Un budget « no problemo »

2021/03/31 | Par Pierre Beaulne

Il faut reconnaître les qualités politiques et techniques du récent budget caquiste qui met tout en œuvre pour éviter de faire des vagues. D’abord le cadre financier. Le gouvernement suspend temporairement l’application de la loi anti-déficit (comme lors de la crise précédente) ce qui permet de repousser dans sept ans le retour à l’équilibre budgétaire. Les débats potentiellement acrimonieux sur les moyens à prendre pour résorber un déficit structurel estimé à 6,5 milliards sont reportés après les élections de 2022. On indique où on s’en va, mais on s’occupera plus tard de l’éléphant dans la pièce. Gros soupir de soulagement collectif.

Pas de hausses d’impôts ou de taxes, sauf l’indexation automatique des tarifs. Une thérapie toujours populaire chez les contribuables. Et même des réductions des taux d’imposition pour les PME, la clientèle chouchou de la CAQ. Côté dépenses, une croissance de 5,8 % dans la santé, 4,6 % en éducation et 8,2 % dans l’enseignement supérieur. Ce n’est peut-être pas le Pérou, considérant les retards accumulés et les besoins, mais personne ne peut invoquer le mot en « a », austérité.

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Pour les étudiants, deux chèques de 100$ pour les encourager à persévérer, la suspension des intérêts sur les prêts étudiants, une aide pour se procurer les outils nécessaires. Pour les personnes âgées, une bonification du crédit d’impôt pour maintien à domicile et un soutien accru pour les aidantes naturelles. Dans le communautaire, des ressources additionnelles pour la réhabilitation sociale et le soutien des familles, mais un cafouillis dans les mesures d’aide aux femmes victimes de violence conjugale. Soulignons le caractère ponctuel de plusieurs de ces mesures Saluons au passage les efforts pour promouvoir la culture, le patrimoine québécois et la langue française, ainsi que la relance économique du milieu culturel.

Sans doute la pandémie a-t-elle déstabilisé les finances du Québec, le ratio dette-PIB bondissant de 43,2 % à 49,5 %. Mais le cadre financier présenté stabilise ce ratio tout en prévoyant une réduction graduelle à moyen terme. Plutôt rassurant.

Le ministre Girard se ménage toutes sortes de cachettes d’écureuil, au nom de la prudence : une sous-estimation du rebond de l’économie, des provisions pour éventualités de 1,3 milliard pour les deux prochaines années, une surestimation des frais de la dette, et la cerise sur le sunday, un gonflement de 3,2 milliards du Fonds de suppléance, une enveloppe discrétionnaire au Conseil du trésor. Bon pour les négociations du secteur public. À l’approche des élections, le gouvernement disposera de marges pour répandre ses largesses.

 

Un budget sans vision

Ce qui manque, c’est la vision. Le gouvernement donne l’impression d’être surtout préoccupé de couvrir toutes les bases, comme au baseball, mais sans vraiment prioriser quoi que ce soit. Certes, la transition vers une économie verte n’est par négligée, comme en fait foi le Plan pour une économie verte 2030 présenté l’automne dernier auquel on consacrera 6,7 milliards sur 5 ans, à quoi on pourrait ajouter les investissements dans le transport collectif prévus au Plan québécois des infrastructures.

Mais l’effort est tout relatif quand on compare avec le PQI auquel on consacrera 135 milliards sur 10 ans, notamment pour les infrastructures socio-sanitaires et de l’éducation (48 G$), la réfection du réseau routier (28 G$) et le transport collectif (14 G$).

En outre, le budget prévoit une kyrielle de mesures pour tous les domaines industriels, en vue de favoriser l’investissement, l’innovation, la productivité, la requalification de la main-d’œuvre, les activités régionales, les minéraux stratégiques, les batteries, l’aluminium, l’aérospatiale… alouette. Il y en a pour tous et pour tous les goûts. Comme le disait naguère le syndicaliste Tarini : il enfourcha son cheval et partit dans toutes les directions.

Bref, un budget pragmatique, à l’image du parti au pouvoir. On gère.