On a le droit de contester le bon Dr Arruda

2020/04/10 | Par Pierre Sormany

Hypnotisés par les prouesses médiatiques du Dr Arruda, les artistes, philosophes, intellectuels ou journalistes du Québec, chiens de garde habituels de la pensée critique, ont longtemps hésité à questionner ses propos. Nous étions en guerre. Il fallait « suivre les directives ».

Quand le Dr Arruda a dit que le port de masque, hors du système de santé, était non seulement inutile, mais même dangereux, on l’a cru sur parole. Jusqu’à ce que le directeur général de la Santé publique de Chine, George Gao, ne signe dans la revue Science une lettre affirmant le contraire. Et que plusieurs pays aient misé avec succès sur l’utilisation massive de masques, même artisanaux, pour ralentir la propagation du virus. Aurions-nous pu atténuer le rythme de contagion si nous avions incité les gens à mieux se couvrir ? Et je ne parle pas ici des fameux N-95, dont on craint une pénurie en milieu hospitalier.

Autre exemple : pourquoi a-t-on dû attendre si longtemps avant de voir les scénarios utilisés par la Santé publique, pour justifier ses recommandations au gouvernement ? Et pourquoi le Dr Arruda s’est-il opposé si longtemps à leur diffusion ? Je ne dis pas que les décisions qu’on nous a imposées sont mauvaises. Je dis que la démocratie repose sur le partage de l’information, et que les citoyens et chercheurs avaient le droit de voir les chiffres, pour juger de la pertinence des stratégies dans lesquelles on nous enrôlait. Sur ce point aussi, il a eu tort.

Et qui nous dit qu’il aura raison, quand on nous recommandera des scénarios de « retour à la normale »? Le Dr Arruda parle aujourd’hui d’imposer à tous, pendant 4 mois encore, la règle des deux mètres. Mais comment offrir dans ce contexte les services de soins personnels? Comment rouvrir les restaurants et les bars, les écoles et les bibliothèques, les musées et les salles de spectacles? Comment permettre la renaissance de notre vie culturelle et sociale? Puisqu’on connaît bien les groupes vulnérables, et qu’on sait que le masque fournit une certaine protection, ne pourrait-on pas opter pour une stratégie moins « radicale ».

Alors, je m’inquiète quand j’entends, chaque midi, M. Legault nous dire qu’il ne prendra pas ces décisions, qu’il va plutôt se fier aux experts de la santé publique. La démocratie ne doit pas être laissée au seul jugement des experts. Car il n’y a jamais qu’un seul scénario possible, et c’est aux élus qu’incombe la responsabilité de choisir, en bout de ligne.