Santé mentale: L’État doit cesser d’exploiter le réseau communautaire

2020/11/23 | Par Collectif

Sonia Ethier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Laurie Boivin, présidente du Syndicat du personnel de PECH (Programme d'encadrement clinique et d'hébergement)
Julie Brosseau, présidente du Syndicat des intervenantes et intervenants de la Maison sous les arbres
Juan-José Fernandez, président du Syndicat du personnel des organismes communautaires (SPOC-CSQ)
Bianca Lachance, présidente de la Fédération des syndicats de l’action collective (FSAC-CSQ)

 

La pandémie générée par la COVID-19 est en train de mettre en lumière une grave injustice qui dure depuis trop longtemps au Québec : l’exploitation éhontée, par le gouvernement, des intervenantes et intervenants en santé mentale provenant du réseau communautaire.

En effet, au moment même où le Québec traverse une crise sanitaire qui augmente de plus en plus le niveau de stress et d’anxiété au sein de la population, le gouvernement Legault s’entête à traiter inéquitablement les intervenants en santé mentale du réseau communautaire. Un manque de reconnaissance impardonnable pour des travailleuses et des travailleurs si précieux dans les temps particulièrement difficiles que nous traversons.

 

Des économies sur le dos de la santé mentale

Les chiffres ne mentent pas. En n'ayant droit qu’à 6 % des dépenses de programmes du ministère de la Santé et des Services sociaux, la santé mentale est l’un des parents pauvres de notre système de santé public. C’est bien peu pour un secteur qui représente pourtant le quart de l’ensemble des problèmes de santé de la population, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En fait, depuis des années, le gouvernement du Québec fait des économies sur le dos de la santé mentale. Plutôt que d’assumer ses responsabilités dans ce domaine névralgique, il s’en est dégagé en les transférant au secteur communautaire sans l’assurer en retour de pouvoir compter sur l’ensemble du financement et des ressources nécessaires pour relever un tel défi.

L’État s’est déchargé d’une mission aussi cruciale sur les épaules d’organismes communautaires dont le financement déjà insuffisant n’est pas même récurrent. En plus d’envoyer ces gens au front sans les armer convenablement, on les oblige à s’embourber dans la paperasserie pour quémander, projet par projet, leur financement. Comme s’ils avaient du temps à perdre…

 

Un État qui exploite ses propres intervenantes et intervenants

L’exploitation organisée du gouvernement ne s’arrête pas là. Elle s’étend également aux intervenantes et aux intervenants en santé mentale de ce réseau communautaire. En effet, est-il normal qu’à travail égal et formation égale, un intervenant du communautaire gagne un salaire environ 30 % inférieur à un intervenant dans le réseau? Se pourrait-il que cette iniquité salariale explique en bonne partie pourquoi il est si difficile pour le réseau communautaire de recruter du personnel?

Et que dire du refus du ministère de la Santé et des Services sociaux d’accorder la prime COVID-19 à ces travailleuses et à des travailleurs de première ligne? Pourtant, ils courent les mêmes risques pour leur santé que leurs collègues du réseau public avec qui ils travaillent jour après jour. Est-ce normal que, dans un même bureau où tous interviennent en santé mentale, nous retrouvions des gens qui bénéficient d’une prime COVID-19 et d'autres non? Sans aucune autre raison que le fait qu’ils sont à l’emploi d’un organisme communautaire, ces travailleuses et ces travailleurs sont doublement pénalisés en touchant un salaire moindre et en étant privés d’une prime versée à leurs confrères du réseau public.

Une exploitation aussi honteuse doit cesser. Il est plus que temps que les intervenantes et les intervenants en santé mentale du réseau communautaire obtiennent le respect et la pleine reconnaissance qui leur revient de droit. Et cela doit dépasser les belles paroles qui ne coûtent rien et se traduire par des salaires à la hauteur du réseau public, avec le versement des mêmes primes.

 

Une stratégie gouvernementale honteuse

Les terribles événements vécus récemment à Québec, le soir de l’Halloween, ont démontré à quel point le travail accompli sur le terrain par ces professionnels en santé mentale est essentiel. Le maire Régis Labeaume a d’ailleurs exprimé ses vives préoccupations devant la hausse grandissante des besoins en santé mentale.

Du côté du gouvernement caquiste, le premier ministre François Legault se disait « sans mots », la vice-première ministre Geneviève Guilbault se disait dévastée, alors que le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, tentait de rassurer la population en soutenant que son gouvernement augmenterait les ressources en santé mentale. Mais ni l’un ni l’autre ne s’est engagé à mettre fin à l’exploitation perpétuelle et sans gêne du réseau communautaire en santé mentale. Exploitation qui affecte pourtant directement les capacités d’intervention du réseau et de ses intervenantes et intervenants.

Pendant que les besoins en santé mentale risquent d’augmenter à la vitesse grand V à cause de la pandémie, la stratégie d’intervention du gouvernement Legault se limite à proposer d’augmenter les ressources. En d’autres mots, on augmentera le nombre d’intervenantes et d'intervenants sous-payés et exploités. François Legault et son gouvernement devraient avoir honte.