Infolettre de la COREQ

2021/04/15 | Par André Binette

Aujourd’hui j’aborderai différents sujets ayant trait à la création de la CORÉQ et à l’abolition de la monarchie britannique qui continue de nous régir bien malgré nous au Québec.

 

Constitution de la CORÉQ en personne morale sans but lucratif

J’avais indiqué que nous envisagions une campagne de publicité et des interventions plus poussées à l’automne, et que nous allions passer les prochains mois à nous organiser. Cette démarche est en cours. Nous transmettrons bientôt notre demande officielle de constitution de la CORÉQ en personne morale sans but lucratif auprès du Registraire des entreprises du Québec.
 
Daniel Turp, le juriste bien connu, jeune professeur de droit retraité de l’Université de Montréal et président de l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI), a pris en charge la rédaction de nos documents constitutifs, fort de son expérience antérieure. Nous avons l’intention de transmettre ces documents à la date symbolique du 25 avril 2021, celle du 95e anniversaire de naissance d‘Élizabeth II, et de demander que nos lettres patentes soient délivrées en une Journée nationale des Patriotes, le 24 mai 2021, ce qui me paraît pertinent puisque les Patriotes étaient d’ardents républicains, ayant solennellement affirmé le 28 février 1838 « [q]ue le Bas-Canada d[evait] prendre la forme d'un gouvernement républicain et se déclare]r] maintenant, de fait, République.

Je suis honoré de donner suite à leur engagement pour une société plus juste au Québec. Daniel, Carole Poirier, une militante très efficace et une professionnelle des communications, et moi-même formerons le conseil d’administration provisoire, donc de trois personnes. Ce nombre sera élargi par la suite pour créer le premier conseil d’administration permanent, auquel nous inviterons diverses personnalités.

 

 

Sondage sur la famille royale

Juste avant de vous écrire, j’ai pris connaissance d’un sondage mené au Royaume-Uni sur la famille royale. D'après ce sondage réalisé par Deltapoll, les 31 mars et 1er avril 2021, 47% des Britanniques souhaitent que le prince William succède à sa grand-mère, contre 27% qui veulent Charles comme chef d'État. Les 18 à 24 ans sont quant à eux rebelles; ils veulent Harry, même si la majorité des personnes sondées considèrent que Meghan et lui ont terni la réputation de la monarchie : «Public want Prince William to be King when Queen's reign ends in blow to Charles - Mirror Online». Les résultats détaillés de ce sondage sont disponibles en ligne.

Inscription à l'aut'hebdo : https://lautjournal.info/newsletter/subscriptions Les lois britanniques prévoient la succession automatique de Charles à la fin du règne d'Élizabeth II. Il faudrait changer la loi pour lui substituer William, ce qui est peu probable. Or si une telle loi était adoptée, le consentement du Parlement du Canada ou de l'Assemblée nationale du Québec ne serait pas requis car, selon nos tribunaux fédéraux, le rapatriement de la Constitution n'a pas eu lieu pour la monarchie. Les lois britanniques sur la succession royale continuent donc de s'appliquer ici, ce qui est contraire au principe de laïcité –  car le roi ou la reine est chef de l'Église anglicane – au droit à l'égalité – parce les citoyens canadiens ne sont pas éligibles à devenir chef d'État dans leur propre pays – et à l'indépendance du Canada – puisqu'un pays étranger choisit notre chef d'État. J’en sais quelque chose, puisque j’ai été procureur bénévole pour les professeurs Geneviève Motard et Patrick Taillon de l’Université Laval, qui ont contesté en vain la dernière loi britannique sur la succession royale : Succession au trône britannique : la Cour d'appel refuse d'invalider une loi d'Ottawa | Radio-Canada.ca (radio-canada.ca) . Le texte intégral du jugement de la Cour d’appel du Québec, sur lequel la Cour suprême du Canada a refusé de statuer, est disponible en ligne.

 

 

Étude de l’IRAI sur la monarchie canadienne

Je tiens à souligner la parution d’une excellente étude sur la monarchie rédigée par le professeur Patrice Taillon de la Faculté de droit de l’Université Laval, que j’ai l’avantage de connaître. Cette étude a été publiée par l’IRAI sous le titre La monarchie canadienne : Actualité d’une institution désuète et ses incidences sur la relation Québec-Canada et est accessible gratuitement en ligne.
 

 

Présentation du projet de Loi sur la couronne à l’Assemblée nationale du Québec

Dans l’actualité récente, nous avons également vu la présentation à l’Assemblée nationale du Québec par Sonia Lebel, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, du projet de Loi concernant la dévolution de la couronne  (Projet de loi no 86). Portant sur les effets juridiques de l’avènement d’un nouveau roi du Canada, ce projet de loi est une belle démonstration des inconvénients de la monarchie. Elle est nécessaire parce qu’il existait une ancienne règle du droit britannique qui était en vigueur au XVIIIe et au XIXe siècles, à l’effet qu’au début d’un nouveau règne, des élections devaient automatiquement avoir lieu et que tous les fonctionnaires, même les juges, devaient à nouveau prêter serment d’allégeance, sans quoi leurs actes n’auraient aucune valeur juridique. C’était l’époque où les gouvernements ne représentaient pas le peuple, mais plutôt Sa Majesté. Cette règle a été écartée par le Parlement britannique en 1867 et par le Parlement canadien, dès sa création la même année. Chacune des provinces en a fait autant. La dernière à le faire a été Terre-Neuve, en 2019. Le Québec l’avait fait sous Duplessis, mais le Parlement du Québec a omis la disposition pertinente lorsqu’il a adopté une nouvelle Loi sur l’Assemblée nationale, en 1982. Le Projet de loi no 86 a pour but de corriger cette omission. Il est possible de suivre le cheminement du projet de loi, en ligne.
 
