Haïti : lettre au Premier ministre Trudeau

2021/02/22 | Par Bianca Mugyenyi

L’auteure est directrice de l’Institut canadien de politique étrangère 

Monsieur le Premier ministre,

Le gouvernement canadien doit mettre fin à l’appui qu’il donne à un président haïtien répressif, corrompu et dépourvu de légitimité constitutionnelle. Au cours des deux dernières années, les Haïtiens ont manifesté une opposition irréductible à Jovenel Moïse dans le cadre de manifestations massives et de grèves générales exigeant qu’il soit démis de ses fonctions.

Depuis le 7 février, Jovenel Moïse occupe le palais présidentiel de Port-au-Prince à l’encontre des articles 134.2 et 134.3 de la Constitution et 239 de la loi électorale reconnus par l’écrasante majorité des institutions du pays. La demande de Moïse de prolonger d’une année son mandat a été rejetée par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, la Fédération des Barreaux d’Haïti et d’autres institutions constitutionnelles. L’opposition avait nommé un juge de la Cour de cassation pour qu’il dirige un gouvernement intérimaire après l’expiration de son mandat, mais Moïse a illégalement fait arrêter l’un des juges de la Cour de cassation et en a destitué trois autres. De plus, la police a occupé la Cour de cassation et a réprimé les manifestants, tirant sur deux reporters qui couvraient les manifestations. Les juges du pays ont lancé une grève illimitée pour forcer Moïse à respecter la Constitution.

Depuis janvier 2020, Moïse gouverne par décret. Après l’expiration des mandats de la plupart des membres du gouvernement parce qu’il n’a pas tenu des élections, Moïse a annoncé le projet de réécrire la Constitution. Des élections justes sont impossibles sous la direction de Moïse parce qu’il a récemment fait pression sur l’ensemble du conseil électoral pour que les membres de celui-ci démissionnent, et qu’il a ensuite nommé unilatéralement de nouveaux membres.

La légitimité de Moïse a toujours été faible, et il a recueilli moins de 600 000 voix dans un pays de 11 millions d’habitants. À partir de l’éclatement des manifestations massives contre la corruption et contre le Fonds monétaire international (FMI) de la mi-2018, Moïse n’a pas cessé d’accroître la répression. Un récent décret présidentiel a criminalisé les personnes qui dressent des barricades de protestation, considérant ce geste comme du « terrorisme », tandis qu’un autre décret a créé une nouvelle agence de renseignement ayant des agents anonymes autorisés à infiltrer et à arrêter toute personne considérée comme se livrant à des actes « subversifs » ou menaçant la « sécurité de l’État ». L’ONU a confirmé, dans le cadre d’un des pires cas documentés, la culpabilité du gouvernement haïtien dans le massacre d’au moins 71 civils dans le quartier pauvre de La Saline, à Port-au-Prince, survenu à la mi-novembre 2018.

Toutes ces informations sont à la disposition des autorités canadiennes, mais celles-ci continuent de financer et de former une force de police qui a violemment réprimé les manifestations organisées contre Moïse. L’ambassadeur du Canada en Haïti a assisté à plusieurs reprises à des cérémonies de la police tout en refusant de critiquer les actes de répression contre les manifestants commis par celle-ci. Le 18 janvier, l’ambassadeur Stuart Savage a rencontré le controversé nouveau chef de police Léon Charles pour discuter du « renforcement des capacités de la police ».

Les représentants du Canada de l’influent « Core Group » (composé des ambassadeurs des États-Unis, de la France, de l’OEA, de l’ONU et de l’Espagne à Port-au-Prince), ont offert à Moïse un important appui diplomatique. Le 12 février, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Marc Garneau, s’est entretenu avec le ministre des Affaires étrangères de facto d’Haïti. La déclaration sur la réunion a annoncé des programmes mixtes d’Haïti et du Canada d’accueillir une conférence prochaine. La déclaration ne mentionnait cependant pas le fait que Moïse avait prolongé son mandat et limogé illégalement des juges de la Cour de cassation, qu’il gouverne par décrets ou qu’il criminalise les manifestations.

Il est temps que le gouvernement canadien arrête d’appuyer une dictature répressive et corrompue en Haïti.

 

Signataires contactés par les Artistes pour la Paix

Tex J. G. Albert, artisan HumaniTera
Rachad Antonius, Professeur département de sociologie UQAM
Les Artistes pour la Paix 2021 – Conseil d’administration : André Cloutier, Izabella Marengo, Christian P. Morin, Normand Raymond et Bill Sloan
Mouvement Québécois pour la Paix
André Breton, artiste pour la paix, syndicaliste retraité SPUQ
Loïc Breton, SEPB-Québec
Sébastien Brunet, Directeur Syndical, SEPB 463
Pascale Camirand, philosophe éthicienne féministe
Martine Chatelain, Agora des Habitants de la Terre – Québec, ex-présidente EAU-SECOURS
Dominique Daigneault, présidente Conseil central du Montréal métropolitain –CSN

