Le Parti Québécois et la monarchie

2021/02/02 | Par André Binette

Constitutionnaliste et auteur de La Fin de la monarchie au Québec (Éditions du Renouveau québécois, 2018)

Le Parti Québécois met beaucoup de temps à comprendre que demander l’abolition de la monarchie est la voie royale vers l’indépendance. C’est précisément parce qu’il est impossible pour le Canada d’accéder à une telle demande qu’il faut la faire avec insistance. Il faut faire voler en éclats, une fois pour toutes, l’Illusion historique selon laquelle la nation canadienne et la nation québécoise peuvent s’épanouir dans un même État, ou arriver à une entente fondamentale dans le cadre canadien. La seule entente respectueuse possible entre ces nations sera internationale entre deux États souverains.

La monarchie est l’une des cordes sensibles de l’inconscient collectif des Québécois. Elle est le symbole douloureux et lancinant de la Conquête, un irritant constant que l’on préfère enfouir parce qu’il rappelle la domination britannique et canadienne sur le Québec. Pour le Canada, même si elle ne détient aucun pouvoir politique, Sa Majesté la Reine Elizabeth II est l’incarnation de l’État. Lui prêter serment, c’est prêter allégeance à l’État, et à la Constitution du Canada dont elle est le chef d’État. Comme Louis XIV, l’État, c’est elle.   Il y a une incompatibilité totale et radicale entre ces deux visions.

Le Québec croit en la souveraineté du peuple. Le Canada croit en la souveraineté de Dieu, de la Couronne que Dieu a choisie, et d’une Constitution imposée de force au Québec et aux nations autochtones. Il est temps de montrer ces contradictions au grand jour.

Pour guérir l’esprit colonisé des Québécois qui déforme leur culture en lui imposant des limites, il faut impérativement se débarrasser de la monarchie britannique. Elle divise profondément le Canada. Oser exiger son abolition, c’est déjà entreprendre une thérapie libératrice et collective. Les souverainistes qui sont résignés devant la monarchie sont profondément colonisés. Dans l’esprit d’un peuple colonisé, l’ordre constitutionnel du conquérant vient à être considéré inéluctable, et il lui prête des vertus bienfaisantes même si cet ordre lui est hostile.

Il faut précisément s’appuyer sur un consensus québécois permanent contre la monarchie, jusqu’ici timide et refoulé, n’osant pas être dit, pour demander au Canada ce qu’il ne peut pas concéder en tout état de cause en vertu de la Constitution qu’il a imposée au Québec.

Dans un match de judo, sport que Pierre Elliott Trudeau et son fils aîné ont affectionné, le plus petit des deux doit employer le poids de son adversaire contre lui. Il faut retourner la camisole de force de la Constitution de 1982 parce que la règle de l’unanimité des dix provinces pour abolir la monarchie ne permettra jamais de le faire, même si c’est le seul moyen pour le Canada d’éviter son éclatement. Bien pris qui croyait prendre.

Il faut pousser la nation canadienne dans ses retranchements et l’amener à nier ce qui est une nécessité vitale pour la nation québécoise, qui veut profondément se donner son propre chef d’État en qui elle pourra se reconnaître pour une première fois.

Le nouveau chef du Parti Québécois a demandé en fin de semaine que l’Assemblée nationale cesse de financer le bureau du lieutenant-gouverneur, le représentant de la monarchie au Québec nommé par Ottawa, à hauteur d’environ 500,000$ par année. Il a aussi demandé l’adoption d’une loi québécoise qui réclame l’abolition de la monarchie. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour jouer correctement son rôle de chien de garde de la question nationale devant un gouvernement nationaliste et conservateur qui n’a pas démontré jusqu’ici, après l’adoption louable de la Loi sur la laïcité de l’État, l’ambition de renforcer le statut politique du Québec.

Le probable second mandat de ce gouvernement sera celui pendant lequel il est vraisemblable que le long règne de Sa Majesté actuelle prendra fin.  L’Australie, où la République est à 60% dans les sondages, n’attend que ça pour la mettre en place et couper son dernier lien ombilical avec le Royaume-Uni. La Nouvelle-Zélande suivra rapidement. Bientôt, le Canada sera le seul membre du Commonwealth à conserver la monarchie, outre sa mère-patrie. Il est inconcevable que le Québec regarde passer ces événements sans réagir parce que notre classe politique et intellectuelle, abattue par deux échecs référendaires et un rapatriement unilatéral de la Constitution qui n’a pas modifié la fonction d’un chef d’État étranger, ne sait pas saisir les occasions historiques exceptionnelles qui se présentent à nous.

 

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André Binette travaille à la création d’un mouvement réclamant la fin de la monarchie au Québec. Les personnes intéressées à être informées de l’évolution du projet sont priées de laisser leurs coordonnées à l’adresse suivante : findelamonarchie@gmail.com