Des grands-parents de jeunes en péril à Montréal-Nord

2020/05/01 | Par Pierre Jasmin

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir

L’auteur est pianiste et artiste pour la paix

Le 29 avril, un collectif a lancé un cri d’alarme relayé par Le Devoir et la télé de Radio-Canada et maintenant par l’aut’journal : « Montréal-Nord est devenu dans les dernières semaines l’endroit au Québec où le nombre de cas de COVID-19 croît le plus rapidement : (…) la santé et la sécurité des personnes vulnérables de notre communauté sont plus que jamais à risque, les prochaines semaines font maintenant craindre le pire. Cette situation était prévisible. Une crise sanitaire comme celle que nous connaissons jette un éclairage plus saisissant sur les inégalités systémiques vécues par la population nord-montréalaise. Notre arrondissement se caractérise par des problèmes sociaux qui auraient dû alerter les autorités bien plus tôt : ressources insuffisantes en santé et en services sociaux, déserts alimentaires, organismes communautaires sous-financés, absence d’alternatives aux transports en commun, manque d’accès à Internet, insalubrité des logements, etc. En outre, Montréal-Nord est marqué par une densité de population exceptionnellement forte qui favorise la propagation du virus. C’est pourquoi, pendant que l’attention du Québec s’est tournée, à juste titre, vers les foyers d’éclosion dans les résidences pour aînés, la transmission communautaire s’est accélérée dans Montréal-Nord ».

Le collectif réclame :

▪ La capacité à réaliser des tests sur place.
▪ La transparence des autorités relativement aux cas de COVID-19 à Montréal-Nord.
▪ L’accélération de la mise en place de corridors sanitaires.
▪ La création de brigades d’information qui arrêteraient l’injuste distribution par le service de police de constats d’infraction qui risque d’exacerber les problèmes et les tensions dans une communauté déjà marquée par le profilage.
▪ L’atténuation de la fracture numérique : l’accès à Internet est un service essentiel.
▪ Une action immédiate dans les immeubles locatifs face aux propriétaires.
▪ La prise en considération des préoccupations et des besoins des personnes issues de la diversité et marginalisées, résidentes du quartier.
▪ Si les gouvernements dégagent des sommes gigantesques pour soutenir l’entreprise privée, une partie de ces fonds par souci de justice et d’équité doit servir à construire un plan de développement socio-économique local, par et pour la communauté.

L’artiste cinéaste Will Prosper, co-fondateur de Hoodstock, en est un des co-signataires.

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50e anniversaire de l’UQAM

Il y a un an environ, pour le premier grand événement saluant le 50e anniversaire de l’Université du Québec à Montréal, un public enthousiaste acclamait la Fantaisie chorale de Beethoven opus 80 en l’Église Saint-Jean Baptiste. La photo suivante met trop en valeur le pianiste, avec certains des solistes chanteurs, puisque comme l’indique son titre, l’œuvre impliquait bien davantage l’Orchestre de la Société Philharmonique de Montréal, le chef d’orchestre Pascal Côté, le grand Chœur UQAM, ainsi qu’issus d’un quartier appelé petit Maghreb, non loin de l’oasis de la TOHU, deux cents jeunes de Montréal-Nord de l’École François-Joseph Perreault.

Aujourd’hui inquiet de leur santé et de celle de leurs familles, j’évoque leurs doux noms: Armaghanyan, Boudiaf, Chavez-Roy, Dao Thien, Émond-Maxime, Foco, Gambini, Howlin, Kizozo-Izia, Liu, Mitojevic, N’Guyen, Oularbi-Naila, Paduano, Rivas, Sassi, Tocto-Cajavilca, Vasquez, Wang, Xie, Youssef, Zuo et près de deux cents autres…

Enseignant régulier, le jeune chef innu a su avec une discipline admirable leur inculquer un vivre-ensemble harmonieux, comme il avait su diriger le collectif de guitares à l’idéal écologique Forestare, jadis complimenté par un certain Richard Desjardins. L’occasion festive de l’an dernier saluait également le 40e anniversaire du chœur de ces jeunes émules de Beethoven. Quelle patience a démontrée Pascal Côté, dont le cheminement pédagogique exigeant leur a fait maîtriser l’œuvre musicale et sa langue du Hoch Deutsch!

Pascal Côté, chef et enseignant à l’École Joseph-François Perreault

 

Beethoven en temps de guerre et de typhus

L’an dernier, le discours musicologique suivant avait inspiré le chœur : d’ailleurs, entre la répétition et le concert, les jeunes avaient joint dans la rue une manif solidaire de leur héroïne Greta Thurnberg; j’espère que le Premier Mai leur inspirera demain des pensées de révolution sociale égalitaire!

« À l’époque sur les champs de batailles, on faisait cruellement ouvrir la marche par de jeunes tambours et fifres entraînant les soldats qui se seraient considérés comme lâches de ne pas suivre ces enfants, téméraires par inconscience, puisque décimés par la mitraille ennemie. Ici, flûte et hauts-bois ouvrent la marche non plus de la guerre mais de la paix, précédant clarinettes, bassons et cordes jouant le même rôle d’avant-garde de la paix qui ne sera gagnée qu’après une méditation en adagio, parsemée de trilles de lumières. La troisième partie illustre le chœur, précédé de solos. Beethoven aurait, à la dernière minute, subtilisé les premiers mots du poème commandé en vitesse à son ami Christopher Kuffner, pour y substituer Hört Ihr wohl (Entendez-vous bien?). Pourquoi? En double ironie, d’abord envers lui-même, déjà sourd comme un pot, puis envers généraux et aristocrates sourds à son message de paix », TELS NOS DIRIGEANTS ACTUELS SOURDS À LA SOUFFRANCE ÉCOLOGIQUE DE LA PLANÈTE qui a créé le coronavirus, selon la directrice du programme des Nations unies pour l’environnement, Inger Andersen[i].

Ce message reçu, le chœur montréalais l’a admirablement rendu en claironnant un Beethoven ressaisi de ses doutes, exprimant sa foi inébranlable en la rencontre des arts et de la fraternité universelle : son chant choral héroïque défie le contexte historique de guerre continentale pour exprimer le bonheur de la musique, comme le fera l’Hymne à la Joie de la 9e Symphonie.

Du poète Kuffner, retenons les sept vers suivants célébrant l’optimisme agissant de l’Artiste pour la Paix Ludwig van Beethoven:

Paix et joie (Fried und Freude!) s’accordent.
La nuit et la tempête deviennent lumière
et tout un chœur d'esprits retentit.
Ô vous belles âmes, acceptez de l’art
les dons remplis de joie.
Lorsque s'unissent l'amour et la force,
l'humanité se voit récompensée par la faveur des dieux.