Sweet sixteen : l’occasion de boycotter Mondoux

2020/10/29 | Par Jean-François Vallée

En attente à la caisse d’un Wal-Mart, BMR, Canadian Tire, IGA ou Metro près de chez vous, vous serez immanquablement assailli par un des présentoirs de la confiserie Mondoux, qui a tout misé sur son produit vedette : le «Sweet Sixteen».

À première vue, on pourrait se dire : voilà un produit d’une compagnie américaine peu soucieuse du visage français du Québec. Erreur : c’est une compagnie bien québécoise, sise à Laval.

Les concepteurs à l’origine de ce choix expliquent qu’il s’agit simplement d’une mise en évidence d’un produit baptisé ainsi dès la fondation la compagnie, il y a 50 ans, et qu’à ce titre il fait partie de «l’ADN de l’entreprise». Enfin, ils nous invitent à garder le sourire parce que, disent-ils, leur «but ultime est toujours et simplement de semer la joie». En attendant, ils nous invitent à avaler leur logo «sweet sixteen» dès l’accueil du site internet, dans leur signature visuelle corporative, à pleins présentoirs, bref : partout où ça saute aux yeux.

Moi je veux bien garder le sourire, mais j’ai besoin d’aide : qu’on tienne compte de la sensibilité linguistique des francophones m’aiderait à tendre les bras avec enthousiasme vers ces sucreries pour en gorger mon panier d'Halloween. Au contraire, Mondoux semble oublier que pendant des siècles, le français était complètement exclu de l’affichage commercial, des affaires, de la publicité. Qu’il aura fallu affirmer par la force de la loi ce qui, partout ailleurs en Amérique, tient de l’évidence : le consommateur doit se reconnaître dans la langue des produits qu’il achète. La simple présence du français dans le commerce est donc le fruit d’un combat séculaire.

De cela, la confiserie Mondoux n’en a rien à cirer : elle a tout misé sur son produit chéri, avec une expression peu connue des francophones, mais dont l’emploi est doublement justifié, disent-ils, parce que «vous savez, nous distribuons aussi nos produits au Canada anglais». Ahhhhh! Le chat sort du sac : les anglophones, eux, ont un droit supérieur à être séduits par des expressions bien de chez eux, dans leur langue !

Deux poids, deux mesures : aux francophones seulement l’obligation des inférieurs de plier, de consentir l’effacement de leur idiome. C’est ce qu’on appelle un réflexe de colonisé… Le colonisé est fier de cacher sa langue, qu’il juge indigne de paraitre aux yeux du colonisateur (ou du majoritaire), et accepte même qu’elle soit reléguée à la sphère privée, puisqu’il en a un peu honte.

Puisque Confiserie Mondoux a choisi de ne pas s’adresser à moi dans ma langue, il ne me reste qu’à éviter de financer ce choix et de m’approvisionner ailleurs en bonbons pour l’Halloween. Avec regret cependant : je priorise presque toujours l’achat local. Mais la cause du français lui est à mes yeux supérieure.

J’invite d’ailleurs mes compatriotes à me joindre au son d’un cri de ralliement bien anglais : boycott!