Seul, ensemble

2021/01/19 | Par Julien Beauregard

Seul, ensemble
Plus on est loin, plus on se ressemble
Comme c'est beau
De tout laisser vivre sans dire un mot

             («Le corridor», L'Heptade, Harmonium)

Cette expression (avec ses variantes comme «isolé, mais ensemble »), les publicitaires en ont abusé au cours du confinement du printemps 2020 pour évoquer la situation hyper connectée dans laquelle on s'est retrouvé et dans laquelle certains d'entre nous vivons encore à ce jour.

Cela rappelle que Serge Fiori l'avait employée, comme l'avait souligné le cirque Éloize en nommant son spectacle hommage à Harmonium de ce titre inspiré d'une pièce de L'Heptade.

On se tourne tout naturellement vers l'art pour trouver de la beauté dans cette situation contraignante tout en tenant compte de la frustration des artistes de la scène qui aimeraient jouir des mêmes privilèges que les centres d'achat.

Cela a fait en sorte que Radio-Canada a renoué avec le théâtre radiophonique avec sa série Au balcon d'ICI Première, accessible sur son site internet et l'application Ohdio. Il s'y trouve des pièces marquantes, voire incontournables, comme Tu te souviendras de moi de François Archambault, J'accuse d'Annick Lefebvre et Héritage de Lorraine Hansberry.

Par ailleurs, soulignons que la Scène nationale du son en collaboration avec la Fabrique culturelle de Télé-Québec rend disponible d'autres lectures théâtrales comme Pour réussir un poulet de Fabien Cloutier. L'essai radiophonique Pour en finir avec Octobre? de Sébastien Ricard s'y trouve également.

Est-ce à dire que le théâtre vivant est… mort ? Non, bien sûr. Le génie créateur persiste à se manifester grâce à la débrouillardise des artisans. Le Théâtre du Nouveau Monde n'a pas renoncé à sa saison théâtrale et l'a plutôt adapté au contexte actuel avec des présentations vidéo en direct. Et l'espace Yoop a récemment présenté Un de Mani Soleymanlou. Mais pour les plus petites compagnies de théâtre, le défi technique est plus grand.

Le théâtre Harpagon n'est pas resté en peine en présentant Virus et Versa, une série de sketchs créés et mis en scène par Claude Paiement et interprétés par Frédéric Desager et Sylvain Marcel.

La pièce s'inspire de la réalité du télétravail et du caractère anxiogène d'une vie sociale organisée devant un écran. On voit les deux protagonistes comme si on participait à une réunion sur Zoom ou Teams. Les sujets abordés sont basés sur des anecdotes propres à cette réalité ; elles sont parfois même survenues lors des rencontres préparatoires avec les artistes.

La forme courte (environ 30 minutes) est parfaitement adaptée aux plus distraits d'entre-nous qui sont incapables de recréer le caractère solennel d'une salle de spectacle et le fait que les nouveaux épisodes surviendront au cours des prochains vendredis fait en sorte de meubler nos débuts de fin de semaine avec humour.

Comme l'ont aussi dit trop souvent les publicitaires, « en cette période difficile », on prend tout ce qui est bon pour le moral. De l'humour et du théâtre, ça se prend volontiers.

 

Virus et Versa
Texte et mise en scène: Claude Paiement
Interprétation : Frédéric Desager et Sylvain Marcel
Une production du Théâtre Harpagon
Présenté les vendredis de 19h à 20h, du 15 janvier au 16 avril 2021
https://theatreharpagon.com/virusetversa/