Le Chili prêt pour un changement

2020/10/23 | Par Geraldo Vivanco

Les mobilisations qui se succèdent au Chili depuis la mi-octobre 2019 sont beaucoup plus que les images de violence provoquée par des groupes «antisystèmes» comme veulent le démontrer les grands médias d’information.

Originaire du Chili et installé au Québec depuis plus de 30 ans, sachant ce que signifie un coup d’État et ses conséquences, surtout sur les droits humains, j’aimerais profiter de cet espace pour vous expliquer une peu les raisons pour lesquelles le Chili s’est réveillé depuis un an.

Les manifestants qui descendent dans les rues sont des personnes ordinaires, souvent issues de la classe moyenne précarisée, des étudiants, des artistes, des professionnels, des membres de collectifs féministes, de premières nations, des sympathisants de mouvements environnementalistes et autres.

Toutes ces personnes représentent la majorité du peuple qui ressent un malaise profond, caché voire réprimé, en raison des grandes inégalités sociales qui ne privilégient que quelques-uns.

Nombreux sont ceux qui ont décrit le Chili comme un modèle économique hérité de la dictature militaire et, de fait, les revenus per capita y sont les plus élevés d’Amérique latine.

Toutefois, malgré ces revenus, beaucoup de familles doivent s’endetter pour avoir accès aux services de base tels que l’éducation, qui est grandement privatisée; le système de santé mixte, grandement privatisé aussi; un régime privé obligatoire des retraites basé sur l’épargne individuelle qui profite aux hauts salariés et qui cause l’endettement de 70% des ménages chiliens.

Depuis l’époque de la dictature, l’État a mis sur pied un marché où l’on peut vendre, acheter, hypothéquer l’eau, c’est-à-dire, les rivières, les lacs, les glaciers, la mer et l’eau potable domestique. Toutes ces ressources sont maintenant aux mains des grandes entreprises minières, forestières, agricoles, etc. allant même jusqu’à priver d’eau des communautés entières. Le droit à l’eau n’est donc plus garanti dans ce pays.

Pour maintenir en place ce système économique, le Chili a choisi d’hypothéquer les droits humains. Au lendemain de ce qu’il est convenu d’appeler l’éclatement social déclenché par les étudiants, soit le 19 octobre 2019, l’État a décrété l’état d’urgence et sorti les militaires, les policiers antiémeutes, appliquant la vieille doctrine de la Sécurité Nationale, qui permet les détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements de tout acabit contre la population.

Cela a provoqué la pire crise de droits humains au Chili. Des rapports produits par six différentes organisations internationales de droits humains ont dénoncé des cas de bombes lacrymogènes lancées dans les quartiers populaires, des cas de nudité forcée lors de détentions, des morts non-déclarées et suspectes, de jeunes mutilés par des balles de caoutchouc leur faisant perdre la vue, de 2500 prisonniers de la révolte sociale détenus sans accusation ou jugement et de mises en scène par les forces policières pour accuser les manifestants et justifier la violence.

Ce sont tous ces choix de l’État chilien, toutes ces injustices, qui ont amené la majorité du peuple à descendre dans les rues pour exiger un nouveau pacte social. Malgré les crises politique, sociale, économique et sanitaire auxquels il est confronté, le peuple s’est mobilisé.

Le dimanche 25 octobre, se tiendra un référendum pour déterminer si les Chiliens souhaitent changer la constitution en vigueur depuis l’époque de la dictature. On espère que la majorité votera en faveur d’une nouvelle constitution. Pour le peuple toutefois, il reste de nombreuses batailles pour vaincre le pouvoir politico-entrepreneurial et arriver à rédiger une nouvelle constitution qui permettra d’éliminer les lois inscrites dans la constitution actuelle qui empêchent la venue d’un système réellement démocratique pour la grande majorité des Chiliens.