Un cri du cœur

2020/04/14 | Par Yves Lévesque

Depuis 2007, j'ai dû contribuer, avec mes recherches, à la production d'une centaine d'articles dans les médias écrits, la télévision, le web et la radio. La grande majorité de ces recherches portaient justement sur le privé en santé.

Ces recherches ont en partie amené le gouvernement libéral de l'époque, en 2011, à faire une commission parlementaire sur le projet de Loi 16, resserrant les critères de certification dans les résidences privées pour aînés. J'ai participé, de près ou de loin, à la rédaction de 5-6 mémoires qui ont été présentés à cette commission.

Depuis ce temps, je suis régulièrement consulté sur le sujet de la privatisation par des journalistes, syndicats, chercheurs et partis politiques d'ici et du monde entier: Allemagne, France, Angleterre, États-Unis, etc. Nul n'est prophète en son pays, apparemment.

J'ai dû aider au moins une cinquantaine de personnes, au fil des ans, à trouver une résidence privée, une ressource intermédiaire ou un CHSLD, qui soit la moins pire option pour leurs parents et ami-es. Vous avez bien lu: la moins pire option. J'ai même une liste des pires; Maison Herron, Floralies LaSalle, etc., que vous apprenez tristement à connaître, sont sur cette liste. Vous allez en voir d'autres apparaître, probablement, dans les prochaines semaines.

J'ai toujours cru qu'un jour, le monde allait finir par se réveiller à propos du privé en santé, et exiger de leurs élu-es des changements de cap dans ce domaine. Freiner ou stopper le rouleau compresseur du néolibéralisme. Des fois, j'ai des lunettes roses. Mais que ça prenne une pandémie mondiale, pour que le monde se réveille, ça, personne ne pouvait le prévoir. Je ne me sens aucunement récompensé de voir des légions de journalistes faire des recherches dans des statistiques avec lesquelles je suis familier depuis 13 ans. Pas plus que je suis optimiste quant à ce soudain réveil. Une fois la crise passée, j'ai bien peur que la population ne retourne à ses émissions de télé-réalité de merde et n'oublie tout cela.

Tout ce que je sais, c'est que ma mère, qui a 80 ans, souffre d'Alzheimer, et reçoit des soins à domicile, risqués, dans une résidence pour personnes âgées autonomes, où un cas de COVID-19 est apparu cette semaine. Une mère que je ne peux voir, et qui souffre d'être seule. Une mère qui, selon les statistiques de Santé Québec, à cause de son grand âge, a 48% de chances de mourir si elle est infectée par le virus.

Alors mon sentiment à propos de cette crise? De la rage. Rage de voir que vous, Québécois, par complaisance, idéologie ou stupidité, avez ignoré les centaines de signaux d'alarme qu'ont lancé des centaines de personnes courageuses au fil des vingt dernières années à propos du privé en santé.

Rage de voir que depuis 20 ans, vous avez voté pour des partis qui sont responsables, en grande partie, de cette situation.

Je n'ai plus de lunettes roses.