L’équité vaccinale empire pendant que les pays riches discutent

2021/05/07 | Par Michel Gourd

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonçait le 5 mai qu’il y avait environ 1,17 milliard de doses de vaccins qui avait été donnée à la grandeur de la planète. Le lendemain, elle affirmait cependant que seulement 1 % des habitants du continent africain avait été vacciné. L’équité vaccinale diminue donc puisque c’était 2 % il y a seulement quelques semaines. « Le manque de vaccins accroît le risque de résurgence du Covid-19 », répètent depuis déjà des mois sur toutes les tribunes les responsables de cette organisation. Il y a actuellement près de 4,6 millions de cas de Covid-19 recensés en Afrique. Selon l’OMS, alors que la moyenne mondiale de doses administrées contre cette maladie est de 150 par tranche de 1000 personnes, ce nombre n’est que de huit en Afrique subsaharienne.

Cette situation est en partie due au récent report de livraison des doses de vaccins contre le Covid-19 fabriquées par le Serum Institute of India. Aux prises avec l’apparition d’un nouveau variant, les autorités indiennes ont perdu le contrôle de la pandémie dans leur pays et cela affecte grandement les livraisons de vaccins en Afrique.

Pendant ce temps, les membres du G7, poussés par la récente demande du président américain, Joe Biden, de lever temporairement les brevets sur les vaccins contre le Covid-19, en discutent. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé être prête à réfléchir à toute proposition qui s’attaquerait à la crise de façon efficace et pragmatique. Plusieurs dirigeants européens sont cependant réticents face à cette demande faite, entre autres, par le gouvernement de l’Inde, de l’Afrique du Sud et l’OMS depuis des mois. Celle-ci avait d’ailleurs déjà été refusée au moins huit fois par plusieurs pays concernés et les grandes pharmaceutiques fabriquant ces vaccins. Lever les brevets permettrait aux entreprises spécialisées dans les médicaments génériques d’avoir la capacité de lancer à fond la fabrication de vaccins pour contrer la pandémie.

 

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Compte tenu de la situation, nous devrions tous nous demander si plusieurs grandes pharmaceutiques mondiales ne sont pas actuellement en train de basculer du mauvais côté de l’Histoire. Alors, qu’elles ont contribué a sauvé des milliers de vies par leurs exploits technologiques, leurs désirs de garder le contrôle sur leurs brevets risquent d’en coûter des millions dans les pays incapables d’acheter ces vaccins et cette situation risque d’empirer. Le manque d’un plan de gestion mondiale qui aurait été capable de juguler rapidement cette pandémie laisse de la place pour l’apparition de nouveaux variants plus dangereux que le Covid-19 originale. Le variant B.1.617, responsable de l’augmentation de cas en Inde, vient d’être signalé dans au moins un pays africain. Un autre variant découvert pour la première fois en Afrique du Sud, soit le B1.351, a maintenant contaminé 23 pays africains. Le variant découverte au Royaume-Uni, le B1.1.7 a pour sa part été repéré dans 20 pays.

Plusieurs dirigeants de pays ont affirmé au cours de la dernière année qu’ils construisaient l’avion pendant qu’il était en vol pour expliquer leurs problèmes à gérer cette pandémie. La présente situation montre qu’il n’y a actuellement pas de pilote dans cet avion au niveau mondial. En fait, contrairement à toute logique, cet avion n’existe pas.

Malgré le fait que cette pandémie ne pourra être réglée, de l’aveu de la majorité des spécialistes, que par des actions concertées entre tous les pays, il n’y a pas un seul avion où est toute la population de la Terre. Il y a un avion par pays. Les pilotes de beaucoup de ceux-ci font de la gestion à courte vue et se battent pour les ressources.

« La question de l’accès équitable aux vaccins, aux diagnostics et aux produits thérapeutiques est un enjeu moral et économique de notre époque », a récemment déclaré la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, la Dre Matshidiso Moeti. Pris dans l’actuel égoïsme vaccinal, beaucoup de citoyens du monde regardent les avions de l’Inde et du Brésil s’écraser et se demandent avec angoisse si les leurs subiront le même sort.