Ma cabane au Canada

2021/04/27 | Par Marc Brullemans et Jacques Benoit

Marc Brullemans*, Ph.D. Biophysique, Membre du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et les enjeux énergétiques au Québec
Jacques Benoit*, D.E.S.S. Développement économique communautaire

DES UNIVERSITAIRES (5 de 15) - Le 7 mai 2019, la Ville de Montréal annonçait qu’elle allait interdire le chauffage au mazout pour 2030, mais du même souffle, qu’elle n’interdirait pas le gaz naturel dans l’immédiat, « étant donné que c’est le mazout qui est le plus grand pollueur au niveau des énergies, c’est le mazout qu’on cible ».

Inscription à l'aut'hebdo : https://lautjournal.info/newsletter/subscriptions

Cette façon de penser permet encore au gaz naturel et à Énergir (anciennement Gaz Métro) de se poser en champion de « la transition énergétique », alors que l’urgence commandée par le réchauffement planétaire ne nous donne plus le temps d’un passage d’une énergie carbonée (pétrole) à une autre (gaz naturel). D'autant que cette façon de chauffer les résidences n’est pas sans risque, comme le rappelle la catastrophe d’Andover.

En quoi l’impérative réduction de nos gaz à effet de serre (GES) nous oblige-t-elle à revoir nos modes de chauffage? En quoi nous oblige-t-elle à repenser le code du bâtiment, lequel régit de diverses façons notre quotidien?

 

Quels sont les faits?

  • Au Québec, en 2018, 46 % de l’énergie consommée dans le secteur du bâtiment commercial et institutionnel était d’origine fossile, principalement sous forme de gaz naturel. 
  • En ce qui concerne nos maisons et logements, bien que la situation se soit améliorée, l’énergie fossile (mazout et gaz naturel) représente encore environ 15% de l’énergie consommée. 
  • Les émissions de GES du secteur du bâtiment commercial et institutionnel ont augmenté depuis 1990 pour atteindre, en 2019, 6,7 mégatonnes d’équivalents CO2, alors que celles du secteur résidentiel s’élevaient à environ 3,8 mégatonnes. En nous affranchissant des combustibles fossiles dans ces secteurs, nous réduirions nos émissions territorialisées d’environ 11 %.
  • Nous utilisons des espaces de plus en plus importants pour nous loger et pour travailler. En 30 ans, la superficie habitable du secteur résidentiel au Québec s’est accrue de 72 %, et le nombre de mètres carrés du secteur institutionnel et commercial s’est accru de 45 % (État de l’énergie au Québec 2021).
  • Un second enjeu pour le climat dans le secteur du bâtiment est l’emploi de substances réfrigérantes dans de nombreux dispositifs. Au Québec, chaque année, environ 120 000 réfrigérateurs, 60 000 congélateurs et 60 000 climatiseurs sont mis aux rebuts. Ces appareils contiennent des gaz réfrigérants et parfois, dans leur enveloppe, d’autres substances volatiles à fort potentiel de réchauffement planétaire (PRP) (voir tableau des valeurs de PRP du GIEC).

C’EST POURQUOI…

  • Dans tout bâtiment, il faut réduire la consommation d’énergie; ainsi, on se doit de privilégier l’énergie solaire passive, optimisant le rayonnement solaire. De même, au vu de leur efficacité énergétique, l’utilisation de thermopompes doit être favorisée.
  • Des solutions autres que les appareils de climatisation doivent être privilégiées: hausse de la réflexion des surfaces, utilisation de persiennes, d’auvents, réalisation de toits verts, meilleure isolation des bâtiments, plantation d’arbres, etc.
  • Afin de diminuer l’empreinte carbone des maisons et des édifices, il faut réduire leur surface (minimaisons, multiplex, etc.), et privilégier, lors de leur construction, l’utilisation de matériaux ayant une faible empreinte carbone. Ainsi, le bois est préférable au gypse ou à l’acier. Face à la catastrophe climatique, il faut être responsable et conséquent, resserrer les normes de construction et ne tolérer aucune dérogation
  • Les bilans carbone du secteur de la construction et du bâtiment doivent inclure la disparition des puits de carbone (prés, forêts ou marais).
  • Le raccordement au gaz naturel, ainsi que l’utilisation du propane et du mazout pour les nouveaux édifices doivent être interdits. 
  • Le chauffage par la biomasse (bûches ou granules de bois ou autre) ne doit être utilisé qu’en tout dernier recours, car il impose une pression sur les forêts et les sols en général, en plus d’émettre des particules fines. 
  • Il convient de remplacer les agents réfrigérants par des fluides contribuant beaucoup moins au réchauffement planétaire (CO2, ammoniac, etc.). Il faut récupérer ces halocarbures délétères, y compris ceux inclus dans les matériaux comme la mousse isolante, pour les détruire. 
  • Il faut s’inspirer du principe des 6 R (Refuser, Réduire, Réutiliser, Réparer, Recycler, Revaloriser) et ainsi préférer la non-construction (refus) à la construction, la rénovation à la construction, et la réparation à la rénovation. 

Conséquemment, nos gouvernements doivent, par exemple:

  • Taxer fortement le mazout et le gaz fossile.
  • Interdire immédiatement tout nouveau système de chauffage et de climatisation au mazout et au gaz naturel.
  • Investir massivement dans toutes les régions pour convertir le chauffage fossile en chauffage zéro émission GES, par exemple, en donnant accès à des tarifs électriques d’urgence climatique (TÉUC).
  • Adopter un nouveau code du bâtiment favorisant l’écoconception, l’utilisation de matériaux à faible empreinte carbone et une meilleure isolation des bâtiments, les rendant carboneutres ou même capables de stocker du carbone (voire autonomes en énergie).
  • Lancer un grand chantier de rénovation et d’isolation des bâtiments locatifs sans augmentation de loyer supérieure à l’indice des prix à la consommation.

Les municipalités devraient, entre autres: 

  • Remplacer, de toute urgence, les systèmes de chauffage aux énergies fossiles dans les infrastructures municipales. 

Les citoyennes et les citoyens peuvent, notamment:

  • Recycler tout système de climatisation et de refroidissement aux endroits appropriés afin d’éviter les rejets de fluides réfrigérants à fort PRP.

On peut connaître un grand nombre de recettes, mais il est plus important de connaître les principes de base de la cuisine. Vu la multitude d'actions à entreprendre dans le monde de la construction, il importe de saisir les lois de la physique et, en particulier, celles de la thermodynamique. Ces lois devraient guider l'ensemble des actions à poser ou à ne pas poser. Si nous devons vivre sans nuire, nous devons aussi apprendre à vivre sans tenir du castor qui, lui, ne peut s’empêcher de couper pour bâtir. L’intelligence des promoteurs et des entrepreneurs ne serait-elle pas de s’en tenir à bâtir l’essentiel?...

(Tiré de la Fiche C-DUC 4 du Plan de la DUC)

* Membres du regroupement Des Universitaires

Questions ou commentaires? info@desuniversitaires.org

Ce texte fait partie d’une série de 15 articles qui visent à faire connaître le Plan de la DUC, élaboré par l’équipe de GroupMobilisation (GMob) dans le cadre de la « Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique », qui a été reconnue par 525 municipalités représentant 80% de la population québécoise.