Le juge Blanchard évite d’aborder les arguments de fond

2021/04/22 | Par Daniel Baril

L’auteur est président du Mouvement laïque québécois

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) reçoit avec un certain soulagement le maintien de la Loi sur la laïcité de l’État, mais déplore que ce maintien ne soit fondé que sur les clauses dérogatoires.

Le juge Blanchard a complètement ignoré les témoignages des parents qui sont intervenus devant la cour pour faire valoir que le port de signes religieux par le personnel enseignant viole leur droit à la liberté de conscience, ainsi que celui de leurs enfants. Ce droit est protégé par l’article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés comme l’a fait valoir le MLQ, mais le juge Blanchard n’en tient aucunement compte.

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Le droit à la liberté de conscience des élèves, c’est la raison d’être même de la loi 21 et c’est la raison du recours aux clauses dérogatoires. En ignorant les bénéfices pour les parents et les élèves d’avoir une école laïque « en fait et en apparence » et en ne discutant que du point de vue des enseignantes qui contestent la loi, la position du juge Blanchard a pour effet de faire de l’école une institution au service des enseignants et non au service des élèves.

Le juge Blanchard considère que le port de signes religieux est un aspect passif, donc non-prosélyte. Pourtant, le témoignage des opposantes fait expressément état de leur volonté d’affirmer et d’afficher leurs croyances religieuses, et même de pratiquer leur religion dans le cadre de leur fonction d’enseignante. La Cour suprême du Canada, dans son arrêt MLQ contre Saguenay, a clairement établi qu’une telle pratique viole la nécessaire neutralité religieuse de l’État. La Cour a même déclaré que cette neutralité religieuse ne commande aucune conciliation avec les autres droits. Mais le juge a ignoré cette affirmation essentielle.

 

Le cas du réseau anglophone

Le MLQ déplore également que la loi ne s’applique pas au réseau scolaire anglophone. Pour arriver à cette décision, le juge Blanchard a considéré que les religions des anglophones étaient protégées par leurs droits linguistiques constitutionnels, ce qui est totalement aberrant. La laïcité doit s’appliquer à tous, quelle que soit la langue d’enseignement ou d’usage. Cela a pour effet de permettre que des enseignantes puissent enseigner dans les écoles anglophones même vêtues d’un niqab.

Ce jugement écarte donc l’argumentation de fond sur laquelle repose la loi. Ce n’est donc que partie remise, soit au renouvellement de la disposition dérogatoire canadienne dans quatre ans.