Inscrire le caractère français des cégeps dans la loi

2021/04/19 | Par Georges-Rémy Fortin

Pour le Regroupement pour le cégep français*

Il est impératif d’inscrire le caractère français des cégeps dans la loi pour freiner l’anglicisation du réseau collégial français. Cette anglicisation se manifeste par la multiplication des DEC bilingues, mais aussi par l’aval donné par Québec en décembre 2019 aux DEC avec « langue seconde enrichie ». Le ministère invite ainsi les cégeps français à donner en anglais des cours de physique, de sociologie, d’histoire ou de mathématiques… Bref, à donner en anglais des cours spécifiques à des programmes.

Les jeunes Québécois n’ont jamais été aussi bilingues qu’aujourd’hui. Ils n’ont jamais autant parlé anglais dans la rue, sur les réseaux sociaux et jusque dans les corridors des cégeps français. Mais cela ne suffit pas. Dans les cégeps français, l’anglais n’est plus une langue seconde : ces établissements sont en train de devenir des milieux de vie et de travail en anglais, préparant les étudiants à des universités et à un monde du travail anglais.

On envoie ainsi le message aux jeunes de langue française que l’essentiel n’est pas tant la science que l’anglais. Comme les collèges anglais de Montréal attirent les étudiants de langue française ayant la cote R la plus élevée, leur conférant ainsi une aura de prestige, on peut penser que les profils anglais des cégeps français seront aussi vus comme la voie de l’élite. Nos meilleurs étudiants travaillent ainsi davantage à éliminer leur accent, devenu une tare, qu’à exceller dans leur domaine. Quant aux étudiants forts en science, mais plus faibles en anglais, ils se sentiront déclassés. Devons-nous leur annoncer que le monde scientifique n’a pas besoin d’eux ? Et que faire des professeurs incapables d’enseigner en anglais ? Parler anglais sera de plus en plus une exigence pour enseigner dans les cégeps français. Quelle honte !

Alors que les cégeps forment un réseau accessible à l’ensemble des Québécois, les établissements se livrent une concurrence néfaste, dans laquelle l’anglais est une façon d’attirer des étudiants, considérés comme des clients. Tous ces collèges ont pourtant les mêmes devis ministériels, les mêmes programmes préuniversitaires, et ils sont tous financés par le gouvernement du Québec. La course à l’anglicisation peut-elle se solder par autre chose qu’un match nul pour les usines à diplômes, et une défaite pour le français ? Quand tous les cégeps se seront anglicisés, où sera l’avantage concurrentiel ?

Pour inverser la tendance, il est urgent d’inscrire dans la Charte de la langue française et dans la loi sur les cégeps le caractère français du réseau collégial, à l’exception des cégeps anglais, dont la finalité doit être clairement restreinte au service de la communauté de langue anglaise. Un cégep français doit être légalement défini comme une institution qui donne ses cours en français, hormis les cours de langues secondes. Il faut arrêter de jouer avec les mots en cachant l’anglicisation des cégeps sous toutes sortes d’appellations trompeuses. Penser qu’un cégep français puisse rester français en donnant ses cours en anglais est absurde. Il est temps que le bon sens reprenne ses droits et qu’il acquière force de loi. Nous invitons tous ceux et celles qui ont à cœur l’avenir du français à communiquer avec leur élu local de l’Assemblée nationale pour l’inviter à agir et à inscrire cette exigence dans la réforme en cours de la Charte de la langue française. Alors que de nombreux professeurs de cégep, par la voix de leur syndicat, dénoncent les 100 millions consentis pour l’agrandissement de Dawson, et que de jeunes Québécois se lèvent pour réclamer l’application de la loi 101 au cégep, on sent un mouvement pour le français qui annonce un changement de cap.

* Signataires : Nicolas Bourdon (Collège de Bois-de-Boulogne) ; Yannick Lacroix (Collège de Maisonneuve) ; Alain Dion (Cégep de Rimouski) ; Richard Vaillancourt (Collège de Bois-de-Boulogne) ; Georges-Rémy Fortin (Collège de Bois-de-Boulogne).