Le travail des femmes, un socle pour le Québec

2021/03/01 | Par Collectif

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Heidi Yetman, présidente de l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ-QPAT), Claire Montour, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ)

L’histoire du Québec nous rappelle que les femmes, particulièrement les infirmières et les enseignantes, ont grandement contribué à bâtir notre société. En effet, grâce à leur savoir-faire et à leur engagement à toute épreuve, celles-ci ont jeté les bases de nos systèmes de santé et d’éducation.

C’est en tant que représentantes de ces deux professions névralgiques que nous prenons la parole, tout en ayant une pensée pour toutes les professions et tous les métiers à majorité féminine qui se sont ajoutés en cours de route et qui enrichissent notre tissu social. Encore aujourd’hui, les enseignantes et les équipes-écoles, les infirmières, les infirmières auxiliaires, les inhalothérapeutes et l’équipe de soin sont une partie importante de la colonne vertébrale grâce à laquelle la société tient encore debout.

À juste titre, plusieurs ont rappelé que, depuis le début de la pandémie, ce sont les femmes qui ont maintenu opérationnels les réseaux de la santé, de l’éducation et de la petite enfance. Même si les collègues masculins y sont présents, bienvenus et appréciés, ces secteurs à prédominance féminine ont été appelés à mettre les bouchées doubles pour que le Québec ne s’écroule pas. Ces femmes et ces hommes, avec d’autres, ont porté le Québec à bout de bras pendant qu’il souffrait. Elles ont répondu à l’appel du premier ministre, souvent au péril de leur santé ou au prix de leur conciliation travail-famille. Nous leur devons beaucoup.

Curieusement, ces secteurs sont aussi les mêmes qui ont le plus souffert des compressions majeures imposées aux services publics dans les années d’austérité. La pandémie aura mis en lumière l’étendue de ses effets dévastateurs ainsi que l’écart béant qui s’est créé entre les besoins de la population et les ressources accessibles dans nos réseaux. Nous constatons toutes et tous la pénurie de personnel, l’organisation déficiente du travail, l’épuisement physique et mental du personnel, les ressources matérielles négligées et la précarité des équipes… Pour couronner le tout, on nous demande d’en faire toujours plus avec moins! Voici un combat que plusieurs décident d’abandonner, épuisées et découragées. Nous sommes au point de rupture.

Or, malgré les beaux discours, les travaux aux tables de négociation n’avançaient pas vraiment jusqu’à il y a de cela quelques semaines, et à très petits pas depuis, faute de mandats du côté du gouvernement, alors que c’est lui qui nous demandait de poursuivre la négociation. La présidente du Conseil du trésor, elle‑même, a dit aux médias que les choses devraient s’améliorer rapidement. Et pourtant.

Parallèlement, pour redresser son économie, Québec mise encore une fois sur le béton et les chantiers. Cependant, la relance économique doit aussi passer par les femmes, majoritaires dans les services publics partout au Québec. En effet, celles-ci travaillent dans nos villes, nos banlieues, nos campagnes. Elles soignent, enseignent, écoutent, réconfortent, éduquent, rassurent. Elles sont indispensables. Elles le sont depuis toujours, et nous en avons ras-le-bol de voir qu’on les tient pour acquises. Il est plus que temps de les respecter et de les reconnaître à leur juste valeur.

Le gouvernement a ici l’occasion de faire d’une pierre deux coups. En investissant en éducation, en santé et dans les services publics, il reconnaîtrait la contribution de ces femmes, mais diversifierait aussi ses leviers économiques afin que la relance profite à toutes et à tous.  En effet, l’ensemble des régions et des économies locales, qui ne voient pas toujours les retombées des grands travaux, bénéficieraient d’un investissement dans les services publics.

Soulignons-le, les services publics sont rentables. Pour chaque dollar supplémentaire qu’on y investit, le produit intérieur brut (PIB) augmente d’au moins 1,10 $[1]. Le retour sur l’investissement est même de 1,25 $ pour l’éducation et de 1,22 $ pour la santé. C’est clairement plus élevé que le 1 $ ou le 1,03 $ pour la construction et les grands travaux. Bien entendu, ces derniers sont utiles et nécessaires, mais ils ne sont pas la seule option pour relancer l’économie.

Par exemple, on peut facilement imaginer les retombées sur l’économie régionale d’un investissement structurant à la formation professionnelle en santé, où sont formées majoritairement des travailleuses qui amélioreront la vie de tous et alimenteront un tissu social dynamique.

Le Québec postpandémie aura plusieurs défis à relever. Il ne s’agira pas de retrouver uniquement la croissance, mais également de reconstruire une qualité de vie. Pour retrouver notre équilibre, on devra compter sur chacun d’entre nous, du plus petit au plus fort. Plus que jamais, les services publics feront la différence. Par leur présence infaillible en temps de crise, les infirmières, les infirmières auxiliaires, les inhalothérapeutes, les enseignantes, les travailleuses de l’éducation et celles de la petite enfance ont toutes démontré qu’elles font partie du socle qui nous soutient comme société afin de retrouver le chemin de la dignité et de la prospérité.

Alors qu’est-ce qu’on attend? À l’approche du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et à la veille du budget d’un Québec ébranlé, le gouvernement a le devoir de faire de ces services à la population une priorité pour l’aider à se relever. Cela signifie de prioriser les conditions d’exercice de celles qui les assurent avec professionnalisme, compétence et engagement. Respecter ces femmes et reconnaître leur travail, c’est tout simplement incontournable pour relever le Québec.