«Modère tes transports!»: réduire nos GES sur route (1 de 2)

2021/05/17 | Par Marc Brullemans et Jacques Benoit

Marc Brullemans, Ph.D. Biophysique, Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et enjeux énergétiques au Québec

Jacques Benoit, D.E.S.S. Développement économique communautaire

 

DES UNIVERSITAIRES / (8e de 15) Chaque jour, au Québec, il se dépense 1,4 M$ pour des publicités (1) nous vantant tel ou tel véhicule automobile comme le moyen de s’échapper de notre quotidien, de s’évader, d’être libre, etc. On n’y voit jamais les congestions routières, l’agressivité des conducteur.trice.s, les accidents et les blessures, on ne nous parle pas des effets des particules fines émises dans l’air et du manque d’exercice physique sur la santé.

Tout cela semble un mal nécessaire puisqu’à moins de demeurer tout près de son lieu de travail ou de profiter d’un transport collectif de qualité, il apparaît presque impossible de vivre sans automobile : elle fait partie du mode de vie de la plupart des Québécois. Toute alternative à l’auto individuelle est cachée.

On utilise plutôt beaucoup de matraquage publicitaire pour nous vendre l’invendable. La majorité des véhicules annoncés (VUS, camions «légers») émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre (GES) qu’une petite voiture, mais le gouvernement n’a pas l’intention de restreindre la publicité les concernant. Il est évidemment plus payant pour le manufacturier de vendre un VUS, et ce gros véhicule rapporte plus à l’État et aux intermédiaires.

 

QUELS SONT LES FAITS?

  • Plus un véhicule est lourd, plus il nécessite d’énergie pour le mouvoir et plus un véhicule possède une grande surface frontale, plus sa traînée est importante.
  • Selon les données de la SAAQ, entre 2000 et 2019, la masse moyenne d’un véhicule de promenade a augmenté de 18%.
  • Le F-150 est devenu le véhicule le plus vendu, et même le modèle le plus immatriculé dans quatre régions administratives «Il s’est ainsi vendu environ 11 camions légers pour chaque véhicule électrique vendu en 2019.» (État de l’Énergie au Québec 2021)
  • De 1990 à 2019, la population québécoise s’est accrue de 21%, mais le parc de véhicules de promenade de 65 %, pour atteindre un taux de 1,5 véhicule par ménage.  
  • Le secteur du transport, routier et autre, compte à lui seul pour un tiers de l’énergie totale consommée au Québec. 97 % de cette énergie est issue du pétrole et les trois quarts sont perdus en chaleur.
  • Ce secteur du transport est le plus grand émetteur de GES, comptant pour plus de 40% des émissions. En 2018, l’inventaire du gouvernement les chiffrait à 36,1 mégatonnes d’équivalents CO2, alors qu’en 1990, elles étaient estimées à 27,1 mégatonnes. 
  • Les émissions de GES du transport sur route, marchandises comprises, représentent environ 80 % des émissions du secteur. Le transport de personnes génère 15,3 mégatonnes de GES tandis que celui des marchandises atteint 12,0 mégatonnes. Prises ensemble, les émissions de GES du secteur routier se sont accrues de 50 % depuis 1990. 
  • À l’échelle mondiale, le secteur de la mobilité (transport) requiert 9 % des matières que nous extrayons, mais génère près de 30 % des GES (Circularity Gap Report, 2021)

 

C’EST POURQUOI:

  • Il faut adopter une loi «Zéro émission de GES avant 2031» pour réduire les émissions du secteur des transports.
  • Que ce soit pour le transport de marchandises ou de personnes, il faut en réduire le nombre et la distance parcourue. 
  • Pour réduire encore plus le nombre de véhicules, il faut des formules d’autopartage, de covoiturage et de transports collectifs plus performants et accessibles.
  • Dans les villes, remplacer les déplacements en auto par la marche et le vélo entraîne pour la population de grands bénéfices en termes économiques et en termes de santé. Ceci implique toutefois une réévaluation des plans d’urbanisme.

 

Édition numérique de l'aut'journal  https://campaigns.milibris.com/campaign/608ad26fa81b6a5a00b6d9fb/

 

Conséquemment, nos gouvernements doivent par exemple :

  • Adopter une loi éliminant complètement la vente de véhicules à essence d’ici 2025, et favoriser la conversion électrique des véhicules thermiques déjà existants.
  • Accorder des subventions aux MRC et aux villes pour développer les réseaux de voies cyclables et piétonnières.
  • Faire en sorte que soient indiquées sur les reçus de carburant et sur les titres de transport les émissions de GES s’y rattachant.  

 

(Voir aussi les mesures gouvernementales déjà indiquées précédemment.)

 

Les municipalités devraient, entre autres :

  • Réévaluer et revoir les plans d’urbanisme sous l’angle de la mobilité.
  • Favoriser l’accessibilité à du transport en commun, public et électrifié, constant et efficace.
  • Consacrer des budgets au développement et à la vitalisation de quartiers compacts comme noyaux fonctionnels (commerces, services, écoles, loisirs, etc.) accessibles par mobilité active (vélo, marche).

 

Quant à la population, elle peut notamment :

  • Éviter l’utilisation solo des véhicules automobiles; éviter les véhicules à moteur thermique; faire la conversion électrique des véhicules à moteur thermique personnels (en milieu rural).
  • Créer une coop citoyenne d’autopartage de véhicules et s’y impliquer.
  • S’allier aux municipalités pour exiger les investissements urgents des gouvernements supérieurs dans le transport collectif et électrifié de sa région.

 

Au lieu de ces actions, nos gouvernements maintiennent le tout-à-l’auto. En 2018, le premier ministre Legault déclarait que «si on veut des véhicules électriques, ça prendra des routes pour les faire circuler», nous rappelant cruellement que l’automobile ne vient jamais seule : elle entraîne d’importants coûts.  

Dans son budget 2020-2021, le gouvernement ajoutait 15,1 milliards$ au Plan québécois des infrastructures. Pour 2021-22, les investissements routiers passent de 26,8 milliards$, dans le précédent budget, à 28,3 milliards$, pendant que le Transport collectif est réduit de 13,6 à 12,8 milliards$.

Comme l’affirme Olivier Ducharme (Ville contre automobiles), «l’automobile privée est le symbole par excellence du gaspillage du territoire urbain, des ressources naturelles et de l’énergie [...] et finalement, elle encourage les inégalités sociales et économiques.»

Nous l’avons déjà dit : si les GES étaient visibles ou puants, nous n’en voudrions plus. Pour s’en convaincre, le lecteur peut visionner une courte vidéo mettant en relief les émissions générées par la ville de New York. On y voit un gros «tas» coloré atteignant et dépassant les nuages. 

Un gros «tas» que continuent d’enfler nos voyages en avion qui «relient» les «tas de GES» de toutes nos métropoles, aggravant encore plus les impacts sur le climat (prochain article).

(Tiré de la Fiche C-DUC 4 du Plan de la DUC)

Marc Brullemans et Jacques Benoit sont membres du Regroupement Des Universitaires

Questions ou commentaires?

Ce texte fait partie d’une série de 15 articles qui visent à faire connaître le Plan de la DUC, élaboré par l’équipe de GroupMobilisation (GMob) dans le cadre de la «Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique», qui a été reconnue par 525 municipalités représentant 80 % de la population québécoise.