Marc Damord, ancien fonctionnaire québécois d'origine haïtienne, à la retraite
Sophie Dansereau, artiste pour la paix
Claude Dauphin, professeur émérite – Département de musique UQAM
Alain Deneault, professeur Université de Moncton
Nicole De Sève, syndicaliste retraitée (Centrale des Syndicats Québec)
Ramatoulaye Diallo, trésorière, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN
Anne Lagacé Dowson, journaliste
Michel Du Cap, syndicaliste, FTQ
Raôul Duguay, Artiste pour la Paix
Renel Exentus, jeune militant haïtien
Laurence Fortier, chargée campagne, Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Manon Fournier, Service de l’éducation FTQ et membre du c.a. CISO
Élisabeth Garant, directrice générale Centre justice et foi
Philippe Giroul, Agora des Habitants de la Terre – Québec
Bertrand Guibord, secrétaire général Conseil central Montréal métropolitain – CSN
Yuriko Hattori, FTQ

Jean-Claude Icart, chercheur autonome
Chantal Ide, vice-présidente, Conseil central du Montréal métropolitain – CSN
Chantal Ismé, militante féministe et communautaire
Pierre Jasmin, artiste pour la paix, Agora des Habitants de la Terre – Québec
Judith Kohl, chargée campagne, Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Benoît Lacoursière, Secrétaire général, FNEEQ-CSN
Ricardo Lamour, alias Emrical, artiste et entrepreneur social
François Lapierre, Représentant Officiel de Québec Solidaire Labelle
Gérald Larose, ex-président Confédération des Syndicats Nationaux
Hélène Le Beau, écrivain artiste pour la paix
Nicole Leblanc, Collège FTQ-Fonds
Marie-Ève Lequin, Service de l’éducation FTQ
Marie Marsolais, coopérante
Claude Morin, professeur (retraité) d’histoire de l’Amérique latine, U de Montréal
Amélie Nguyen, coordonnatrice, Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Marie Paradis, chargée de projets, Centre international de solidarité ouvrière
Simon Pelletier, ingénieur, Société de Transport de Montréal
Jean-Yves Proulx, Agora des Habitants de la Terre – Québec
Gustave Ricardo, étudiant en maîtrise de sociologie
Dimitrios Roussopoulos, Black Rose Books, artiste pour la paix
Alain Saint-Victor, enseignant et historien, membre de la Concertation pour Haïti (CPH)
Gina Thésée, professeure UQAM, co-Titulaire de la Chaire UNESCO : « Démocratie, citoyenneté mondiale et éducation transformatoire ».
Isabelle Touchette, Direction FTQ
Claudio Zanchettin, prof retraité de philosophie, artiste pour la paix.

 

INITIAL SIGNATORIES envoi d’Yves Engler

Noam Chomsky
Roger Waters, co-founder Pink Floyd
El Jones, poet
Svend Robinson, former Member of Parliament
Robyn Maynard, author Policing Black Lives: State Violence in Canada from Slavery to the Present
Rinaldo Walcott, Professor and Writer
Jim Manly, former Member of Parliament
Greg Grandin, Professor of History Yale University
Harsha Walia, activist/writer
Dimitri Lascaris, lawyer, journalist and activist
Antonia Zerbisias, journalist/activist
Eva Manly, retired filmmaker, activist
Beatrice Lindstrom, Clinical Instructor, International Human Rights Clinic, Harvard Law School
John Clarke, Packer Visitor in Social Justice, York University
Jord Samolesky, Propagandhi
Yves Engler, journalist
Jean Saint-Vil, journalist/Solidarité Québec-Haïti
Jennie-Laure Sully, Solidarité Québec-Haïti
Turenne Joseph, Solidarité Québec-Haïti
Frantz André, Comité d’action des personnes sans statut/Solidarité Québec-Haïti
Bianca Mugyenyi, ‎Director Canadian Foreign Policy Institute
Justin Podur, writer/academic
Derrick O’Keefe, writer, co-founder Ricochet
John Philpot, international defense lawyer from Montreal
Frederick Jones, Dawson College
Kevin Skerrett, union researcher
Claudia Chaufan, Associate Professor School of Health Policy and Management York
Jooneed Khan, journalist and human rights activist
Arnold August, author of 3 books on US/Latin America
Gary Engler, author
Greg Albo, York professor
Peter Eglin, Emeritus Professor of Sociology, Wilfrid Laurier University, human rights activist
Barry Weisleder,Federal Secretary, Socialist Action
Alan Freeman, Geopolitical Economy Research Group
Radhika Desai, Professor, University of Manitoba
John Price, Professor
Travis Ross, co-editor Canada-Haiti Information Project
William Sloan, ex. refugee lawyer
Larry Hannant, historian and author
Grahame Russell, Rights Action
Richard Sanders, antiwar researcher, writer, activist
Stefan Christoff, Musician and community activist
Khaled Mouammar, Former Member of the Immigration and Refugee Board of Canada
Ed Lehman Regina Peace Council
Mark Haley, Kelowna Peace Group
Nino Pagliccia, Venezuelan-Canadian political analyst
Ken Stone, Treasurer, Hamilton Coalition To Stop The War
Aziz Fall, President Centre Internationaliste Ryerson Foundation Aubin
Donald Cuccioletta, Coordinator of Nouveaux Cahiers du Socialisme and Montreal Urban Left
Robert Ismael, CPAM 1410 Cabaret des idées
Antonio Artuso, Cercle Jacques Roumain
André Jacob, professeur retraité Université du Québec à Montréal
Kevin Pina, Haiti Information Project
Tracy Glynn, Solidarité Fredericton and lecturer at St. Thomas University
Tobin Haley, Solidarité Fredericton and Assistant Professor of Sociology at Ryerson University
Aaron Mate, journalist