Ottawa veut déployer de petits réacteurs modulaires nucléaires

2020/11/26 | Par Monique Pauzé et coll.

Monique Pauzé et coll.

Le 18 novembre dernier, le ministre des Ressources naturelles M. O’Reagan devait annoncer un plan d’action pour le déploiement des Petits réacteurs modulaires nucléaires, les PRM.  Mais ce n’est que partie remise. Le gouvernement fédéral a bien l’intention de mettre les PRM parmi les énergies qui lui permettront d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Déjà, le 15 octobre dernier, il annonçait 20 millions à Terrestrial Energy pour le déploiement des PRM.

Nous sommes à un moment charnière pour entreprendre une relance économique dans cette ère de crise sanitaire. La crise environnementale est aussi bien réelle et dramatique. Les mesures mises de l’avant pour la crise sanitaire afin d’aider la population et les entreprises font globalement consensus. Cependant, les mesures pour contrer la crise environnementale et climatique ne font même pas l’objet de discussions. Des décisions non judicieuses sont prises suite à des consultations passées rapidement sous le radar alors que les citoyennes et citoyens sont confinés ou que leur attention est détournée vers leur santé et leurs finances.

Pendant ce temps, des lobbyistes de l’industrie nucléaire, avides de profit,  font valoir leur point de vue aisément auprès du gouvernement et des différents ministres sans tenir compte du danger terrible des déchets radioactifs. Les groupes représentant les inquiétudes et les intérêts des citoyennes et citoyens n’ont malheureusement pas cet accès privilégié. Les documents sont difficiles d’accès, les échéances trop courtes. Le ministre des Ressources naturelles Canada refuse carrément de les rencontrer et d’entendre de vive voix leur point de vue bien légitime. Les citoyens ont pourtant des solutions concrètes à proposer.

Un bon exemple de cela, ce sont les nombreuses interventions des promoteurs de l’industrie nucléaire qui ont convaincu le ministère des Ressources naturelles Canada d’annoncer un plan d’action canadien pour le déploiement de petits réacteurs modulaires nucléaires, technologie nouvelle et non éprouvée.

Nous sommes très inquiets de la volonté clairement manifestée par le gouvernement de supporter cette filière. Le principal objectif n’est-il pas de lutter efficacement contre le réchauffement climatique sans créer un immense problème avec les déchets radioactifs, dont le plutonium ?

L’énergie nucléaire n’est ni verte, ni propre, ni rentable, ni sécuritaire, ni respectueuse des Premières Nations. Elle se développe sans débat public avec le soutien inacceptable du gouvernement qui devrait protéger la population canadienne.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas de l’énergie verte : une étude de l’Université du Sussex échelonnée sur 25 ans démontre que les pays qui ont tenté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre grâce au nucléaire échouent systématiquement. Dans l’Union européenne, l’énergie nucléaire n’a pas obtenu l’accréditation d’énergie verte. Donc, les petits réacteurs modulaires nucléaires n’ont aucune place dans la lutte aux changements climatiques.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas de l’énergie propre : les déchets radioactifs actuels sont entreposés de façon temporaire dans des contenants blindés jusqu’à ce qu’on développe une façon de les isoler de la biosphère pour des centaines de milliers d’années. À cause de ces mauvaises décisions, le gouvernement fédéral va encourager la prolifération des déchets radioactifs de forte intensité, comme le plutonium, alors qu’il n’y a pas encore de plan concret pour gérer ceux que le pays produit déjà. Et sans parler du transport des déchets radioactifs qui est une réelle préoccupation dans l’opinion publique.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas rentables : le prix de leur développement est nettement supérieur à celui des énergies renouvelables. Une étude canadienne révélait dernièrement que l’énergie provenant de ces petits réacteurs coûterait presque 10 fois plus cher que les énergies renouvelables que sont, par exemple, le solaire et l’éolien. C’est donc fiscalement irresponsable que de favoriser le déploiement de ces petits réacteurs en prenant l’argent des contribuables.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas sécuritaires. Il y a des risques sérieux d’accidents, de contaminations des nappes phréatiques et de l’eau potable qui doivent être envisagés sérieusement. Les déchets générés demeureront des risques pour la santé publique et pour tous les organismes vivants, et ce, pendant des centaines de milliers d’années.

Les préoccupations de protection de la santé publique doivent être prioritaires plutôt que celles moralement inacceptables de la promotion de l’énergie nucléaire. D’ailleurs, même l’Agence internationale de l’énergie atomique émet des réserves quant à d’éventuelles problématiques de sécurité associée à ces petits réacteurs.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas respectueux des Premières nations : ces réacteurs seraient déployés dans des collectivités nordiques là où les écosystèmes sont les plus fragiles et importants pour la planète. Plusieurs nations s’y opposent : les Algonquins, les Premières nations de l’Ontario, l’Assemblée des Premières nations par la voix de Perry Bellegarde. Le gouvernement canadien qui prétend faire un virage écologique et être respectueux des Premières nations ne perd-il pas toute crédibilité dans un tel contexte de décisions dangereuses ?

Les petits réacteurs modulaires se développent hors de tout débat public : ils sont dorénavant exclus de la Loi d’évaluation des impacts (pour ceux qui génèrent moins de 200 MW et c’est la plupart d’entre eux). Ceci signifie que ni le public ni les autochtones ne peuvent contribuer à un nécessaire débat transparent sur cette importante question.

Les élus du Bloc québécois prennent position sans équivoque contre le fait de prendre l’argent des Québécois pour développer une filière nucléaire alors que le fédéral pourrait soutenir le recours aux vraies énergies vertes du Québec, d’autant plus que nous avons mis fin au nucléaire en 2012.

Nous invitons les ministres du gouvernement fédéral à s’interroger sérieusement sur les besoins réels du pays, soit la consommation d’énergie, le développement des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique, sur le riche potentiel d’emplois dans un développement économique plus régional et favorisant l’environnement.

Monique Pauzé Députée de Repentigny Porte-parole du Bloc Québécois en matière d’environnement

Ainsi que les députés-es du Bloc Québécois
Mme Sylvie Bérubé, députée d’Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou
M. Luc Thériault, député de Montcalm
Mme Kristina Michaud, députée d’Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia
M. Sébastien Lemire, député d’Abitibi – Témiscamingue
M. Mario Simard, député de Jonquière
M. Gabriel Ste-Marie, député de Joliette
M. Xavier Barsalou-Duval, Pierre-Boucher—Les Patriotes—Verchères