Introduction aux changements... euh… à la catastrophe climatique

2021/03/30 | Par Marc Brullemans et Jacques Benoit

Marc Brullemans*, Ph.D. Biophysique, Membre du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et les enjeux énergétiques au Québec
Jacques Benoit*, D.E.S.S. Développement économique communautaire

 Ce texte fait partie d’une série de 15 articles qui visent à faire connaître le Plan des Chantiers de la DUC, élaborés par l’équipe de Group Mobilisation (GMob) dans le cadre de la « Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique », qui a été appuyée par 525 municipalités représentant 80% de la population québécoise.

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DES UNIVERSITAIRES (1 de 15) – Au printemps 2018, nous rédigions la « Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique », mieux connue sous l’appellation DUC.

Cette déclaration énonce que nous sommes en état de crise climatique et que « cette crise est un état d’urgence climatique ». Elle affirme qu’il s’agit maintenant d’un enjeu qui menace les générations futures principalement « aux niveaux économique, de la santé humaine, alimentaire, environnemental, de même que de la sécurité nationale et internationale », avec nombre d’exemples à l’appui, dont l’augmentation des risques de pandémie.

Les crues printanières de l’année précédente inondant champs et résidences en plusieurs régions, et une période de chaleur caniculaire au mois d’août 2018, causant des sécheresses et de nombreux décès, poussèrent des citoyen.ne.s de toutes les régions à s’emparer de la DUC pour la faire adopter par leurs conseils municipaux: il y avait menace pour les générations futures.

En quelques mois, les résolutions d’appui à la DUC parvinrent de 250 municipalités, pour se poursuivre encore tout au cours de 2019 et atteindre un sommet de 525 municipalités représentant plus de 80% de la population québécoise.

S’y greffa la reconnaissance de l’urgence climatique par les gouvernements du Québec et du Canada.

En mars 2019, nous publiions les Chantiers de la DUC (C-DUC), qui identifient 11 domaines d’intervention urgente. Chacun des chantiers énonce des mesures à appliquer par nos gouvernements supérieurs (73), nos municipalités (47) et par les citoyen.ne.s.(54), pour un total de 174 actions à entreprendre sans tarder pour nous sortir des énergies fossiles, pour contenir le réchauffement climatique à venir et pour nous protéger des impacts déjà en cours.

Au cours de cette même année, des mobilisations impressionnantes, voire historiques, eurent lieu dans le monde, imitées au Québec par 150 000 étudiant.e.s en mars, et par plus de 500 000 personnes en septembre à Montréal. 

À la Conférence des parties (COP25) tenue à Madrid en décembre 2019, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) expliquait qu’une augmentation de la température planétaire de 1,5°C, tel que visé par l’Accord de Paris, aurait des impacts dévastateurs, mais que chaque dixième de degré supplémentaire aurait des effets pires, menaçant des vies, des moyens de subsistance et des économies.

Alors que tous les mouvements militants à travers le monde s’apprêtaient à augmenter la pression sur leurs gouvernements dans les mois suivants, la pandémie de la COVID-19 est venue perturber l’agenda de la militance climatique mondiale.

Un an plus tard, force est d’admettre que très peu d’actions gouvernementales significatives ont été entreprises pour changer les choses, tandis que le réchauffement planétaire se poursuit implacablement.

L’avancement de la recherche et les dernières données nous indiquent maintenant que nous devons atteindre le « zéro émission (de GES) de toute urgence, et l'atteindre en 2030 déjà et non pas en 2050 », afin de nous prémunir de bouleversements causés par le réchauffement planétaire.

Pour bien comprendre, une précision ici s’impose : une crise est un événement brusque et exceptionnel, d’une durée variable, mais qui a une fin et dont on peut se remettre quand elle est terminée. Une catastrophe est plutôt une coupure définitive du déroulement normal des choses, dont les conséquences sont irréparables et un retour à la «normalité » impossible.

Les sciences du climat nous indiquent que la planète se dirige sur une nouvelle trajectoire climatique qui engendrera des crises, toujours plus nombreuses, qui iront s’aggravant et pourraient s’additionner pour nous rendre la vie de plus en plus impossible. C’est pourquoi nous n'hésitons plus à parler de catastrophe climatique.

Face à la situation, non seulement il nous faut agir de toute urgence, mais aussi dans tous les secteurs névralgiques et déterminants. Parce que la menace ne s’adresse plus seulement aux générations futures: elle concerne toutes les générations!

Or, que nous proposent nos gouvernements ?

Le Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement Legault établit une cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) pour 2030 de 37,5% sous le niveau de 1990, identifiant des moyens ne permettant que des réductions de 12% (!). Quant au gouvernement Trudeau, son Projet de loi C-12 vise à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, pendant que son plan climatique renforcé cible, pour 2030, une réduction entre 32% et 40% des émissions canadiennes par rapport à l’année 2005… tout en continuant de financer l’exploitation des sables bitumineux, d’accorder des permis de forage et de d’accroître la capacité de pipelines comme Trans Mountain.

Même sa promesse électorale de planter deux milliards d’arbres ne pourra, à cause du réchauffement, atteindre ses objectifs de captation de carbone. Selon une étude rapportée par Alison Munson, professeure en écologie forestière de l’Université Laval, vers 2050, la forêt sera dégradée au point que sa capacité de captation sera la moitié de ce qu’elle est actuellement. Et cela ne tient pas compte de la recrudescence des feux de forêt, qu’ils soient naturels ou causés par l’Homme!

Dans ce contexte, il nous apparaît superflu de nous attarder à critiquer leurs plans dans le détail : leurs cibles aussi peu audacieuses démontrent à elles seules que ces plans visent plutôt à répondre à des impératifs économiques, plutôt qu’à juguler la catastrophe climatique.

Le Plan d’urgence des Chantiers de la DUC que nous allons vous présenter au cours des prochaines semaines identifie 11 domaines d’intervention, 11 chantiers qui doivent être activés simultanément et, au premier chef, par nos gouvernements supérieurs. Chaque chantier se termine par une liste minimale de mesures à mettre en place par nos gouvernements, nos municipalités et par les citoyen.ne.s pour réduire les impacts des crises à venir.

Nous devons nous approprier ce Plan et le canaliser vers nos gouvernements supérieurs afin de les astreindre à déclencher maintenant toutes les mesures dictées par l’urgence climatique.

Soyons clairs : ou nous nous contraignons maintenant à effectuer ces difficiles, mais nécessaires, transformations sociétales, ou nous attendons que les crises s’en occupent pour nous.

Questions ou commentaires? info@desuniversitaires.org

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