Les coins ronds de Mathieu Bock-Côté, propagandiste de droite

2020/12/08 | Par Robin Philpot

Tout le monde parle de Mathieu Bock-Côté à Tout le monde en parle. Les uns en l’idolâtrant, les autres en le maudissant. 

Or, il faut le prendre comme il est : un bon propagandiste d’une idéologie de droite, qui est aussi, par ailleurs, souverainiste. Il possède aussi le don de confondre les deux et jouit de grandes tribunes médiatiques lui permettant de semer cette confusion partout où il va, de sorte qu’une réaction épidermique se produise qui va dans les sens de : Si c’est comme ça la souveraineté, je n’en veux pas.  

Ajoutons qu’il fait plutôt dans le « shadow-boxing » faute d’avoir un de vis-à-vis de gauche souverainiste capable de lui tenir tête.

Quand, à TLMEP, il dit que lui, comme tout le monde est contre le racisme et que c’est comme la tarte aux pommes, il le banalise. Si tout le monde est contre, pourquoi il y a tant de plaintes et de manifestations? Pourquoi tant de rapports sur le profilage, sur la brutalité policière, provenant des victimes de racisme. En fait, sa prestation rappelle tous ces bien-pensants anglo-canadiens de jadis qui répondaient aux revendications québécoises justes, claires et nettes de la révolution (pas si tranquille) en se lamentant, « What does Quebec want » ou en vantant l’élection d’un premier ministre canadien français, Pierre Trudeau, ou la loi sur les langues officielles.

En banalisant le racisme, il dévalue en même temps sa propre défense, éloquente, de l’histoire québécoise et son refus de la voir réduite à une histoire de colons blancs suprémacistes. Aussi, en le banalisant il éloigne de la cause souverainiste, qu’il prétend défendre, des milliers de personnes qui subissent le racisme ou qui connaissent et aiment les gens qui en subissent.

Pas innocent non plus ses choix de mots. Il saupoudre ses interventions de mot chargés comme « lynchage » et « meute lyncheuse », « à genoux », « hystérique et hystérisé ».

Avec « lynchage », il assimile sans broncher la situation de gens qui sont vivement critiqués pour leurs propos aux victimes pourchassées et pendues par de vraies meutes lyncheuses, notamment aux États-Unis. Avec « À genoux, à genoux », qui est aussi le titre d’une chronique du 8 juin 2020 dans le JdeM, au lendemain de la manifestation monstre contre le racisme à Montréal et à la suite du meurtre de George Floyd, il transforme le geste de révolte de Colin Kapaernick, ce joueur de football qui refusait de se lever pour le Star Spangled Banner, en un geste de soumission.

Comme la plupart de la presse de droite, M. Bock-Côté a qualifié les grandes manifestations contre le racisme d’« émeutes » (JdeM, 30 mai 2020).

En utilisant les mots « hystérique et hystérisé » pour décrire nos débats publics, qu’on a pu entendre à TLMEP, il envoie paître les féministes, qui, avec raison, considèrent ces termes dégradants.

Comme tout propagandiste de droite, Mathieu Bock-Côté tourne les coins ronds en façonnant l’histoire pour se conformer à son idéologie. À titre d’exemple, en refusant de reconnaître le racisme au Québec, il a écrit : « Les Noirs du Québec sont arrivés ici à partir des années 1960-1970, essentiellement. Leurs enfants ne sont pas des descendants d’esclaves, mais des descendants d’immigrés et de réfugiés à qui la société québécoise, qui sait accueillir généreusement, a ouvert les bras » (JdeM, 30 mai 2020). Ah bon, les Québécois d’origine haïtienne ne sont pas descendants d’esclaves, et ceux et celles du Martinique, du Guadeloupe, du Brésil, de la Jamaïque, du Venezuela… ? Voilà un pan d’histoire que Mathieu Bock-Côté aurait intérêt à étudier.

Se réclamant toujours d’une « civilisation occidentale » qu’il ne définit pas, il tonne « Ce qui distingue la civilisation occidentale, c’est de l’avoir aboli [l’esclavage]. » (JdeM, 17 juin 2020). Erreur! Les Haïtiens l’ont aboli. Quand les Jacobins l’ont aboli, les Haïtiens l’ont pris au sérieux, et lorsque la France l’a rétabli pour maintenir ses colonies, les Haïtiens ont expulsé la France.

En Amérique du nord, ce n’est ni les Américains, ni les Britanniques qui l’ont aboli en premier, mais les Mexicains, en 1829. Et c’est l’un des phares de sa civilisation occidentale, les États-Unis, qui est allé en guerre (1848) pour étendre l’esclavage vers le Mexique et en particulier le Texas, qui faisait alors partie du Mexique.  Est-ce le Mexique fait partie de la « civilisation occidentale » de MBC? Par ailleurs, ce sont les monuments faisant l’éloge des dirigeants de cette guerre en faveur de l’esclavage (Stonewall Jackson, Jefferson Davis and Robert E. Lee) qu’on déboulonne aux États-Unis. Et Mathieu Bock-Côté de qualifier ce mouvement « talibanesque ».

Il dit que les idées mènent le monde. C’est vrai, mais les siennes nous mènent dans un cul-de-sac.