Marguerite Blais : la ministre irresponsable des Aînées

2020/05/08 | Par Réjean Bergeron

L’auteur est essayiste et professeur de philosophie

Nous le savons tous : Marguerite Blais aime les personnes âgées, les « aînés » comme il est maintenant ridiculement convenu de les appeler. Tellement que lorsque, de 2007 à 2012, elle a été ministre responsable des Aînés sous le gouvernement libéral de Jean Charest, elle n’a pas hésité un instant à investir 293 000 dollars sur quatre ans pour embaucher des clowns dans le but de « briser l’isolement et la solitude dont souffrent plusieurs bénéficiaires »[1] dans les CHSLD. À la suite de cette annonce spectaculaire et prenant son courage à deux mains, elle a mis l’énergie nécessaire pour défendre sa « politique » audacieuse contre ceux qui l’accusaient de vouloir infantiliser les personnes âgées.

Mais pour ceux qui n’en seraient pas convaincus, voici une autre preuve que Marguerite Blais aime encore et toujours les personnes âgées. En février 2020 – c’est hier! – alors qu’elle est toujours ministre responsable des Aînés, mais cette fois sous le gouvernement caquiste de François Legault, elle n’a pas hésité, après une évaluation minutieuse de la situation, à dégager 5 millions de dollars afin de donner la chance, toujours aux résidents des CHSLD, de décorer et d’embellir leur milieu de « vie ». Qui ne rêve pas dans ces centres de changer les rideaux, d’installer une peinture murale ou encore de faire l’achat d’un aquarium, donnait-elle en exemple. Toutefois, pas question de faire du mur à mur : « On veut garder la personnalité de chaque établissement »[2], affirmait la ministre – et quelle personnalité!

Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, on se serait toutefois attendu à ce que la ministre, pourtant responsable des Aînés comme son titre l’indique, se dise responsable, du moins en partie, du sort dramatique qui touche de manière brutale les milliers de personnes âgées qui demeurent et meurent dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée. Après tout, s’il y a une personne au Québec qui est bien placée pour connaître les conditions de vie lamentable de « nos aînés », qu’on aime tellement, c’est bien Marguerite Blais. N’a-t-elle pas mené une consultation publique sur les aînés lors de son premier mandat en politique?

Mais non, la responsabilité est collective a-t-elle affirmé à Marie-Michèle Sioui du Devoir, ajoutant, toujours dans le même article du 2 mai, que ces événements tragiques devront nous obliger à « refaire un examen de conscience collectif ».[3] Quel drôle de façon de s’en laver les mains, de ne prendre aucun blâme, de ne pas avoir à répondre, non pas de ses actes, mais de son inaction. Car la question se pose : qu’a fait la ministre Blais pendant toutes ces années, alors qu’elle était au pouvoir, pour changer la situation dans les CHSLD, pour améliorer le sort lamentable de toutes ces personnes qui y survivaient de peine et de misère?

Le 5 mai, alors qu’elle accompagnait François Legault et le Dr Arruda en point de presse, elle n’a pas eu le choix. Probablement poussée dans le dos par un proche conseiller du premier ministre, Marguerite Blais a finalement, du bout des lèvres, fait un léger acte de contrition : « Le premier ministre s’est excusé au nom du gouvernement, je suis membre du gouvernement et je prends ma part de responsabilité »[4], a-t-elle affirmé. Est-ce suffisant pour passer l’éponge ? Absolument pas. L’état de négligence dans lequel ont été maintenus les centres pour personnes âgées pendant ses différents mandats soulève une foule de questions en ce qui a trait à ses capacités à occuper ce poste.

Ainsi, face à cette tragédie qui touche les personnes âgées et leurs proches, de deux choses l’une : soit la ministre Marguerite Blais démissionne sur-le-champ suite à un sursaut d’orgueil et de lucidité, soit le premier ministre François Legault s’empresse de modifier le titre actuel de ses fonctions en celui de ministre irresponsable des Aînés, irresponsable dans le sens de celle, comme nous l’indique le dictionnaire, qui n’a pas à répondre de ses actes, jamais au grand jamais!

Dans les semaines, les mois et les années à venir, le Québec aura plus que jamais besoin au poste qu’occupe encore Marguerite Blais d’une personne qui, en plus d’aimer les aînés, aura les capacités de bien lire et comprendre la situation des personnes âgées et en perte d’autonomie, de proposer des solutions et surtout d’assumer ses responsabilités au lieu de s’en soustraire à l’aide de paroles empathiques et doucereuses qui ont pour fonction de cacher l’incompétence de celle qui les prononce.