Algérie : les journalistes réduits au silence

2021/04/27 | Par Michel Gourd

L’organisme Reporters sans frontières (RSF) vient de sortir son rapport 2021 sur la liberté de l'information. L’Algérie y est listée au 146e rang sur 180. Il reste donc dans le 20 % des pires pays au monde pour la liberté de presse. RSF considère que la situation politique en Algérie continue à être instable et que la liberté d’informer y est plus que jamais menacée, deux ans après le début du Hirak.

Il affirme aussi que le gouvernement a profité de la crise du coronavirus pour nuire à l’organisation de manifestations populaires et a adopté des lois liberticides « aux contours flous visant à verrouiller encore plus la liberté de l’information ». Les nombreuses poursuites judiciaires et condamnations de journalistes pour des publications portant « atteinte à l’unité nationale » ou « atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'État » sont aussi dénoncées. L’organisme a d’ailleurs fait plusieurs interventions pointant les actions du gouvernement algérien dans les dernières semaines, constatant un durcissement de la répression envers toutes les voix dissidentes et le blocage de plusieurs médias en ligne.

 

La jeunesse est particulièrement visée

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La lutte contre les droits démocratiques demandés par les membres du mouvement Hirak est actuellement un moteur important des actions du gouvernement algérien. La jeunesse est en grande partie ciblée par sa répression. Les hommes au pouvoir en Algérie croient qu’effacer sur Internet leurs actions contre la liberté de pensée et les droits de l’Homme les rend imperméables à la condamnation internationale. C’est en fait tout le contraire. Le rapport 2021 de l’organisme international Human Rights Watch a d’ailleurs dénoncé les autorités algériennes pour leurs répressions continues contre l’Hirak et l’emprisonnement des opposants qui demandent plus de démocratie dans le pays. L’organisme condamne les peines de prison données à de nombreux opposants politiques s’étant exprimés de manière non violente sur les médias sociaux.

Même les États-Unis, qui ont récemment tenté des manœuvres de rapprochement avec le gouvernement algérien, dépeignent de manière très négative le traitement des droits et libertés en Algérie. Dans un rapport sur les droits de l’homme récemment publié (Country Reports on Human Rights Practices for 2020 United States Department of State • Bureau of Democracy, Human Rights and Labor), ce département d’État dénonçait les violations des libertés civiles et publiques les plus basales dans le pays.

Ce document met l’accent sur les efforts du gouvernement pour censurer les médias électroniques et critique des actions liberticides en Algérie. Il dénonce aussi les disparitions, la torture, la détention arbitraire et le dénie d’une réelle justice aux opposants politique. Plus généralement, les organismes internationaux ont constaté dans les derniers mois que la nouvelle Constitution algérienne n’a pas réussi à diminuer le pouvoir qu’a le politique sur les institutions judiciaires. Elle n’a pas non plus augmenté leurs indépendances.

 

Large répression des libertés

RSF est très clair dans sa dénonciation du système de justice algérien. Il affirme sur son site « qu’une justice instrumentalisée contribue à réduire les journalistes critiques au silence. » Cette situation ne touche pas seulement les journalistes, mais aussi la société algérienne tout entière. La récente condamnation du scientifique spécialiste en l'islamologie Saïd Djabelkhir à 3 ans de prison ferme pour « offense aux préceptes de l'Islam » par le tribunal correctionnel d'Alger, est particulièrement parlante sur cette situation. Même les personnes de science de haut niveau avec une réputation internationale sont actuellement à risque de répression politique.

Le simple fait de citer des recherches déjà bien établies scientifiquement et faisant partie du corpus de connaissances universelles peut maintenant amener à des peines de prison en Algérie. Il s’agit là d’une importante dégradation de la liberté d’expression en général dans le pays. Cette situation vient aussi mettre un peu plus en question les valeurs démocratiques des hauts gestionnaires algériens.

Plusieurs médias ont récemment rappelé qu’il y a actuellement 65 détenus d'opinion dans les prisons algériennes, une situation honteuse qui tache le bilan du gouvernement algérien au niveau mondial. Il faut donc constater l’échec de ses nombreuses actions liberticides. Elles ne peuvent faire taire la contestation internationale de ces violations aux droits de l’Homme. Son entêtement à opprimer sa population pourrait même nuire à sa capacité d’entreprendre des projets importants avec des pays demandant le respect de ces droits comme critères de sélection de leurs partenaires internationaux.