose: il faut nationaliser l'ensemble de ces ressources. Au cours des prochains jours, les orientations actuelles vont coûter prématurément la vie de centaines de nos ainé(e)s.