Refus de traiter la plainte contre la juge Duval-Hesler

2020/04/27 | Par Frédéric Bastien

Vendredi dernier, j’ai reçu une lettre du Conseil canadien de la magistrature, suite à une plainte que j’ai déposée contre la juge Nicole Duval-Hesler, le 28 novembre 2019. Le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, l’Honorable Glenn Joyal, m’a informé qu’après le départ à la retraite de la juge en chef de la Cour d’appel du Québec, le 8 avril dernier, « il ne serait pas dans l’intérêt public de poursuivre cette plainte et, par conséquent, la plainte est suspendue de façon permanente ».

Les faits reprochés à la juge Duval-Hesler étaient pourtant accablants. La preuve s’appuyait notamment sur des enregistrements. Tous les éléments pour enquêter étaient à la disposition du Conseil de la magistrature. Or malgré cela, il a fallu presque cinq mois à l’organisme pour rendre une décision en lien avec ma plainte. Comme par hasard, celle-ci est tombée deux semaines après le départ à la retraite de la juge. Comment ne pas penser que le Conseil de la magistrature a sciemment pris son temps pour ensuite prétendre qu’il est trop tard pour entendre la cause?

Les reproches que j’ai faits à la juge soulevaient des questions importantes relativement aux comportements qui sont acceptables ou non de la part des magistrats. Tout le monde aurait gagné à ce qu’une décision vienne éclairer le débat. L’intérêt public est ici encore plus mal desservi du fait que la juge Duval-Hesler avait annoncé en pleine cour qu’elle comptait poursuivre sa carrière de juriste dans le domaine de la médiation.

Elle a fait cette remarque en s’adressant à Me Catherine McKenzie, l’avocate des plaignantes contre la loi 21. La juge Duval-Hesler disait ainsi clairement qu’elle serait heureuse d’effectuer des mandats de médiation pour le cabinet IMK, auquel est rattachée Me McKenzie. Cette remarque constituait d’ailleurs l’un des faits reprochés à la juge.

Alors que sa carrière de médiatrice s’amorce, il aurait été très pertinent pour le public de savoir si elle a, oui ou non, manqué à l’éthique dans cette affaire.

Avec cette décision le Conseil de la magistrature a défendu des intérêts corporatifs. Un juge fédéral a rendu une décision qui sert l’intérêt d’un autre juge fédéral, et ce, au détriment de l’intérêt public. Le même genre de problème se posait dans le passé au Québec quand des policiers enquêtaient sur le travail d’autres policiers, jusqu’à ce que le Bureau des enquêtes indépendantes soit créé.

Dans ce même esprit, le Conseil de la magistrature doit donc être aboli et remplacé par un organisme vraiment indépendant qui saura examiner avec rigueur et honnêteté le travail des juges fédéraux.