« Happy days », le slogan poche du Livre de poche

2021/01/15 | Par Jean-François Vallée

Oui, vous avez bien lu : au beau milieu d’un confinement qui n’en finit plus et qui nous ramène à l’essentiel, comme à la lecture, l’éditeur phare français Le livre de poche réactive son slogan anglais de début d’année, même s’il est totalement décalé.

Pendant que nous, du Québec, gardons le fort et épions l’Amérique anglophone en tâchant tant bien que mal de filtrer la marée quotidienne d’anglicismes et d’expressions venus du Sud, de l’Est comme de l’Ouest de notre continent, les institutions françaises, elles, se vautrent ici encore avec délectation dans l’anglolâtrie. C’est l’arrière-garde qui flanche !

Que faire quand un tel modèle vient du vaisseau amiral? Sonner l’alerte («ring the bells»; je traduis pour nos cousins de l’Hexagone).

Leur rappeler qu’avec le «brexit», l’anglais n’est même plus — qui l’eût cru? — une langue officielle de l’Europe. Il serait grandement temps que l’industrie publicitaire en prenne acte, et fasse son deuil du Harrap’s. Qu’elle s’ouvre à la diversité (à la richesse!) des langues d’Europe.

Ainsi, tant qu’à faire dans le paradoxe ridicule (qu’y a-t-il d’«happy» dans les «days» que nous traversons?), Le livre de poche aurait pu emprunter, pour une fois, son slogan à l’italien : la «dolce vita»… Ça reste un référent non altéré par la mondialisation anglomane, non?

En tout cas pour ma part, je m’abstiendrai d’encourager Le livre de poche tant qu’il sapera la langue même qui l’a vu naitre et fait prospérer. Et je ne m’abonnerai pas à leur «newsletter» tant qu’elle ne se convertira pas en «infolettre». En passant, votre devise me semble dépassée : «Le monde entre vos mains»; pourquoi pas «Le world est entre vos hands?», ce serait bien plus smart

En attendant, espérons qu’Emmanuel Macron se réveille de son anglopnose et rebaptise en français son «One Planet Summit». Lui qui disait : «Nous avons le devoir de remettre l’environnement au cœur de l’économie.» Je lui répondrais : «M. Macron, votre devoir consiste aussi à remettre le français au cœur de votre action, de votre pays, de vos convictions ».

En effet, le président français peut tout à fait mâcher de la gomme (il dirait « chewing gum ») tout en marchant…

D’un francophile désespéré.