Travailler à s’en rendre malade, ça suffit!

2021/04/28 | Par Line Lamarre

L’auteure est présidente du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

La pandémie de COVID-19 a multiplié les risques pour les travailleuses et les travailleurs. En plus de ceux liés au virus lui-même, on voit apparaître beaucoup de problèmes de santé mentale, attribuables notamment à la surcharge de travail, et des blessures causées par l’absence de postes de travail ergonomiques en télétravail (obligatoire pour plusieurs, faut-il le rappeler). Or, le ministre du Travail, Jean Boulet, avec son projet de loi 59, a plutôt choisi de couper dans les droits des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades et d’affaiblir les mécanismes de prévention prévus dans la loi.

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) est grandement déçu du projet de loi proposé, car celui-ci prévoit de nombreux reculs en matière de réparation des lésions professionnelles. Il réduit notamment la protection des travailleurs âgés et coupe dans la couverture de services offerts aux personnes en réadaptation. Il donne également de nouveaux pouvoirs réglementaires à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) relativement aux soins de santé et aux médicaments remboursables. Celle-ci pourrait donc adopter un règlement pour refiler aux personnes victimes d’un accident de travail une partie de la facture des médicaments et des soins de santé prescrits par leur médecin, exactement comme le fait un assureur privé!

Si le gouvernement veut réduire les coûts, il devrait plutôt multiplier les efforts de prévention. L’accident le moins coûteux est toujours celui qui ne se produit pas! Or, plutôt que d’étendre les bonnes pratiques à tous les secteurs, les propositions du ministre entraîneront des pertes d’acquis pour plusieurs milieux de travail dans les industries traditionnelles.

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Le ministre semble jusqu’à maintenant peu disposé à ajouter des mesures importantes en matière de prévention. Si le projet de loi nomme enfin la santé mentale, il ne va pas plus loin. À quoi bon ajouter un mot si aucune mesure concrète n’est prévue? La pandémie a entraîné une surcharge de travail pour bon nombre de travailleuses et travailleurs et l’épuisement se fait sentir. Le harcèlement prend également une toute nouvelle dimension avec le télétravail. S’il se fait davantage à l’abri des regards, il n’en est pas moins présent! Qu’attend le ministre pour protéger adéquatement les travailleuses et travailleurs?

Par ailleurs, l’actualité récente a montré une recrudescence de la violence conjugale et des féminicides en contexte de pandémie. Normalement, l’employeur doit s’assurer d’offrir un milieu de travail sécuritaire. En télétravail, les choses se compliquent… Par son silence à ce sujet, le ministre semble sur le point de laisser tomber de nombreuses victimes. Son indifférence vis-à-vis du sort des travailleuses s’exprime également dans le refus du ministre de procéder à une analyse différenciée selon les sexes. Pourtant, il a été maintes fois démontré que lois et règlements peuvent affecter différemment les femmes et les hommes? Si on veut vraiment protéger les personnes travailleuses, faire l’économie de cette analyse est un bien mauvais calcul…

Le projet de loi 59 n’est pas encore adopté, il est donc encore possible de le modifier. Espérons que le ministre saisira l’occasion et qu’il ne laissera pas tomber les travailleuses et les travailleurs. Par la suite, il devra également donner au personnel de la CNESST, déjà surchargé, les moyens de mettre en œuvre les mesures prévues. Autrement, il sera permis de douter de son réel désir de protéger les travailleuses et travailleurs.

 

À propos du SPGQ

Le SPGQ est le plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec. Créé en 1968, il représente près de 29 100 spécialistes, dont environ 20 900 dans la fonction publique, 5 200 à l’Agence du revenu du Québec et 3 000 en santé, en éducation et dans les sociétés d’État.