Des indépendantistes qui ne voient que les arbres qui cachent la forêt !

2020/10/13 | Par Renaud Lapierre

L’auteur est ex-haut fonctionnaire et homme d’affaires

Quand comprendrons-nous, nous les souverainistes, que l’évolution du peuple québécois vers le choix de son propre pays pourrait prendre un chemin différent que celui de la sempiternelle victoire d’un référendum provoqué par un gouvernement élu, du Parti québécois ou de tout autre parti indépendantiste ?

Notre peuple bien installé dans le confort (et l’indifférence) d’un système fédéral sournois pourrait vraisemblablement évoluer plus rapidement vers un pays si nous nous battions pour augmenter progressivement les pouvoirs et l’assiette fiscale du Québec, tout en confiant la démarche et le moment d’un futur référendum aux citoyens (en modifiant la loi des référendums pour permettre le référendum populaire).

Comme l’histoire récente du Québec permet de l’illustrer, au lieu de laisser passer des occasions uniques de faire avancer l’autonomie du Québec, n’y a-t-il pas meilleur moment pour démontrer cela au sein même de cette pernicieuse pandémie ? Que font en effet nos leaders souverainistes tous partis confondus ? Les yeux fermés, ils appuient la démarche de la CAQ pour rendre un peu plus dépendant le Québec du fédéral en souhaitant ardemment des augmentations de transferts fédéraux en santé plutôt que de faire la vraie bataille d’autonomie du Québec et d’exiger des transferts de points d’impôt.

Leaders souverainistes, soyez au moins cohérents ! La situation actuelle montre de façon plus flagrante que jamais une des failles majeures du système fédéral, le partage de l’assiette fiscale : les responsabilités aux provinces, l’argent au fédéral ! Les citoyens du Québec peuvent comprendre cela ! Bien qu’il ne défende pas de la même manière l’autonomie du Québec qu’un indépendantiste devrait le faire, François Legault, lui, au moins leur explique son approche en accord avec son choix du Québec dans le système fédéral. Bref, il fait malheureusement une bataille fédérale avec sa logique.

Nos leaders dits indépendantistes ne voient, nous semble-t-il, que les arbres qui cachent la forêt, et rien d’autre. En fait, revenons à l’histoire récente du Québec pour démontrer comment à maintes reprises un gouvernement en place s’il avait adopté la stratégie proposée, axée sur l’augmentation des pouvoirs et de l’assiette fiscale du Québec et le référendum populaire en appui, aurait bénéficié d’un rapport de force avec le fédéral permettant de négocier dans le sens évoqué.

Nous ne choisissons que trois exemples d’occasions ratées. Le premier, lorsqu’au retour de René Lévesque de la nuit des longs couteaux le fédéral nous impose une constitution à laquelle nous n’avons jamais adhéré, mais que nous acceptons tout de même d’appliquer ; le deuxième, quand Robert Bourassa, alors premier ministre, après le référendum sur Meech, nous déclare sa fameuse phrase sans y donner suite ; troisième et dernier exemple, il s’agit sans doute d’une situation encore plus évidente, après le référendum de 1995 dont la victoire finale du non fut illégalement obtenue par le pouvoir fédéral, lorsque Lucien Bouchard, ignorant ce rapport de force, plonge aveuglément dans le redressement du déficit du Québec.

Nous adjurons nos leaders dits indépendantistes de s’entendre d’abord ensemble par simple souci d’être crédibles et ensuite, de cesser de penser que par la seule magie de la voie unique d’un référendum gouvernemental gagnant les Québécois mériteront leur pays. Au contraire, soyons plus stratégiques et profitons des occasions de les faire évoluer vers plus d’autonomie et donnons-leur l’outil pour déclencher un référendum au bon moment vers le pays.

Pour l’heure, en temps de pandémie, il est urgent qu’ils soient à l’avant-scène de la bataille indispensable du transfert de points d’impôt pour ne pas rendre le Québec financièrement encore plus dépendant du fédéral, donnant ainsi aux Québécois le goût d’un peu plus d’autonomie. Nous ne connaissons aucun peuple qui goûtant à plus d’autonomie voudrait revenir en arrière et qui ne souhaite pas en son for intérieur en avoir plus. Et surtout, ne nous dites pas que nos propos ne sont pas indépendantistes.