Le Projet de loi no 86 sera normalement débattu et adopté ce printemps. Si des experts sont entendus en commission parlementaire, la CORÉQ compte s’y présenter. Nous ne laisserons passer aucune occasion de ce genre pour exprimer nos vues. De toute manière, ce sera le moment d’un nouveau débat sur la monarchie à l’Assemblée nationale. Le sujet reviendra aussi sur le tapis lors de l’étude des crédits dans les prochaines semaines, lorsque sera venu le temps d’examiner le financement du bureau du lieutenant-gouverneur à même nos impôts (environ 750 000$ par année).

 

 

Le débat sur la monarchie et les enjeux prioritaires

On peut affirmer que la question de la monarchie sera régulièrement évoquée parce qu’elle est maintenant à l’ordre du jour politique de manière permanente, et ce, jusqu’à son abolition, qui est hautement probable dans les prochaines années. À mon avis, la question n’est pas de savoir si la monarchie sera abolie, mais quand et dans quelles conditions elle le sera. De multiples temps forts dans ce débat majeur se présenteront certainement.
 
Il importe d’établir clairement les enjeux prioritaires dans ce débat. Si la question de la monarchie est soulevée dans le cadre d’une réouverture de la Constitution canadienne, il faudra que le gouvernement du Québec obtienne que le mode de nomination de la personne qui occupera la fonction qui remplacera celle du lieutenant-gouverneur soit différente. Il ne suffira pas d’abolir la monarchie, de remplacer le gouverneur général par un président du Canada et le lieutenant-gouverneur par une personne qu’on pourrait appeler le gouverneur du Québec, si ce dernier continue d’être nommé par Ottawa. Il faut que la personne qui exercera la fonction équivalent à l’échelle québécoise du rôle d’un chef d’État dans notre système parlementaire soit désignée par l’Assemblée nationale ou élue au suffrage universel.  
 
De même, il ne faudra pas se lancer immédiatement dans l’autre débat majeur soulevé par l’abolition de la monarchie, soit celui portant sur les pouvoirs d’un président ou d’un gouverneur. C’est l’erreur qui a été commise par les Australiens et Australiennes en 1999.  Un référendum a eu lieu dans ce pays sur le passage à la république. Même si les républicains étaient majoritaires selon les sondages, ils ont échoué par un vote de 55% contre 45% parce qu’ils étaient divisés sur ce qui devait suivre. Pour les uns, le nouveau président de la république ne devait pas avoir davantage de pouvoirs que le gouverneur général. Pour d’autres, il fallait profiter de l’occasion pour se débarrasser du système parlementaire de type britannique et le remplacer par une présidence exécutive comme en trouve en France et aux États-Unis d’Amérique.

Pour assurer l’abolition de la monarchie au Québec, sinon au Canada, il vaudrait sans doute mieux faire d’abord consensus autour du minimum et tenir le débat sur les pouvoirs du nouveau chef de l’État un peu plus tard. Si nous voulons un jour élire le président ou le gouverneur du Québec au suffrage universel pour en faire un chef de gouvernement, en plus d’un chef d’État, nous pourrons le faire à tête plus reposée après avoir, dans un premier temps, coupé nos liens avec la monarchie. Je serai heureux d’échanger davantage avec vous sur ces propositions.

 

Abolition de la monarchie et réouverture des traités avec les Premières Nations 

En terminant, je désire répondre à un argument que j’ai lu dans les derniers jours, qui veut que l’abolition de la monarchie aurait la conséquence négative d’entraîner une réouverture des traités avec les Premières Nations, étant donné qu’ils ont été signés avec la Couronne britannique et canadienne.
 
Cet argument est sans fondement, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, la plupart de ces traités sont odieux et frauduleux. Leur réouverture serait une excellente chose, de toute façon. Deuxièmement, aucun traité territorial n’a été conclu au Québec avec Sa Majesté. L’unique traité de cette nature au Québec est la Convention de la Baie James et du nord québécois. Premièrement, Sa Majesté n’est pas une partie à cette convention. Deuxièmement, l’État canadien y est représenté par le Gouvernement du Canada. Troisièmement, la succession des parties à un traité est une procédure juridique établie. Comme la signature de Sa Majesté est purement symbolique et qu’elle incarne l’État, c’est ce dernier qui lui sera substitué. Enfin, il y a longtemps que les fonctions de Sa Majesté britannique à l’égard des Premières Nations ont été légalement remplacées par celles du gouvernement du Canada. Ce transfert des responsabilités a été souligné par la Cour d’appel d’Angleterre en 1982 lorsque des Premières Nations de l’Alberta ont tenté de bloquer le rapatriement de la Constitution.
La version originale de ce jugement dans l’affaire The Queen v. The Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, ex parte: The Indian Association of Alberta, Union of New Brunswick Indians, Union of Nova Scotian Indians  est très intéressant et accessible en ligne.

 

 

Pour toute question technique ou administrative, vous je vous invite à communiquer avec Carole Poirier à infocoreq@gmail.com. Pour toute discussion sur le contenu, vous pouvez me joindre à findelamonarchie@gmail.com.
 
À la prochaine infolettre dans quelques semaines!
 
 
André Binette
Président-fondateur