Les 101 idées pour la relance

2020/09/22 | Par Catherine Morency

L’auteure est , ing., Ph.D., professeure à Polytechnique Montréal, Titulaire de la Chaire Mobilité et membre du regroupement Des Universitaires (https://desuniversitaires.org/)

Après avoir enclenché la reconfiguration spatio-temporelle des systèmes d’activités et s’être activé à contracter la ville, il faut transférer les déplacements faits en auto-solo vers des modes de transport plus sobres.

Phase 2. Les réseaux routiers font piètre figure d’un point de vue optimisation : véhicules privés pratiquement vides (< 1,2 personne par automobile en pointe1), capacité mal utilisée (si on tient compte des sièges vides, le taux d’utilisation de grands corridors de transport montréalais est sous les 10%[1]), priorisation des modes les moins efficaces sur les emprises publiques (la capacité de transport des personnes offerte par une voie dédiée à l’auto-solo est moindre que celle dédiée au transport en commun, au vélo ou même à la marche[2]), abondance d’espaces de stationnement gratuits.

Face à une mobilité plutôt désorganisée, où chacun détermine ses comportements, il est essentiel que les conditions d’usage des différents modes de transport incitent les voyageurs à faire des choix qui tiennent compte des impacts globaux : GES, sécurité, polluants, santé publique, utilisation des ressources, étalement urbain, congestion, équité. Il faut favoriser le recours à des modes de transport plus efficients en rendant les alternatives plus compétitives, efficaces, confortables, abordables et accessibles par rapport à l’auto-solo. Et il doit y avoir plusieurs options pour répondre aux besoins de tous les segments de population et types de déplacements. Cette diversité est essentielle pour affranchir les citoyens de la nécessité de posséder un, deux voire plus de véhicules privés.

Rendre les alternatives à l’auto-solo plus attractives

Il existe plusieurs alternatives à l’automobile privée: la marche, le vélo, les modes partagés, le transport à la demande et le transport en commun, colonne vertébrale des alternatives à l’auto-solo. Celles-ci doivent devenir des alternatives de choix pour plus de déplacements et plus de personnes. Dans les régions métropolitaines du Québec, entre 20-24% des déplacements quotidiens pourraient se faire à pied ou à vélo[3]. Pour engendrer un transfert modal, il faut offrir des infrastructures piétonnes et cyclables sécuritaires, efficaces et confortables pour tous les segments de population (incluant enfants, personnes âgées et à mobilité réduite). Quant au transport en commun, qui a une capacité de transport nettement plus élevée que la voie dédiée à l’auto-solo, il est urgent qu’on le sorte de la congestion et qu’on lui offre des conditions d’opération dignes d’un pays développé.
 

Rendre l’auto-solo moins attractive

Notre territoire s’est construit pour et autour de l’automobile. Tellement que les autres usagers se sentent souvent « de trop ». Remettre l’automobile au niveau hiérarchique approprié et favoriser l’adoption de comportements plus durables, individuellement et collectivement, exige de : 1) procéder au rééquilibrage équitable des espaces-temps urbains (à Montréal, moins de 0.5% de la voirie est dédiée au transport en commun exclusif alors que la voiture stationnée bénéficie de 30% de ce même espace[4]) et réduire les débits et vitesses de circulation, principaux facteurs de risques d’accidents de la route, 2) flexibiliser le financement des municipalités pour les inciter à adopter de meilleures pratiques de développement urbain et réduire les distorsions métropolitaines, 3) ajuster les coûts et conditions d’utilisation de l’automobile (surtaxe gros véhicules, taxes kilométrique, offre de stationnement) pour rééquilibrer l’arbitrage entre les coûts de transport et d’habitation et internaliser la valeur économique des impacts négatifs générés par son usage.

Phase 3. Pour tous les déplacements en automobile privée sans alternative viable, il faut travailler à améliorer le bilan (énergétique, GES, santé, équité, etc.) de chaque kilomètre parcouru.

Changer les conditions de déplacement

Le niveau de consommation énergétique varie en fonction de plusieurs facteurs : température (démarrage à froid, climatisation), état de la chaussée, pente, type de véhicule, vitesse, comportement de conduite. Conduire en congestion implique une plus grande consommation d’essence (et donc plus de GES) par kilomètre parcouru en raison des accélérations et décélérations fréquentes. Reporter des déplacements hors des pointes et améliorer la fluidité (à ne pas confondre avec vitesse car on peut très bien avoir une fluidité lente) contribue à réduire l’empreinte des kilomètres motorisés.
 

Favoriser les véhicules écoénergétiques de petite taille

En ne gérant pas la flotte de véhicules, le Québec a manqué une belle occasion de réduire ses émissions de GES. Il faut tarifer l’achat de véhicules ayant une plus forte consommation énergétique, mais aussi ceux de plus grande taille, car ils contribuent davantage à la congestion; une estimation a permis de montrer la différence de temps de déplacement sur un tronçon congestionné de 5 kilomètres : si tout le monde conduisait une Smart Fortwo, cela prendrait 3,7 minutes, alors que si tout le monde conduisait une Ford Expedition, cela prendrait 12,7 minutes! Qu’elle soit à essence ou électrique, l‘automobile a une empreinte écologique et contribue à encombrer les réseaux, tant en mouvement que stationnée. Et, comme on dit, « faudrait bien arrêter d’investir dans le problème… » en cessant de financer l’achat de véhicules privés.

Finalement, certaines règles d’or devraient être respectées dans le choix des stratégies à mettre en place: 1) être adaptées pour tous les segments de la population (jeunes, personnes âgées, avec limitations, etc.), 2) couvrir tous les besoins de déplacements (travail, loisir, longue distance, etc.), 3) être accessibles économiquement, 4) être cohérentes avec les autres cibles collectives et 5) donner priorité aux impacts collectifs.